Digressions routières, tricot de regards
De bien irrégulières écharpes, certes, mais avec cependant une application jamais prise en défaut. J’aimais beaucoup tricoter, je m’étais carrément essayé au crochet ; cela agaçait un peu mon paternel, parce que c’était tout de même fort peu viril ; tout comme le violon, instrument qui me fascinait, trop coûteux aux yeux de ma maman, conçu pour les filles selon mon papa.
Ces goûts sons restés, à peine voilés, dans ma manière d’évoluer, aussi bien balle aux pieds que plume à la main ou histoires au coin des lèvres.
Je tourne autour du pot, m’enflamme, invite l’orchestre à continuer, résiste parfois avec peine au doucereux, puis l’instant d’après me débats pour que ma voix et mon jeu ne deviennent pas trop agressifs.
Une maille à l’endroit, plusieurs à l’envers, j’apprécie l’idée de faire mes gammes, de refuser les idéogrammes, en tricotant des pulls de mots avec une imitation d’archet.
Ne pas savoir où on va est le meilleur moyen de ne pas se perdre, c’est en partie avec ce désordre d’idées que nous nous sommes lancés dans des digressions routières, avec Luca le flamboyant.
Nous avons intercepté Chloé et son chéri, puis avons mis le cap sur l’Andalousie, sillonnant l’Alentejo, embrassant des paysages qui s’imprimaient avec fougue dans mon âme campagnarde ; je reviendrai par ici, sac sur le dos, écouter plus attentivement les récits des troupeaux et des bâtisses de pierre délaissées.
Dormant sous tente dans des endroits fabuleux, délices dégotés grâce au flair du conducteur au chapeau de cow-boy, trônant notamment une nuit au-dessus du cours d’eau constituant la barrière naturelle entre Portugal et Espagne ; notre proximité nocturne offrant à mes camarades la possibilité de profiter des étreintes de fado et de flamenco qui se devinaient dans mes ronflements.
Après quelques heures à Séville, passage me confirmant que je ne suis pas fait pour les "visites-express", encore moins depuis que Lisbonne aimante mes regards, nous avons amorcé le retour, continuant de nous abreuver d’étendues qui déménagent la vue, qui interrogent les points de vue.
Luca avait intitulé une série de photographies « Comment dire ? », mettant ainsi le doigt sur l’importance des images qui questionnent, qui invitent à réfléchir. Ce qui fait écho à mon envie de toujours broder ma voix autour de l’expression figée « Je ne sais pas ce qu’il faut en penser », de coudre des paragraphes insistant sur le fait que, à tout propos, il ne faut rien penser de précis, mais qu’il faut y penser.
Je suis captivé par la manière dont les images, figées par essence, peuvent représenter, mentalement, une dynamique perpétuelle.
A une époque où les écrans écrasent les crânes, combattre cette crasse est un défi superbe que certains, comme Luca, relèvent sans concessions.
C’est avec leurs voix étoilées dans mes pas que je chemine.
Au risque de me répéter...
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
1 Comments:
bonjour karim,
marie-françoise (la personne qui a pris ton relais au près de la personne en situation de handicap dont tu t'occupais), m'a parlé de toi, de ton site. j'ai peu de temps là, mais je me réjouis de le découvrir. si elle m'a parlé de toi (je te dis "tu", soyons fous ;), c'est parce que j'aime écrire. je n'ai pas de blog privé mais je suis chroniqueuse pour un journal féminin sur internet. si tu veux, je peux te donner le lien... mais le but de ce message, c'est juste de te dire que je me réjouis de te lire. que l'écriture, c'est merveilleux ! oui, merveilleux, même si c'est dur (le plaisir par la souffrance). bien à toi, mélanie.
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