katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, novembre 25, 2010

c'est son odeur qui me dorlote







Glisser,

hors du lit,

dans ses habits,

sur le sol.


Je chauffe un peu de lait, le verse dans un bol, y ajoute un reste de café froid. Des dessins s'étirent. Parfois je bois le lac de Neuche, parfois le continent africain. Ma tasse de thé, elle est nettement moins rigolote. Elle, c'est son odeur qui me dorlote.


Je descends les escaliers en silence, pour que le premier bruit qui permette à la maison de prendre conscience que quelque chose se passe, ce soit l'envol des pigeons lorsque j'ouvre la porte pour m'élancer dans les premiers frémissements du jour.


Quand Max est rentré de ses cinq semaines toulousaines, la voisine du dessous lui a fait remarquer qu'elle avait tout de suite repéré qu'il était de retour. Elle avait entendu son pas pesant. « Votre ami, c'est un petit saint », elle lui a dit, « il doit flotter quand il se déplace ». C'était la seconde version, après inquiétudes dissipées. Au propriétaire, elle avait dit qu'elle se demandait s'il n'y avait pas un fantôme dans la maison.


Appelez-moi Casper pépère.


La poissonnière du coin, comme j'arrivais pendant qu'elle parlait de son dernier rendez-vous chez le médecin, m'a demandé si je trouvais qu'elle donnait l'impression de peser 79 kilos. J'ai dit non, sans hésiter, ce qui était vrai. J'aurais bien dit quinze de plus. Elle a été ravie. Elle ne m'a facturé qu'un des deux rougets que j'étais venu acheter.


Hier, histoire d'aller flairer les premiers échos de la Grève Générale, je suis parti faire mon pas de course en direction de Cais do Sodré. Après la place du commerce, au bord du Tage, dans un endroit qui n'est pas encore aménagé, un type jouait du sax, tout seul, concert privé pour quelques goélands charmés.


J'ai continué jusqu'au musée d'art ancien, où il faudra que je revienne pour une sombre histoire de peinture et de décapitation. Je suis souvent partant quant il s'agit de perdre la tête. J'ai gravi l'escalier monumental, aiguisé mes mollets en direction d'Estrella, puis Rato, puis Avenue de la Liberté.


La grève? Pas encore là.


Cela m'a rappelé le titre du livre que lisait un type, à côté de moi, quand je rentrais en tram de Belem : « L'espace vide ». Je me suis arrêté au bord de la route, j'ai regardé à gauche et à droite. « L'espace vide », c'est une conception de la scénographie émise par Peter Brook. Refuser la surcharge, revenir à certaines bases. C'est le comédien, donc l'être humain, qui doit être central, plutôt qu'accessoire ou faire-valoir.


La grève générale a commencé plus tard, avec une ampleur réjouissante. Il s'agissait, pour les personnes présentes, de rappeler qu'elles existent, qu'elles ne sont pas que des chiffres abstraits dans les statistiques de technocrates délavés.


L'espace vide. J'ai regardé à gauche et à droite. J'ai frappé dans mes mains. On va l'avoir ce déficit, j'ai hurlé, on va lui faire la fête, à cette dette.


Un des types qui fait des signes aux voitures pour leur indiquer les places libres, en espérant recevoir quelques centimes, est venu me mettre la main sur l'épaule. Il m'a dit que tout irait bien, il m'a demandé si je voulais une bière, pour me calmer. Parce que j'avais pas l'air bien méchant, mais là, j'effrayais les conducteurs.


Désolé mec.


Il faut pas grand chose pour me clouer le bec.


Je suis passé faire coucou à Arthur, Rubens et Maria, ai continué jusqu'à la place des martyres de la patrie, ensuite Martim Moniz, place hideuse mais tant attachante qu'on en oublie sa laideur. Dernière mise à contribution de ma pompe pour me rendre à Graça, après ça descend jusque chez Max.


On pouvait commencer à cuisiner. On a papoté en faisant la popote. Je lui ai fait goûter le reste du velouté que je mangeais depuis trois jours. Aujourd'hui, il y a un papier sur le frigo:


« Recette de la meilleure soupe du monde par Karim »


Appelez-moi Casper pépère le roi de la soupière.




Libellés : ,

5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Et on peut l'avoir la recette de cette fameuse soupe ?

Moi je viens de faire un velouté,courge ,carotte!Pas mal,mais un peu doux!¨

Je t'embrasse bien fort tout en contemplant la neige qui tombe à gros flocons!!
taratata

25 novembre, 2010 23:31  
Anonymous Raphu said...

Mais dis donc on fait dans l humour! En traçant ton parcours dans ma tete je me dis que ca faisait une sacrée trotte...j ai deja mal au pied rien que d y penser... bon fin de semana!enfin surtout pour Max hein?...

26 novembre, 2010 16:22  
Anonymous Julien said...

Si je puis me permettre, je trouve que tu ne parles pas assez, et pas assez souvent, de tes talents culinaires, que j'ai pu apprécier à de trop rares occasions.
Je suis persuadé que tu trouverais de belles inspirations sur ce sujet!

26 novembre, 2010 19:22  
Anonymous Anonyme said...

"On va l'avoir ce déficit, j'ai hurlé, on va lui faire la fête, à cette dette."

OUAAAAAIIIS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!

En passant, je pense que l'auteur de ce petit livre était dans le film dont tu avais parlé l'an dernier ici-même:

http://indigene-editions.blogspot.com/2010/10/indignez-vous-par-stephane-hessel.html

B.

29 novembre, 2010 23:21  
Anonymous Denise said...

Glisser,

hors du lit,

dans ses habits,

sur le sol.


Et laisser les mots aller où ils ont bien envie de voler...j'aime

04 décembre, 2010 01:15  

Enregistrer un commentaire

<< Home