katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, avril 01, 2009

ami de l'improvisation






C’est la première fois que j’apprends une langue en autodidacte, pour l’allemand, puis l’anglais, cela s’était fait de manière tout ce qu’il y a de plus scolaire ; ensuite j’avais tenté de ne jamais perdre complètement ces bases, d’aménager mon oreille le plus possible, de lire, aussi.


Hormis, dans mon esprit, quelques instantanés, vers 5h le matin, eh oui, déjà, dans mon bain, il faut ce qu’il faut, d’assimilation de mon vocabulaire, je n’ai pas beaucoup de souvenirs.


Celui de mon examen oral d’anglais, pour le baccalauréat, tout de même, puisque c’est lorsque je m’étais levé afin de rejoindre le bureau de notre professeur, soit une fois mes vingt minutes de préparation écoulées, que j’avais réalisé que les questions étaient écrites au tableau.


Mais un ami de l’improvisation ne se démonte pas pour si peu.


Aujourd’hui, c’est drôle de voir combien la découverte d’une langue, chez moi, se fait de manière complètement différente, avec des interpellation que je n’avais pas le moins du monde, à l’époque. Des mots qui se lient à des impressions, du fait de leur prononciation, de leur orthographe ; de leur couleur, en somme.


Des idées qui naissent, des associations d’idées qui se font, beaucoup.


Lisant, en parallèle de mes exercices grammaticaux, des recueils de poésie bilingues, j’aime m’amuser à regarder les licences que les traducteurs se sont autorisées, ou auxquelles ils ont été contraints pour rendre la voix de l’auteur.


Escravos.


Je trouve que la tonalité de ce mot, une certaine rugosité due au « r » central, la gravité découlant de l’omission du « e » initial, la prononciation du « s » final insistant sur le pluriel, donnent mieux à sentir ce qu’il désigne.


Esclaves.


Je viens de terminer un livre passionnant, « Lisbonne, dans la ville noire », un récit qui, par l’entremise d’un chassé/croisé entre le journaliste auteur de ces pages, et une femme mystérieuse, parcourt les différents endroits de la ville où il y a un signe de la présence africaine sur le sol portugais.


S’y confirme tristement, jusqu’à nos jours, le peu de métissage résultant de cette imbrication de cultures. Le communautarisme est encore en vigueur aujourd’hui, la « mobilité sociale », terme que veut redorer sieur Obama outre-Atlantique, est possible, mais encore bien peu visible.


Il était intéressant d’apprendre que le fado est aussi lié à ce passé colonial, que « Barco negro », une de mes chansons préférées d’Amalia, avait à l’origine des paroles plus qu’explicites, changées par dame Rodrigues quand elle la reprendra pour le tournage d’un film, en 1954.


« Et tandis que le fouet frappait son amour, Mère Noire berçait le fils blanc du maître… »


Hier soir, j’avais pris mes aises dans la salle de lecture de ma deuxième maison, la Casa do Alentejo, je déchiffrais quelques articles du « Diario de Noticias », il y avait un peu de monde, puisque un match du Portugal était retransmis.


Un peu avant, je m’étais assis sur les escaliers, au premier étage, pour flotter un moment grâce au petit concert de gospel qui s’y tenait. J’avais chassé de mon esprit la voix de Souchon qui se loge dans ma tête dès que je devine une assemblée mondaine ( « Dans les poulaillers d’acajou, les belles basse-cour à bijoux, on entend la conversation de la volaille qui fait l’opinion … »), pour simplement profiter de ce moment privilégié.


Un des chroniqueurs du jour vitupérait une certaine stupidité ambiante qui fait que, depuis quelques jours, ce qui est au centre des discussions se rapporte à un penalty.


Il fait référence à Steven Meisel, un photographe dont le titre d’une exposition est le suivant : « Nous sommes esclaves des objets à notre tour. »


Escravos.


Je trouve que la tonalité de ce mot, une certaine rugosité due au « r » central, la gravité découlant de l’omission du « e » initial, la prononciation du « s » final insistant sur le pluriel, donnent mieux à sentir ce qu’il désigne.


Esclaves.


Je me répète, veuillez m’excuser.


Le chroniqueur déroule ensuite des propos de Barthes sur l’image, indiquant que l’idéologie télévisuelle ne peut que mépriser l’héritage de ce penseur.


Et c’est là que j’ai trouvé un écho à mon message précédent, ainsi qu’à ce qui s’est imposé à moi depuis longtemps.


Herança.


Héritage.


L’errance colore alors la succession « familiale », se superposant aux legs de toutes sortes.


Je lisais ceci comme une invitation à continuer mon pèlerinage parmi les mots.


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