De la connerie
« Les gens qui avaient organisé cette réunion, quelle que fût la couleur de leur peau et en dehors des escrocs présents, ont fait la preuve d’une fraternité authentique : celle de la connerie »
Voilà la phrase qui a signifié mon entrée dans l’univers de Gary.
C’était en 1999, notre prof de français, l’incomparable Patricia Kohler que je profite de saluer ici même si elle ne lira sans doute jamais ces quelques lignes, nous avait mis « Chien blanc » entre les mains, l’air de rien, cela devint vite mon aire de tout.
La connerie, vaste sujet que je n’ai de cesse d’observer depuis, m’y adonnant parfois avec un certain brio.
En rire ? En pleurer ? Cela dépend bien entendu de beaucoup de facteurs, mais elle semble aujourd’hui, que l’on considère le traitement de l’information ou le retour en force du populisme, avoir pris une telle ampleur, que je trouve parfois cela inquiétant.
Ce matin, alors que je consultais en vitesse différentes revues à la bibliothèque, j’ai lu un article absolument génial dont je me permets de vous copier quelques passages éclairants, il s’intitule « De la connerie comme concept », il s’agit de la tribune libre du numéro de septembre d’ « Autre Sud ».
Il mérite, incontestablement, d’être lu dans son intégralité, ne serait-ce que pour profiter pleinement de toute la subtilité et de l’ironie de l’auteur que ces extraits ne rendent pas :
« La connerie correspond à tout ce qui s’éloigne de la vie et qui dans cet éloignement se noie définitivement et se perd dans le bavardage ou l’affairement. »
« En somme, tout discours, toute manière d’être à vocation éternelle, universelle, péremptoire et définitive tend lui-même vers la connerie ».
« La connerie fait sourire. Mais elle prend aujourd’hui un espace tellement grand – pour ne pas dire tout l’espace – qu’elle en devient tragique et inquiétante. Déverser chaque jour toute la vie dans le grand réservoir de l’usine à connerie ne consiste à rien d’autre que mortifier la vie, c’est à dire désigner comme la vie tout ce qui est en fait périphérique à la vie ».
« Déjouer la connerie ne se fait pas d’une manière unique et prédéfinie. Justement, déjouer la connerie, c’est accepter sans cesse de rejouer sa propre pensée, de se rejouer soi-même tout le temps ».
Yann Kenninon
Libellés : Pensées vagabondes
4 Comments:
Bonjour Karim,
Merci pour ton article. Très bien ce Yann Kerninon ;) - je ne ferai pas de commentaire sur ta prof de français ou sur Chien Blanc :)
J'ai fait une petite recherche sur le personnage et il a l'air d'avoir plusieurs cordes à son arc. http://www.yannkerninon.com/
sa bio : http://www.yannkerninon.com/magie/bio.htm
A lire et/ou à suivre...
Baisers,
e.
Bon je craque, je mets ici pour les plus fainéants quelques commentaires tirés du site de l'auteur en question qui est par ailleurs illusioniste :)
Il me met de bonne humeur ce gars !
En vrac :
"Ma magie est élégante et folle
Elle tente la rencontre du dandysme, de la pataphysique et du chou farci."
"La magie? La magie, c'est pouvoir croire - enfin! - que la vie est un jeu, que les chiens savent voler et que les hommes savent rire... Tout le reste n'est que trucs, tricheries et carambouilles. C'est-à-dire pas grand chose..."
"De la paille dans les cheveux, la face illuminée par un sourire radieux, tombant de son mur quand bon lui semble et autant qu’il le veut, l’idiot du village est idiot du village, dans tout le rayonnement de sa puissance intime. Et il vous emmerde ".
"Dénoncer le bourgeoisisme chez l’autre, sauter cent fois sur place déguisé en anti-bourgeois « alternatif », invoquer les esprits de la révolution, de Castro, de Zapata ou de Che Guevara, voilà sans aucun doute la manière la plus sûre de demeurer un bourgeois.
Pour devenir non-bourgeois, il faut savoir lâcher prise et cultiver son jardin. Il faut oser se dire : « Je me tais, car le bourgeois, c’est moi. Je me tais parce que j’ai du travail. Je me tais car je dois tout d’abord tenter d’assassiner le bourgeois qui est en moi ». Alors seulement peut-on envisager d’aller plus loin. Il faut être fondé, il faut être exemplaire avant d’avoir la prétention d’être révolutionnaire."
et enfin, clin d'oeil,
"" Longtemps je me suis battu avec mon chien Oscar, labrador de cinquante kilos, molosse noir à la mâchoire épaisse et aux épaules carrées. Longtemps je garderai en esprit et en cœur la trace de ses morsures et le bruit étouffé de nos deux grognements, la force de son cou, musclé comme un bovin, et la douceur soyeuse de ses oreilles pendantes. De ces combats pour rire, de ces jeux essoufflés, de ces chocs de muscles, je retiens l’énergie et la vitalité, le bonheur de la grande santé et la joie insouciante d’une enfance animale que je refuse, rétif, de laisser à l’oubli.
(...)
J’ai souvenir d’une grande révolte, d’une grande solitude et d’un silence ouaté lorsque le regard dur et la mâchoire serrée j’entrepris de poser sur le corps d’Oscar la première pelletée de terre. J’ai souvenir de mes gestes inondés par les larmes. J’ai souvenir également d’une grande communion de moi avec le monde, moi avec la nature, d’un tassement de ma nuque et du retroussement sec de ma lèvre supérieure pour découvrir mes crocs, d’un frissonnement de mes narines dans lesquelles s’engouffraient tout à coup cent mille milliards d’odeurs. Le monde resplendissait malgré cette scène tragique, et me portait en lui, dans sa sérénité. Ce jour-là, je compris. Je compris que je devenais un chien... " (Extrait de Cahier d'Ubiquité - Tome 1 - (La sage leçon du chien poète) - Editions Hermaphrodite - 2003)
je n'arrive plus à me rappeller comment j'en suis venue à connaître ton blog, ah oui sur les favoris de polyxions de notre cher Julien :)
bref, à chaque clic sur cette page et un même sentiment prend forme en moi: énormément de plaisir à lire ce que tu poses sur ta page
cela dit, je ne faisais pas partie des meilleurs élèves lol
La connerie !
Sujet plus qu'intéressant et infini, alors merci à toi et merci aussi à eleonore pour ce petit extrait.
Merci Eleonore pour les extraits. J'irai fureter de ce côté, c'est certain.
Bémol sur la bourgeoisie et "devenir exemplaire". Quand on est DANS la bourgeoisie, on peut en parler en connaissance de cause, s'en moquer, dénoncer: le discours alter-mondialiste des manifestants sont souvent cons, c'est vrai, parfois militant avec relents quasi-totalitaire (je pense au canadien Jaggi Singh, le José Bové de par chez nous, insupportable soldat sans humour) mais je ne crois pas non plus au discours du changement qui passe entièrement par l'individu. Du moins, pas pour l'environnement: on a pas deux mille ans devant nous.
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