katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, janvier 26, 2011

des sourires débordant de larmes












Je me suis assez vite demandé si j'avais déjà eu l'insigne privilège d'être assis à côté d'une personne capable de faire autant de bruit en lisant. Un expert en la matière, assurément. Une panoplie complète d'astuces: respirations qui jongle entre soupirs et gémissements, papier de journal manipulé avec la douceur d'un sanglier en rut, des mouvements du haut du corps aussi discrets et gracieux que ceux d'une machine de chantier.


Un spécimen rare; un énergumène collector.


Bien sagement assis dans la biblithèque de l'Institut franco-portugais, je tentais de lire des lignes de Vassili Golovanov sur Vélimir Khlébnikov.


Ou quand il ne s'agit pas de qui vole un œuf vole un bœuf, mais d'un « -ov » qui peut en cacher un autre.


Sans qu'il soit question de mettre tous les « -ov » dans le même panier.


Bon, d'accord, vous pouvez choisir la sanction:


Bof bof bof.


Ou:


Mazel tov.


D'après mes investigations électroniques, cette expression juive signifie, littéralement : bonne constellation. Il y a peu, j'ai reçu un message qui m'a beaucoup touché. Il était le fruit d'un ami un peu particulier, que je n'ai pas vu depuis longtemps. Il y était question de la révolution saturnienne que je suis en train de vivre. Absolument. Saturne met semble-t-il trente ans pour faire le tour du soleil.


Et moi pour faire le tour de la lune?!?


Je ne sais pas trop, mais pour faire celui des urnes portugaises, cela a vite été expédié.


Dimanche après-midi, j'ai demandé à un type si on allait savoir les résultats de la présidentielle le jour-même. Il a bien ri, puis m'a demandé si je n'étais pas au courant que le vainqueur était déjà connu depuis longtemps. Ce que l'on m'avait effectivement déjà laissé entendre. L'heureux élu par avance étant le brillant président déjà en place. Il a joué les calimeros toute la campagne. Quand il oubliait de geindre, il s'achetait un bâtiment sur l'Avenue de la Liberté, pour assurer sa campagne de promotion.


Au final, Cavaco Silva a en effet gagné, sur un score presque digne de ceux de Ben Ali du temps de sa superbe. Avec une abstention record de plus de 50%. Et près de 200'000 votes blancs. L'Union Européenne nous construit une démocratie de toute première qualité.


Mazel tov.


On entend ceci dans l'adaptation cinématographique de « La vie devant soi », projetée lundi à l'IFP. Elle avait été précédée d'une présentation de Gary, à l'occasion de la sortie du livre en portugais.


Entendre les propos très enthousiastes de la traductrice (qui semble avoir joué un immense rôle dans ce magnifique évènement), ainsi que ceux de l'éditeur (qui a expliqué qu'après avoir été, dans un premier temps, sceptique, se voit aujourd'hui heureux de savoir que ce livre « remarquable » existe. « Il mérite de pouvoir être lu en portugais » a-t-il ajouté.), m'a tout embué les yeux. C'était plus fort que moi. J'avais l'impression d'être ma maman quand elle est émue, je ne pouvais pas parler sans pleurer.


J'ai de ces faiblesses. Non mais des choses pareilles.


C'est qu'un auteur qui parvient, dans le même temps, à vous mettre la main sur l'épaule, puis à vous prendre par les pieds pour vous faire tourner très, très vite; sans oublier, souvent, de vous offrir des sourires débordant de larmes, ben c'est clair qu'on a envie de propager ses ondes de vitalité et de lucidité désespérée. Elles sont essentielles.


« La vie devant soi » fait partie de ces ouvrages rares que l'on peut ouvrir à n'importe quelle page, et être bouleversé. Vous pouvez faire le test avec vos livres préférés, il n'y en a pas beaucoup qui sortent de cette épreuve avec mention.


Je vous parlais de Golovanov, au début de ce déblogage; son « Eloge des voyages insensés », même si dans un style complètement différent, est de ce tonneau.


Ne pas psalmodier les voix qui nous ont traversé, mais les faire changer de tempo, parfois "funky", parfois plus classique, au gré de nos rencontres. Pour donner envie. Pour faire passer ce qui nous a permis de nous dépasser.


Rubens m'a imprimé un magnifique entretien avec Vitor Silva Tavares, le directeur des éditons Etc., une maison qui publie des petits livres fabuleux, le plus souvent de poésie. Il y parle d'une personne qu'il considère comme un maître; non pas un professeur, un maître. Parce que, explique-t-il, il ne lui a rien enseigné, mais il l'a « mis en position de savoir ».


Avant de vous libérer, je ne résiste pas à l'envie de glisser encore ces mots de Jean Birnbaum, parlant de Mathieu Lindon, parlant de Foucault (ou quand « parlant » joue à saute-moutons):


« C'est aussi parce qu'à ses yeux l'éthique de la transmission se confondait avec la vie elle-même, elle se déployait dans les gestes de confiance et de tendresse, elle appelait au moins autant une intensification du désir qu'une volonté de savoir. »

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4 Comments:

Anonymous Martin said...

heureux d'avoir de tes nouvelles l'ami, beau papier comme toujours.

26 janvier, 2011 08:35  
Anonymous Anonyme said...

Il semble peu compréhensible qu’une personne dont l’amour pour ses deux
pays pulse orgueilleusement dans ses veines, et fait battre son cœur très fort, choisit ce moment particulier de nous parler des élections Présidentielles portugaises...

Faut –il attendre aux Portugais à nous donner l’information
sur les évènements extraordinaires révolutionnaires et historiques Tunisiens ?
La fibrillation d’un grand peuple ?
L’homme de Maghreb – celui de la maxime ‘ Moins on a , plus on est ’?

Un simple appel au blogger ( blogeur ? ) et pas un reproche :

Faites-nous sentir s.v.p. votre voix ( ou hurlements ! ) ainsi que vos idées, vos espérances … On va vous comprendre,( surtout votre précieux insight ‘),
respecter vos sentiments, essuyer vos larmes..

Le grande rôle de certains blocs comme le vôtre , mais…. si
cela n’est pas possible, je vous demande pardon .

P.S. Touchantes, et bien appréciées vos pensées re Gary.

Pour parler ,

« Il faut aimer » ( R.Gary ) Et il parlait toujours…

« Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé »

( Alfred de Musset, 1810- 1857 ‘ La nuit d ‘août - le poète à la muse )‘

27 janvier, 2011 16:25  
Anonymous Denise said...

Faut-il attendre...de ce blog un commentaire de l'actualité "médiatique-mondiale" digne d'un journaliste rapacique se jettant sur la proie commune du moment...
mmm...j'aime que ce ne soit pas le cas...et j'aime que ce soit le cas...car j'aime que les mots de katch mettent en perspective et nous fasse faire des liens, en sous-main...finalement y a-t-il une différence entre ces élections portuguaises et ce qu'il se passe dans certaines pseudo-démocraties bénies (des européens et autres) du moment qu'ils profitent de leur économie et que le "peuple" ne se soulève pas trop...on pourra toujours changer son fusil d'épaule en cas de révolte populaire et faire semblant d'être amnésique, voir de s'emmêler les pinceaux quelques jours et d'affirmer une position quand la situation évolue dans l'un ou l'autre sens...c'est plus prudent d'être du côté des gagnants...
En attendant Mazel tov et collector :-)...depuis le temps que je voulais me remetre à JSF...emprunté le film "everything is illuminated"...miam...vais-je lire le livre...ou plutôt Eating animals... t'es-tu plongé dans ce dernier?

27 janvier, 2011 17:40  
Blogger katch said...

Il semble un peu tôt pour vraiment crier victoire, en Tunisie. Ce qui est arrivé est déjà extraordinaire, assurément, mais toutes les revendications sont loin d'être entendues; le "tout pour l'économie" a repris ses droits, notamment dans la "nouvelle" télé tunisienne.

Les personnes en places se rappellent que DSK est venu se faire décorer par Ben Ali il y a peu, et qu'il en avait profité pour vanter le modèle économique tunisien au nom de cette machine à produire de la misère et de potentielles guerres civiles qu'est le FMI.

Ce type, Dominique kèkechose, va peut-être se présenter comme le sauveur des socialistes à la prochaine présidentielle française, ça me fait vomir.

Pour ce qui est d'impressions plus personnelles, je traverserai la "gouille" méditerranéenne dans quelques semaines; l'écriture me sera précieuse, pour voir, pour mieux comprendre ce que je sentirai, c'est certain.

En attendant, les déblogages gardent leur absence de cap.

Et d'épées?!?

28 janvier, 2011 08:08  

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