une dégaine impayable
Les arbres esseulés m'en ont toujours imposé, alors en plus avec les Pyrénées pour les chapeauter. J'aime particulièrement quand ils sont effeuillés. C'est le cas parfois même hors saison, il y en a qui ne s'habillent pas de l'année; comme un pied de nez aux bonnes manières.
Un pied de nez. Le Barça en a fait tout une série aux hommes de Mourinho. Une telle démonstration de foot, quand on a l'occasion de la voir, on sait assez vite qu'on assiste à un petit moment d'Histoire. La minute qui précède le second goal n'est pas digne d'un manuel, elle est un manuel. Il y a tout, dans ce(s) mouvement(s).
Après un tel festival, en sortant du pub avec Thomas, malgré la nuit, on voyait l'imposante chaîne de montagne, au loin; c'était la pleine lune et un défilé d'étoiles filantes dans nos yeux de gosses.
Je savais que d'autres potes avaient vibré dans le même temps, je sentais leurs mains sur mes épaules.
J'aime quand ce jeu sait être beaucoup plus qu'un jeu, quand ce n'est plus l'argent qui se compte par millions, mais les exclamations béates.
« Vous allez être déçu, c'est tellement triste Pau. »
J'avais pourtant été accueilli ainsi, dans l'après-midi, par un bistrotier complètement désabusé qui se demandait quelle idée j'avais de venir ici. Deux vitrines plus loin, « Pau se meurt » inscrit chez un commerçant qui doit sans doute boire l'apéro avec mon ami déconfit. Il y en a d'autres, de ces annotations sombrement péremptoires.
En face, un grand parc, avec un panneau immense et lugubre à l'entrée. La première phrase de cette mise en garde: Il est interdit de toucher aux arbres.
Ben mon vieux, ça rigole par ici.
Il en fallait plus que cette entame laborieuse pour me décourager, je suis donc allé du château – où j'ai constaté une nouvelle fois qu'il y a une chose qui m'énerve autant que de ne pas réussir à décrypter ce qu'une personne lit: ne pas reconnaître un maillot de foot. J'ai de ces faiblesses. - au gave de Pau, rien de tel qu'un cours d'eau pour me redonner le sourire. En fait si: l'imprimerie papèterie de la Monnaie. J'y suis entré pour humer l'odeur et entendre les machines, le type qui bossait me l'a dit, être moribond, c'est un état d'esprit; donc le refuser aussi.
(Je ne crois pas vous avoir dit que la doyenne de Fontbelle, à qui je n'avais pas été en mesure d'écrire depuis bien longtemps puisque j'avais oublié son adresse chez Maud et Pablo, a répondu chez Max à la missive envoyée dès que j'ai pu; elle m'a dit qu'elle se souvenait très bien du « vaillant marcheur ». A plus de cent ans, elle envisage gentiment d'entrer en maison de retraite si cela s'avère vraiment nécessaire.
Respect. Robustesse.)
D'autres instantanées palois ont équilibré la balance de mon entrée vacillante: La Tor de Borrèu -malheureusement fermée quand je suis passé -; la tête qu'un chien avait posée sur l'épaule de son maître pour faire la sieste; un type à vélo avec une dégaine impayable; la patronne d'un bistrot dotée d'une énergie commutative.
Aussi la citation de François Augiéras, qui est en exergue du texte que Joël Vernet lui consacre (« L'ermite et le vagabnd » »). Elle me semble un parfait point final à ce déblogage.
« Ma plus belle œuvre d'art, serait-ce ma vie? Ce que j'ai vécu, voilà surtout ce qui m'importe. C'est aussi la meilleure manière de s'élever contre les hommes. Pouvoir leur dire un jour: Je me suis emparé d'une puissante part de la réalité, de la façon que je voulais, pour moi seul, sans vous demander votre avis, ni votre permission, loin de vous, malgré vous, sans vous, pas en rêve, pas en art, mais au cœur même du réel; voilà ce qui, peut-être, à la fin de ce siècle, quand on fera le bilan, pèsera le plus lourd. »
Libellés : Pensées vagabondes, Photos
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