katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

samedi, janvier 15, 2011

une incertaine raucité en gorge






Le pont du 25 avril était décapité par le brouillard. Nous constations cette perte momentanée depuis le bus. Avant de s'appeler ainsi, cette liaison entre les deux rives du Tage portait le nom de son commanditaire: Salazar; un dictateur déguisé en patriarche. Une des personnes les plus regrettées au Portugal.


Constatant que la « tête » de cet immense ouvrage était en partie effacée par la météo du jour, c'est à celle de Ben Ali que je pensais. A ses portraits présents dans chaque établissement public. Au ridicule de cette exigence qui vise à faire de chacun de ses citoyens un adolescent attardé placardant celui qu'il aime contre ses murs.


Bon, c'est vrai que c'est la même chose dans les démocraties parlementaires tant louées, mais au moins on a l'impression de choisir, bien aidé par la télé, celui ou celle qui prend place sur nos parois.


Moi je mets toujours un blaireau quelque part. C'est une histoire de fraternité à portée de regard.


Estar costumado ne signifie pas être costumé, mais être habitué. Un blaireau pour rengaine, cela me rappelle aussi en quoi mes semblables sont le plus souvent déguisé, sans même s'en rendre compte.


« La violence d'un monde à créer va supplanter la violence d'un monde qui se détruit. »


Le nombre de morts continuait d'augmenter chaque jour, en Tunisie, lorsque je lisais cette phrase dans un petit livre de Raoul Vaneigem intitulé « L'état n'est plus rien, soyons tout ». La volonté d'en finir avec un tyran aux poches plus que pleines a poussé une partie du peuple tunisien à ne rien céder. Nombreux sont ceux qui ont préféré regarder en face leur possible dernière minute plutôt que de continuer à subir des injustices à répétition.


Révolution du jasmin, peut-être. Révolution main dans la main, surtout.


J'espère que cette volonté et cette solidarité donneront l'exemple à tous ceux qui vont continuer d'être sucés jusqu'à la moelle par les organismes financiers carnassiers. Le Portugal, cette année, a diminué de 10% (!!!) les salaires dans la fonction publique. Cela couvre tout juste l'intérêt de la dette pour 2010.


Bel effort.


Comment on dit?!? Ah oui, un pet dans l'eau.


Je propose qu'on arrête tous de tremper nos fesses dans ses étangs faisandés, qu'on laisse les charognards en costard vider les dernières bouteilles de leurs bars. Ils se préparent une sacrée gueule de bois. Cela les aidera peut-être à flotter.


« Les zapatistes ont, pour définir leur volonté de fonder une société plus humaine, une formule qui rappelle la nécessité d'une vigilance constante: nous ne sommes pas un exemple mais une expérience. »


Vaneigem, un peu plus loin.


« Tu sais comment les bidonvilles algériens ont été appelés?!? »


La musaraigne se débat toujours avec son magazine sur l'urbanisme. J'extirpe la tête de mon livre, je laisse échapper un « non » peu audible. Ma gorge est de raucité équipée, ces jours. Quant à l'humidité ambiante, elle semble avoir trouvé dans mon nez un réceptacle intéressant.


« Des sites d'habitation spontanée. »


Il existe une expression, en français, pour ce genre de choses: langue de bois. Cela permet aussi de flotter au-dessus de la mare peu amène que nous concocte la réalité.


Quoiqu'il en soit, je suis très attaché au terme de spontanéité. Tout ce qui est une antithèse du monde structuré et pré-fabriqué avec quoi très tôt on parvient à nous lobotomiser, j'en sors revigoré.


Comme je vous l'ai déjà laissé lire, j'étais « tout caqueux », cette semaine. Un enchaînement de ces jours où, sans trop savoir pourquoi, on a envie qu'ils se terminent vite, pensant que cela ne pourra qu'aller mieux le lendemain.


Parfois ça marche, parfois ça trébuche encore le jour suivant.


Un livre était à mes côtés, pendant ces heures où ma tête, bien aidée par miel, gingembre, citrons et cognac, combattait sereinement quelques virus pas si malins.


Plusieurs fois j'étais rentré dans cette bouquinerie, je l'avais pris sur le rayon pour en lire quelques lignes. Je sortais sans lui. Ce n'était pas encore le moment. J'ai finalement décidé de l'embarquer, il y a peu, comme si j'avais senti qu'il me serait bientôt d'un soutien précieux. Il y a des livres qu'on ne peut lire qu'à certains moments, ils requièrent un état d'esprit. Celui-ci demande un corps et une caboche qui fonctionnent au ralenti.


« Mes pensées sont incertaines, elles fleurissent dans la pénombre. Quand le soleil se lève, j'arrête d'écrire. Dans le journal que je tenais adolescent, je me plaignais déjà qu'il ne se passait rien, que je n'avais rien à écrire. Je venais de découvrir la capacité des mots à habiller le vide. Ils me font songer à des vêtements suspendus à des cintres. »


« La langue maternelle », de Vassilis Alexakis, a été suçoté alors que j'étais affalé sur les fauteuils se trouvant dans quelques cafés amis.


Alors que nous étions à la cinémathèque, et qu'un type ressemblant à Fidel Castro me faisait des yeux doux, la musaraigne m'a tendu un article sur Bruxelles. « Chacun dans son quartier », voilà pour l'intitulé. Je le regarde, secoue la tête, lui le rends sans voir le « message codé ». Elle sourit, me le tend à nouveau. Je regarde mieux. Deux prénoms entourés, les nôtres. Elle les a reliés avec son crayon, a dessiné quelque chose au milieu. Je pense que vous avez deviné.


Il est mimi ce cœur entre deux prénoms fictifs, deux prénoms utilisés parce qu'ils sont censés enfermer une certaine origine; nationale, voire sociale.


« On publie sans cesse de nouveaux essais qui tentent de relier les diverses cultures qui ont fleuri en Grèce, afin d'établir que la plus récente est issue de la plus ancienne. Leurs auteurs parcourent les siècles en quête d'indices susceptibles de prouver que nous sommes bien les descendantes de nos glorieux aïeux. Ils s'interrogent sur le sens du mot hellénisme. Ils élaborent un code de la culture grecque, écartant ses contradictions, oubliant les influences qu'elle a reçues, la réduisant en définitive à peu de choses. Ils ressemblent à ces jardiniers français qui donnent à la nature la forme qu'ils souhaitent. J'espère que leurs recherches n'aboutiront pas à une définition, qui priverait fatalement la culture grecque de sa capacité à nous surprendre. Les définitions sont de petites oraisons funèbres. »


Je venais de souligner ceci.


Les définitions sont de petites oraisons funèbres.


Comme l'impression que je ne suis pas près d'oublier cette formulation.

Libellés : ,

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

La Rébellion c’est la nobilité de l’esclave ( Nietzsche )

L’actuelle ’ Pour le pain et la démocratie'Tunisienne, qui nous émeut beaucoup, comme prévu à fait éclater immédiatement une folie irréfrénable,
les sentiments indescriptibles de victoire, de libération du tyran ,de jubilation, d’exaltation. !

« Les Français ont leur 14 juillet, nous avons désormais notre 14 janvier ! »
Une voix d’orgueilleuse joie tunisienne !

Impossible même de penser aux victimes, au sang versé, aux exagérations, aux périls des fanatismes religieux, au cruel
règlement de comptes, ou un futur incertain et encore….

J’ajoute un petit passage, se referant à la Révolution française dont les idées de l’auteur, un peu pessimistes, mais pertinentes ,semblent applicables à d’autres pareils événements .

« Le sang des autres «


"Quoi qu’on pense de la Révolution française ( et j’en pense pour ma part le plus grand bien ,..) elle fut aussi un grand moment des ressentiment débridé. S’il n’y avait eu que débat des idées , triomphe de la RAISON,
progrès d’intelligence , amélioration de la condition des plus pauvres, diminution du nombre des injustices institutionnelles,
abolition des privilèges , déchristanisation des mentalités , alors « 1789 «
aurait été un moment de pur bonheur historique et politique .

Mais dans cette époque, comme en d’autres , l’idéal révolutionnaire travestit des sentiments bas , cache les manigances d’ esprits étroits , dissimule l‘hargne de petites âmes soucieuses de calculs égoïstes …....."


( M.Onfray - La Religion du poignard – Eloge de Charlotte Corday )

16 janvier, 2011 21:39  

Enregistrer un commentaire

<< Home