katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

dimanche, avril 26, 2009

barde un peu barge



Accrochée à sa fenêtre, elle regarde défiler la vie des autres, se disant que la sienne a déjà filé, se demandant sans doute comment elle va réussir, aujourd’hui encore, à passer entre les mailles du filet.


Je l’observe, fixée dans ce cadre immuable, je me dis qu’à ce stade-ci, ce n’est plus d’un âge qu’il s’agit, elle appartient à un autre rivage, elle a nagé au milieu des ravages salazariste, puis, ayant accosté en des eaux plus sages, elle s’est contentée de constater, après l’orage, les nombreux ratages que ce pays a connu au démarrage, au re-démarrage.


Encore amarré pour partie à d’anciens adages, le Portugal se cherche dans des modèles qui pourtant, aujourd’hui, sont en train de faire naufrage.


Qui se sont bâfrés et se retrouvent balafrés.


D’où, légitime, la montée d’une certaine rage chez ceux qui sont laissés en marge.


Barde un peu barge, j’ai embarqué pour observer ce sillon incertain, remarquant affligé l’ambivalence envers l’ancien monarque adepte de la matraque.


Je sifflote du bout des lèvres, un stylo en guise de harpe, les larmes troublant regards et tentatives de réflexion quand je repense à un ami de mon père, espagnol de Gigon, regrettant Franco, me disant qu’il n’y avait alors pas toute cette délinquance, qu’on pouvait aller travailler au milieu de la nuit, sans craintes.


Je pense, orage au ventre, à ces personnes âgées qui se disent que, au fond, il nous faudrait une bonne guerre.


Et pour l’apéro, ou plutôt pour l’après-euro ? Une bonne guerre, bien mousseuse, SVP.


Histoire de savoir pourquoi vous roter, euh pardon, pourquoi vous rater cette cible du bien-être et de l’égalité des chances chantée à tue-tête.


A tue-tête, précisément.


C’est un peu bête ce cimetière du sens pratique et du savoir-vivre que le règne entrepreneurial n’a de cesse de creuser.


Ces mots de Villa-Mattas que Benoît m’a envoyés :


" La recherche quotidienne de personnes aimables, bien élevées, au caractère agréable, me fatigue. Je me sens de plus en plus las de tous ces êtres qui nous maltraitent tant. La mauvaise humeur générale, l'impolitesse régnante sont insupportables. Plus nous progressons dans le bien-être, plus les gens sont horribles et d'humeur maussade. Peut-être est-ce la conséquence des luttes sanglantes menées pour accéder à ce bien-être. Il n'empêche que le bon caractère est, de toutes les qualités morales, celle dont notre monde a le plus besoin et il est sûrement la conséquence de la tranquillité et non de progrès insensés."


Accrochée à sa fenêtre, elle regarde défiler la vie des autres, se disant que la sienne a déjà filé, se demandant sans doute comment elle va réussir, aujourd’hui encore, à passer entre les mailles du filet.


Elle me demande une cigarette que je n’ai pas, je la lui donne; impression d’être ainsi en phase avec cette époque où l’inexistence s’est faite essence.


Elle la prend de bonne grâce, assez longtemps qu’elle guette, elle a compris comment fonctionne le royaume des nouveaux prophètes.


J’aime bien ta tête, me dit-elle.


Change pas de style, choupinette, me suis-je alors entendu lui répondre.


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