katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, décembre 11, 2009

le vent frissonne en strates fines

Elle n’était pas là, cette “peuffe” tant attachée à l’endroit, ce brouillard qui entache en embourbe le regard; non, il y avait juste un crachin de saison qui vous enlace, à peine sorti de la maison.

Cette bruine dessinant un gris et des échos de funèbre oraison, j’avais envie de m’en imprégner, convaincu qu’elle disait beaucoup d’un certain état d’esprit qui fait parler de la Suisse un peu partout, ces derniers temps.

Peut-être serait-il d’ailleurs plus judicieux de parler de coup d’état contre l’esprit.

Non, pour ce faire, encore faudrait-il que ce dernier ait régné, un jour.

Dans le pays le plus compétitif du monde, on s’en remet à d’autres lumières, de jour comme de nuit.

Je suis parti d’Onnens, je voulais longer les vignes jusqu’à Champagne, caresser ce paysage où mon enfance chuchote encore, chuchotera toujours ; on l’entend moins, ceci dit, ce murmure, entaché qu’il est par une autoroute récente, cicatrice de béton et de vitesse entre le balcon du jura et le lac.

Être le dernier des grands-papas, cette entité si précieuse qui me semble menacée par le tout-électronique, j’ai ce chant en moi.

Être le dernier des grands-papas, horizon d’un équilibriste saisonnier ; glisser dans un feu de bois pommes et histoires, les distribuer, chaudes juste comme il faut, à qui le souhaite.

Arrivant à Bonvillars, alors que des croassement se faisaient entendre, je pensais à cette « révolte paysanne » affichée un peu partout; quand est-ce que l’impératif économique arrêtera le saccage ?!?

Je pensais à cette révolte que je partage, oui, mais je savais aussi ce que bon nombre de ces paysans que j’aime font entendre à propos des sujets sensibles qui me tiennent à cœur, il me suffit de tendre l’oreille à l’heure de l’apéro, ou tout simplement de regarder le détail des votations.

Le terroir où j’ai grandi et joué n’aime pas se mélanger à du sang étranger, sauf quand c’est de la main d’œuvre bon marché, qui rentre vite chez elle après avoir été utilisée.

Être le dernier des grands-papas, mais composer avec cette triste vérité.

Arrête voir de renifler !

C’est plus fort que moi, je suis désolé, une bataille incessante entre pesanteur et légèreté est logée en moi.

Peut-être même horlogée.

Biologiquement ?

Mécaniquement ?

Alors là…

« A force de commencer, le mot partout se bâtit une bibliothèque. »

Cette splendeur de Dominique Sorrente m’escorte.

« le vent frissonne en strates fines
je hume le parfum qui monte de la terre

solitude des seuils. »


Celle-ci, d’Angèle Paoli, me transporte.

A Champagne, je suis allé chantonner sous le vieux cèdre du Liban qui a plus de deux siècles à son inactif, il a été planté par un botaniste de renom, peu après la Révolution française. Il a aussi appartenu à un éminent égyptologue, puis aujourd’hui aux Banderet.

Je ne suis pas certain qu’il voit cela de cette manière, il a sans doute l’impression de n’avoir jamais été qu’à lui-même. Il a bien raison.

En face de chez mon oncle, il y a un autre arbre énorme, depuis longtemps ma grand-maman me disait que c’était un orme. N’étant plus si certaine que cela, elle a demandé à monsieur Paulet, la mémoire du village, 97 ans le monsieur - on dit nonante-sept, ici, j’insiste, surtout pour monsieur Paulet.

« Est-ce qu’il a de ces feuilles qui bougent tout le temps, même quand on a l’impression qu’il n’y a pas de vent ?!? »

Oui, a répondu la Cri-Cri.

« Alors c’est un tremble. »

Eh oui.

« Il y a sans doute bien des choses qu’il ne sait pas, mais ça, ce genre de choses, il les sait mieux que quiconque. »

Comme quoi j’ai encore du chemin avant d’être le dernier des grands-papas.

Lulu, ma petite cousine, m’a offert un superbe marque-page, débordant de couleurs. Il est plastifié, pour résister aux tempêtes et aux larmes.

J’ai envie d’écrire des livres qui font de même.

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