katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mardi, octobre 31, 2006

L'affaire homme

Un pas après l’autre, profiter pleinement de cette luminosité somptueuse, de cet heureux manteau de couleurs automnales mis en scène par une luminosité parfaite, mais tenter de ne pas se fouler une cheville sur une des racines qui peuplent le sentier qui porte mes pas.

Je cours, tous les jours, ou presque. Courant, je pense, ou du moins je tente de penser. Pensant, je panse mes blessures, ou en tout cas je les mets à distance.

Plus de dix ans que les chemins à proximité de mon toit, ou qu’il soit, accueillent mes foulées décidées et mes tergiversations intérieures.

Il y a une notion que j’aime, dans la course à pied, c’est celle de dépassement. Passer outre le manque d’envie, la pluie ou la fatigue. Mettre ses souliers, sortir, et courir.

Une sorte de parenthèse, dans une journée souvent trop remplie, pour se retrouver.

Dans « Le Temps », chaque lundi, un questionnaire, à l’interrogation suivante : « Où vous donneriez vous rendez-vous avec vous-même?!? », la meilleure réponse me semble la suivante : « Au détour d’un arbre, en courant ».

Peu de buissons ardents de biblique mémoire dans les informations, mais du feu tout de même, bus ou voitures, au choix, des hurlements pour accompagner ces actes auxquels nous n’entendons rien hormis ces cris. A raison, car cela dépasse l’entendement, alors qu’il faudrait dépasser les malentendus, réussir à dépasser son mal non entendu.

Près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, voilà une autre information réjouissante qui nous tombe sous les yeux, le rapport officiel juge utile de préciser qu’ «il est solidement établi que la faim nuit gravement à la santé ». Merci.

Tout cela me fait penser à quelque chose que Romain a écrit quelque part, je prends « L’Affaire homme », je tombe sur ce passage que je cite de mémoire : « Les hommes s’occupent beaucoup de la société qu’ils aimeraient construire, de la société dans laquelle ils aimeraient vivre, ils se posent de moins en mois la question de l’homme. »

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"S'il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, cet endroit, c'est ici. Ce n'est plus la terre, et ce n'est pas encore la mer. Ce n'est pas une vie fausse, et ce n'est pas une vie vraie. C'est du temps. Du temps qui passe. Rien d'autre."

Alessandro Baricco

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dimanche, octobre 29, 2006



"Le soleil
Ne parle pas du mal
Qu'il a eu

À être là"

Guillevic

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vendredi, octobre 27, 2006

Rap et littérature

« […] j’affectionne particulièrement des auteurs tels que Raymond Carver et Albert Camus. Leur esthétique m’émeut et n’est pas étrangère à l’écriture que j’ai voulu développer sur Gibraltar. »

Abd Al Malik

« Et à l’avenir, vous vous voyez faire quoi ? :

Oxmo Puccino : Continuer ce que je fais, écrire, avec ou sans musique.
Rocé : Idem pour moi. Parce que l’écriture, c’est déjà de la musique.»


Au moment où les banlieues françaises font à nouveau parler d’elles, je repense à une idée qui me trotte dans la tête et qui, me semble-t-il, permettrait de dessiner des ponts entre ces mondes qui s’opposent.

Il y aurait, d’un côté, enfin pas vraiment d’un côté, parce qu’il n’y aurait pas d’oppositions, bien au contraire, juste une saine et constructive émulation, il y aurait donc certains rappeurs dont les propos, puisés dans la puissance évocatrice de la littérature, dépassent l’assemblage de clichés et permet à leur parole de faire d’eux plus que de simples chroniqueurs urbains. Ils amènent, en plus, une pensée, un souffle artistique permettant la réflexion.

Avec eux, il s’agirait de réunir des écrivains actuels qui s’inscrivent pleinement dans le temps, par le regard qu’ils portent, par les inquiétudes qui sont les leurs et qui dépassent, largement, le simple cadre littéraire. Je pense à Jean-Yves Cendrey, François Bon, François Bégaudeau et Antoine Emaz, par exemple.

On réunirait ce petit monde dans des endroits réservés à la culture « bourgeoise », dans des théâtres de renom par exemple, ou dans des auditoires d’université.

On leur donnerait la parole, on regarderait communier deux mondes éloignés alors que tout les rassemble.

On verrait, dans les spectateurs, des p’tits gaillards avec des casquettes vissées sur la tête à côté de bons m’sieurs avec cravates.

Une fois que la magie commencerait à prendre, que chacun aurait pu expliquer la place que le livre a occupé et occupe toujours dans sa vie, on écouterait, pour commencer, Gérard Jouannest jouer quelques notes et Abd Al Malik l’accompagner, le pianiste nous dirait ensuite que la dernière personne avec qui il a travaillé comme il l’a fait avec ce jeune noir, c’était Jacques Brel.

Le rap est plus, beaucoup plus, que sea, sex and sun, comme pourrait le laisser supposer MTV.

C’est même précisément le contraire.

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Je voltige entre de fines gouttes de silence, laissant à mes ailes le soin de déposer quelques fleurs sur ce champ de neige endormi.


Un monde enchanté, enchanteur, naît alors à la grâce de ces pétales de douceur.


Des heures passées avec pour seule compagnie ma plume, clé de rêves merveilleux, et du papier, décors maintes fois recommencés.


Pendant ce temps, qui ne se mesure pas, qui ne se termine jamais, le monde alentour court.


Trop.


Trop vite.


Visages marqués.


Corps fatigués.


Individus privilégiés qui s’oublient, pire, qui se refusent, qui s’effacent, inventant des problèmes qui ne sont que du vent.


Que de complaintes ridicules, misérables, quotidiennement ressassées.


La jalousie et l’ambition comme maîtres mots.


Tout, sous nos yeux, pour faire chanter nos existences, mais la peur, mais la rancune.


Tristes pays qui se cherchent entre paradis perdu et avenir promis.

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Les hommes de ma vie


Je ne suis qu'un petit garçon qui s'amuse - doublé d'un pasteur protestant qui l'ennuie.
(André Gide, Journal, 22 juin 1907)

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jeudi, octobre 26, 2006


Un jour,
au détour du rue,
comme sortie de nulle part
des années après notre première rencontre,
dans un autre monde.

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Le prix unique du livre

Les lignes qui vont suivre pour faire à mes amis helvétiques une proposition tout à fait décente suite à la continuelle descente aux enfers de la question du livre en Suisse.

Depuis quelques années, l’arrivée de la Fnac a bouleversé un petit milieu déjà assez loin de se « royaumer », le prix unique du livre n’existant pas, contrairement à ce qui est la cas chez nos voisins, des promotions en masse sont venues faire le bonheur du consommateur roi.

Comme je me plais à le dire, société de consommation, société de cons, en somme, sans sommation.

Seul Payot peut suivre cette petite guéguerre des prix. 51 points de vente indépendants ont disparu, et ce n’est qu’un début.

Dès aujourd’hui, et jusqu’à la fin du mois, 47 libraires indépendants (je vous laisse faire le calcul) vont retirer les ouvrages de leurs vitrines, geste hautement symbolique, pour tenter de sensibiliser les passants.

Ils espèrent que le livre soit considéré comme ce qu’il est : un objet à part, porteur de savoir et de rêves, qui doit pouvoir échapper à la toute puissance des lois du marché.

On peut appeler cela « exception culturelle », « santé intellectuelle » ou simplement « hygiène mentale », c’est selon.

Une décision politique sera prise à la fin du mois, mais comme un récent rapport du conseil fédéral a conclu que le marché du livre en Suisse est sain et stable ( !), les espoirs de voir la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national voter pour le prix unique semblent assez minces…

Bref, voilà ma proposition, s’il y a, parmi vous, des personnes qui achètent parfois des livres chez Payot, à la Fnac, ou, encore mieux, à la Poste ou dans un kiosque, je vous promets, s’il n’existe pas de librairie digne de ce nom à portée de vos souliers, de vous livrer, armé de mon abonnement général, ceci en moins d’une semaine et sans aucun frais supplémentaire, tout ouvrage dont vous me faites parvenir les références.

Mes commandes seront passées à la « Librairie Farenheit 451», à Yverdon, petite île remplie de livres qui tient encore debout grâce à la persévérance, au courage et à l’amour de la littérature des trois personnes qui se feront un plaisir de vous conseille si vous allez les trouver.

Alors voilà, il me reste à vous souhaiter une excellente journée.

Bien à vous.

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mercredi, octobre 25, 2006

Une vérité qui démange

« Hier, j’ai été invité à une émission de radio pour expliquer en deux secondes aux auditeurs pourquoi ils devraient se donner la peine de lire. Pour que, littéralement, ils se donnent la peine, ai-je répondu. J’ai failli ajouter : et pour que, au passage, ils connaissent le salut de l’esprit, cet idéal de Musil. Mais je ne l’ai pas dit, il m’a semblé que c’était excessif et, en plus, j’aurais dépassé les deux secondes réglementaires. »

Ce qui est extraordinaire, un livre de Villa-Mattas entre les mains, c’est que nous ne lisons pas uniquement cet écrivain barcelonais génial, mais nous sommes aussi en présence de Borges, de Kafka, de Walser,…

Dans « Le mal de Montano », la « réalité » du narrateur change plusieurs fois, mais, dans chaque partie, il s’agit d’un hymne à la littérature (le mal de Montano étant précisément de tout rapporter à la littérature, ce dont souffre le narrateur).

Un moment donné, alors qu’il donne une conférence sur le journal personnel comme forme narrative, à Budapest, il explique que, pendant qu’il parle, il a subi une « désagréable mutation » qui l’a vu vieillir de vingt ans.

Aujourd’hui, dans « Le Temps », il y a, suite au rapport bisannuel du WWF (non les bisaïeuls n’ont rien à faire là-dedans, quoique…), un nouvel article alarmant sur notre consommation d’énergie (pour l’helvète moyen, il faudrait, d’ici quelques années, trois planètes pour assouvir ses besoins de petits cochons grassouillets, ça c’est moi qui rajoute), la semaine dernière, l’Institut français de l’environnement publiait également son rapport, dans lequel était mis en exergue le fait que « l’enjeu est maintenant surtout du côté des sources diffuses, celles qui nécessitent l’adhésion de chacun dans ses choix individuels (pour se déplacer, consommer, se loger,…) ou dans les choix collectifs (construire une société plus sobre en carbone,…). »

Cela me ramène à Villa-Mattas, pour deux raisons, tout d’abord en écho à la citation que j’ai copiée, au fait de « se donner la peine », que je trouve important, mais, dans un deuxième temps, je me sens, lorsque j’écris ce genres de choses, comme son personnage lorsqu’il est en Hongrie et qu’il se voit « vieillir sur place ».

Que dire si j’ajoute que j’aime aussi l’idée de « salut de l’esprit », aïe, aïe, aïe !?!

Je prends des années, des décennies dans les dents, et vu que j’ai déjà une dentition de chameau, sans doute que c’est mieux d’éviter ce genre de choses.

Alors, très chers lecteurs, copains comme cochons, voilà longtemps que l’on fait de l’anomie parce que l’on mange trop, alors continuons comme ça : Bouffons-les, on finira bien par se bouffer nous-mêmes !

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mardi, octobre 24, 2006

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lundi, octobre 23, 2006

De la connerie

« Les gens qui avaient organisé cette réunion, quelle que fût la couleur de leur peau et en dehors des escrocs présents, ont fait la preuve d’une fraternité authentique : celle de la connerie »

Voilà la phrase qui a signifié mon entrée dans l’univers de Gary.

C’était en 1999, notre prof de français, l’incomparable Patricia Kohler que je profite de saluer ici même si elle ne lira sans doute jamais ces quelques lignes, nous avait mis « Chien blanc » entre les mains, l’air de rien, cela devint vite mon aire de tout.

La connerie, vaste sujet que je n’ai de cesse d’observer depuis, m’y adonnant parfois avec un certain brio.

En rire ? En pleurer ? Cela dépend bien entendu de beaucoup de facteurs, mais elle semble aujourd’hui, que l’on considère le traitement de l’information ou le retour en force du populisme, avoir pris une telle ampleur, que je trouve parfois cela inquiétant.

Ce matin, alors que je consultais en vitesse différentes revues à la bibliothèque, j’ai lu un article absolument génial dont je me permets de vous copier quelques passages éclairants, il s’intitule « De la connerie comme concept », il s’agit de la tribune libre du numéro de septembre d’ « Autre Sud ».

Il mérite, incontestablement, d’être lu dans son intégralité, ne serait-ce que pour profiter pleinement de toute la subtilité et de l’ironie de l’auteur que ces extraits ne rendent pas :

« La connerie correspond à tout ce qui s’éloigne de la vie et qui dans cet éloignement se noie définitivement et se perd dans le bavardage ou l’affairement. »

« En somme, tout discours, toute manière d’être à vocation éternelle, universelle, péremptoire et définitive tend lui-même vers la connerie ».

« La connerie fait sourire. Mais elle prend aujourd’hui un espace tellement grand – pour ne pas dire tout l’espace – qu’elle en devient tragique et inquiétante. Déverser chaque jour toute la vie dans le grand réservoir de l’usine à connerie ne consiste à rien d’autre que mortifier la vie, c’est à dire désigner comme la vie tout ce qui est en fait périphérique à la vie ».


« Déjouer la connerie ne se fait pas d’une manière unique et prédéfinie. Justement, déjouer la connerie, c’est accepter sans cesse de rejouer sa propre pensée, de se rejouer soi-même tout le temps ».

Yann Kenninon

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samedi, octobre 21, 2006

Après "Se souvenir des belles choses"

Il y a, souvent, des phrases qui s’inscrivent dans ma tête pendant un certain temps, pour différentes raisons que parfois je ne m’explique pas.

« Comme une ruine magnifique que l’esprit rebâtit à la lumière du jour", celle-ci est restée inscrite depuis le début de l’année, elle raisonne en moi tel un poème parfait, un instant de beauté dérobée au crépuscule.

Cette semaine, absorbé par un entretien accordé par Laurent Mauvignier au Matricule des anges à l’occasion de la parution de « Dans la foule » (que je n’ai pas lu mais cela ne saurait tarder, car j’avais aimé le ton, étouffant mais prenant, de son « Apprendre à finir »), je me suis arrêté sur cette affirmation troublante de vérité:

« La famille, dans le moment qu’elle vous constitue, vous destitue de tous les possibles ».

J’y ai repensé plusieurs fois, notamment hier soir, devant « L’homme de sa vie », deux belles heures de cinéma pendant lesquelles Zabou Breitman filme ave une subtilité exemplaire la question de l’homosexualité, explorant la frontière entre le trio amitié, amour, désir et l’incompréhension qui souvent l’accompagne.

Bernard Campan joue un père de famille qui commence à être troublé par la relation qu’il noue avec son nouveau voisin, Charles Berling, un type affichant ouvertement son homosexualité et ses doutes concernant la valeur du couple sur le long terme.

Presque tous les soirs, ils terminent les deux devant la maison, passablement imbibés, refaisant le monde. Campan, peinant à trouver les mots justes, est impressionné par la fluidité de pensée de son acolyte.

« Le problème, alors que leur enfant souffre, terriblement, c’est que les parents gardent en tête une seule image, celle de leur fils en train de se faire mettre », Berling dixit.

Je ne sais pas très bien comment conclure ce message. Je n’ai pas envie d’une « petite morale pour la route », parce qu’il y a encore bien d’autres passages de ce film dont j’aimerais parler.

Je pourrais aussi disserter un moment, pas tout à fait à côté du sujet, sur le livre que je suis en train de lire, « Le mal de Montano », livre génial d’Enrique Villa-Matttas, encyclopédie vivante de la littérature.

Je vais donc me contenter de vous en servir une nouvelle tranche, pour la route :

« La famille, dans le moment qu’elle vous constitue, vous destitue de tous les possibles ».

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vendredi, octobre 20, 2006

Partir, donc

Partir, donc, c’était de cela qu’il s’agissait, c’était de cela qu’il avait toujours été question.

Il y avait eu cette voix, un jour, qui s’était insinuée en lui, qui avait éveillé cette chaleur au plus profond de son être. Une brûlure qui n’avait pas voulu le quitter, pendant longtemps.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir, voilà ce que disait cette voix.

Des images se succédaient alors, des odeurs, des sensations qui l’avaient envahi, un jour, semblaient refaire surface.

Il abaissait ses paupières et se voyait à nouveau à Séville, émerveillé, au milieu des oranges jonchant le sol, perdu au sein de ce mariage entre le soleil et ces fruits venus à la terre par une lourdeur lentement acquise.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir, ce refrain, qu’il avait réussi à noyer sous les vagues mornes du quotidien, revenait à lui.

Florence, son dôme majestueux, apparu un matin de septembre, tout juste sorti qu’il était d’une nuit à rêver, à se rêver partout, dans ce train qu’il avait décidé de prendre le jour-même, profitant pleinement de cette liberté dont il ne jouissait plus que trop peu.

Cette voix, cette brûlure, enfouie pour ne plus qu’il s’enfuie, pour qu’il remplisse enfin tous ces beaux projets qu’on avait dessiné à sa place. Suivre d’autres rails que ceux qui mènent au grand large, se contenter de ces voies qu’on avait mises au saut de son lit, enfant, voilà ce à quoi il avait fini par se résigner.

Recouvrant ses envies du voile d’illusions de circonstances.

Mais cette voix.

Istanbul, ses marchés, ses épices qui ne veulent plus vous quitter, même aux portes du sommeil, qui vous invitent à défier le temps, à renouer, par la grâce des essences, avec l’essentiel.

Partir encore, toujours, braver cette vie calculée, ce vide calfeutré, pour se sentir vivre, pleinement, se laisser submerger par l’envie d’ailleurs, l’envie folle de tout, de tous, qui permet de tenir debout.

Bangkok, les contrastes à perte de vue de cette fourmilière si vite familière, sa nourriture qui vous fait fondre avant de vous modeler selon ses désirs, toujours changeants, toujours palpitants.

S’en aller, s’envoler sous d’autres cieux, se perdre dans d’autres yeux, odieux parfois, indifférents souvent, tout le temps différents.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir, avant que le feu ne prenne toute la place, avant que le mal de vivre, qui n’est rien d’autre que, précisément, le mal de ne pas vivre, ne l’envahisse.

Nice, l’éclat de ses galets au crépuscule, la magie de son marché aux fleurs.

Voyager, rêver, comme si ces deux verbes n’étaient qu’une seule et même composante vitale, ancrée en lui, revenue de l’enfance trop vite oubliée, et, bien plus désolant, tellement vite moquée.

Tentant d’étouffer cette voix, il s’était plongé dans les livres, comme souvent, mais les livres savent trop bien vous entendre.

« Adultérer », voilà le mot qui figurait au-milieu de la page et qui lui faisait penser à « devenir adulte », « altérer la pureté, falsifier », voilà la définition fournie par les académiciens. C’était donc bien ça, grandir, suivre les sentiers du faux.

Quand on se consume de l’intérieur, il faut partir.

C’était décidé, une décision capricieuse, puérile.

Seuls les enfants savent vraiment voyager.

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jeudi, octobre 19, 2006

Pseudo

"On m'a interné pour la première fois lorsque l'environnement a remarqué que je m'étais mis à retenir ma respiration mille fois, du matin au soir. D'abord on m'a cassé la gueule, parce que c'était insultant, un crime de lèse-humanité, une profanation de Pascal, Jésus et Soljenitsyne. Mettons, par ordre d'importance: de Soljenitsyne, de Jésus et de Pascal. C'était un crachat à la figure de l'humanité, c'est-à-dire la plus grande insulte qu'on puisse faire à la littérature. J'étais alors communiste, mais je me suis désinscrit depuis, pour ne pas les compromettre, parce que je suis subversif. J'étais debout sur le trottoir, il y avait du monde autour, ils ont vu que j'essayais de ne pas respirer le même air qu'eux. Ils ont appelé les flics pour injure à la voie publique. Les flics, dans le fourgon, quand ils ont vu que je continuais à ne pas respirer et même à me boucher le nez, m'ont cassé la gueule pour outrage aux représentants des organes respiratoires dans l'exercice de leurs fonctions.

Quand je me suis trouvé devant le commissaire de police et que je suis resté là, retenant mon souffle, à me boucher le nez et à faire mon exercice d'hygiène, il s'est foutu dans une rogne noire et il m'a dit qu'on n'était pas en Argentine ou au Liban, ici, mais à Cahors. Ça ne sentait pas la merde, le sang, le pus et le cadavre. Je pouvais respirer comme le genre humain l'exige.

- Faut pas essayer de me la faire.

Mais on n'était pas seulement à Cahors. On était partout. Ce con-là ne paraissait même pas se douter que Pinochet et Amin Dada, c'est vous et moi."

Romain Gary

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mardi, octobre 17, 2006

Dans l'angle

S’asseoir derrière, au fond à gauche, ou au fond à droite.

Il y a des habitudes qui sont tenaces, celle-ci me vient de mon passage à l’université, avant je n’en avais pas besoin, parce que je me sentais en classe comme en famille, avec des points de repère, des personnes que j’apprécie plus que d’autres, certaines avec qui un seul regard suffit.

Arrivant sur les bancs de la Faculté des Lettres en ayant choisi de ne pas aller dans la ville qui aurait dû constituer l’enchaînement logique à mes années de scolarité vaudoise, j’excluais toute amitié possible dans l’auditoire et devais dès lors envisager une autre approche de la salle de classe.

Au fond, à gauche ou à droite, généralement plutôt à gauche, histoire d’avoir le meilleur point de vue possible. Autrement dit, en un été, je passais du statut d’élément moteur que j’avais toujours endossé, à celui d’observateur. Regarder, écouter, ne pas lever la main quand un professeur demande combien de pattes à un chien.

Depuis ce jour, je n’ai jamais arrêté de me mettre un peu en retrait. J’adore voyager tout seul, me donner l’occasion d’appréhender une place, un café, comme une scène qui s’offre à moi, une scène qui serait à déchiffrer, ou pas.

Eric Chevillard avait écrit dans « Le Matricule des anges », que, pendant ses années d’études universitaires, il s’était laissé mûrir, je suis tout à fait d’accord avec cette affirmation.

J’ai pensé à cela hier soir lorsque je m’asseyais, au fond à droite, pour voir enfin le magnifique « Das Fräulein » d’Andrea Staka. Cela m’était déjà venu à l’esprit, il y a deux semaines, en regardant un entretien de Pascal Quignard avec Laure Adler, Quignard, outre l’importance qu’il accorde au silence et à la lecture, estime que la notion d’angle est fondamentale.

Il a écrit, dans « Vies secrètes » : « Vivre dans l’angle mort du social et du temps. Dans l’angle du monde. »

J’aime beaucoup cette idée qu’en réalisant un infime décalage avec notre société, avec la course contre la montre qui la caractérise, on embrasse alors la totalité du monde.

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samedi, octobre 14, 2006

Agnès Jaoui

De la femme de cinéma, je suis sous le charme depuis longtemps, le duo d’écriture qu’elle forme avec Bacri est tout simplement génial, je ne peux pas me passer de leurs films.

Comme chanteuse (en dehors des films dans lesquels elle chante), je l'avais découverte en duo avec JP Nataf, il s'agissait d'une chanson de Lhasa, alors forcément je n'avais pas pu rester de marbre.

Hier soir, à Meyrin, elle a été éblouissante, je ne connaissais que des bribes de son répertoire, je me réjouissais donc sans nourrir d’attentes inconsidérées, eh bien j’ai été comblé.

Elle arrive, elle prend place, nous regarde à peine et commence avec une chanson de Barbara. Voilà. D’entrée de jeu, me concernant, c’était gagné. Ensuite elle enchaîne, en espagnol, en portugais. Elle profite de chaque intermède pour charmer un peu plus le public, elle est drôle, elle est gracieuse.

Elle est belle, tout simplement. Son répertoire, comme elle l’a si justement dit, est inscrit dans son cœur et dans son corps, cela se voit, cela se sent.

On en redemande.

Elle est à nouveau en concert ce soir, si vous n’avez rien de prévu, n’hésitez pas.

Bon week-end.

P.S.: Je n'ai pas trouvé de vidéo d'elle, alors je me rattrape avec Lhasa:




http://www.youtube.com/watch?v=nwh95x6OzOc

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vendredi, octobre 13, 2006

Journalisme et littérature

Hier j’ai reçu, fraîchement arrivée de Montréal, une superbe compilation musicale, chaque saison Benoît me fait ce présent absolument génial qui me permet de faire bon nombre de découvertes. Cette fois, il avait emballé le CD dans quelques pages de journaux, il s'agissait d'une chronique estivale de Pierre Foglia (« La Presse » de Montréal), parti sur les routes de l’Amérique à quelques jours du triste anniversaire du 11 septembre, les bagages plein de livres.

« […] On me dira qu’à parler de rien, on n’épuise pas le sujet. Si je vous dis que je trouve ce rien essentiel, allez-vous penser que je défends ma boutique ? Je défends surtout cette idée qui m’habite depuis toujours que l’information a besoin de la littérature, en particulier de cette littérature du rien, de l’infime, du non-événement, cette littérature à « l’américaine », Harrison, Updike, Bukowski, Ford, Carver, pour faire le lien avec … avec la vie des gens.

Un journal est fait de nouvelles, une nouvelle arrive c’est facile. La vie, c’est plus compliqué, elle arrive pas, elle est là. »

La presse écrite a, incontestablement, une place particulière dans mon quotidien, lorsque je peux, je prends volontiers deux heures ou plus pour feuilleter les journaux qui se trouvent à portée de mains. Il ne s’agit pas, loin s’en faut, d’une volonté d’être au courant de tout et de pouvoir participer aux discussions inévitables sur les sujets chauds du moment, mais plutôt d’une curiosité se rapportant à la manière dont est traitée cette information jugée essentielle par tout un chacun (sans qu’une petite discussion ne permette d’éclaircir de manière satisfaisante le pourquoi du comment).

« Il faut savoir ça, parce que l’on ne peut pas rester enfermé dans sa petite bulle, il faut savoir ce qui se passe, surtout les catastrophes à l’autre bout du monde ».

Très bien mais encore ?!?

Je pense depuis longtemps qu’une personne ayant pleinement assimilé et actualisé cette fameuse phrase ridicule, servie à toutes les sauces par les parents lorsque leur enfant ne termine pas son assiette : « Tu sais qu’il y a des enfants qui meurent de faim ? », ne pourrait pas se sentir véritablement stressé par son travail, ses examens,… Mais je constate tous les jours que ce n’est pas aussi évident que cela. Je vais donc continuer à me dire que j’ai de la chance.

Bon, il s’agit d’un sujet sur lequel je pourrais disserter encore bien longtemps, je pense que, comme Foglia, j’accompagnerais alors mon propos de beaucoup d’extraits de ces ouvrages qui ont enrichi mon existence, mais cela n’aurait plus sa place ici.

J’aimerais juste terminer en vous invitant, lorsque vous prenez nonchalamment un de ces amas de papiers toilettes gratuits qui pullulent depuis peu dans des caissettes près des gares (peut-être bientôt dans les universités, vive nos têtes pensantes !), à relire les quelques lignes de ce chroniqueur que je ne connaissais pas hier mais qui, malheureusement, ainsi que de nombreux brillants éditorialistes, ne pourra plus faire parler sa plume le jour où l’information WC aura pris le dessus.

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jeudi, octobre 12, 2006

La dame blanche

Oui il avait entendu parler de cette femme qui arrêtait les voitures pour qu’il n’arrive pas un malheur, puis qui disparaissait ensuite. C’était cet évanouissement qui le fascinait. Tellement plus louable que tous les miracles christiques immanquablement accompagnés d’un sermon. Tellement plus humble. Tellement plus désintéressé. Pas un détachement du devenir de l’humanité, mais une volonté de faire le bien sans le mentionner. Sans se mettre en avant. A l’échelle qui était la sienne. Directement accessible. Directement transmissible.

Oui il avait entendu parler de cette femme qui arrêtait les voitures pour qu’il n’arrive pas un malheur, puis qui disparaissait ensuite. C’était ça pour elle l’au-delà. Pouvoir passer le restant de ses jours à surprendre les gens qu’elle rencontrait. Pas à les sauver. Elle pensait qu’être sauvé, si on ne savait plus être surpris, c’était déjà mourir. Emerveiller. Elle adorait se verbe. Il contenait tout ce qu’elle avait aimé en ce bas monde. Le « E » de l’écriture, la mer et veiller sur ses enfants. Quatre syllabes qui pouvaient résumer une vie.

Oui il avait entendu parler de cette femme qui arrêtait les voitures pour qu’il n’arrive pas un malheur, puis qui disparaissait ensuite. La dame blanche. La dame couleur neige. Cela allait de soi. Quoi d’autre que la douceur d’un flocon pour vous caresser la joue puis s’enfuir ? Quelle plus belle sensation que celle de la chaleur qui s’insinue en vous après que le froid vous a coloré le nez ? La dame blanche. Blanche comme la page avant que l’encre ne songe à la tacher. Avant que le rêve ne se dessine grâce aux mots. Blanche comme la toile avant que le peintre n’y appose sa marque. Blanche comme la voie lactée qui berçait ses pupilles la nuit venue.

Oui il avait entendu parler de cette femme qui arrêtait les voitures pour qu’il n’arrive pas un malheur, puis qui disparaissait ensuite. Comme la flamme d’une bougie qui rencontre le vent. Comme l’écureuil qui a entendu votre pas sur une branche. Comme la passion lorsqu’on oublie l’importance de l’invention dans l’amour.

Oui il avait entendu parler de cette femme qui arrêtait les voitures pour qu’il n’arrive pas un malheur, puis qui disparaissait ensuite. Il en avait entendu parler, elle était à ses côtés à présent et il ne voulait la quitter pour rien au monde.

Avez-vous entendu parler de cette femme et de ce jeune homme qui arrêtaient les voitures pour qu’il n’arrive pas un malheur, puis qui disparaissaient ensuite…

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mardi, octobre 10, 2006

Téléphone quand tu nous (sou)tiens


Téléphoner et "être téléphoné", juste à la limite entre ombre et lumière, tourner le dos aux milles portes inconnues qui s'offrent à nous en acceptant de ne plus savoir vivre sans ce petit objet ridicule et totalitaire, ou gravir les marches qu'on devine à peine, trébucher parfois, seul au milieu de nulle part, mais apprendre à s'accrocher aux arbres qui nous entourent de leur sagesse affectueuse?!?

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samedi, octobre 07, 2006

Joli, poli, ramolli ou monopoly?!?

C’est marrant, cette prise à partie sur mon post précédent, parce que cela coïncide avec mon questionnement actuel.

Maintenant que je vais enfin avoir du temps pour mettre sur pieds de vraies plages d’écriture, pour mener à bien un projet de plus large envergure, je ne sais pas exactement le ton que j’ai envie de creuser, dans quelle direction j’ai envie de « balancer ma patte » (expression qui n’est pas anodine puisque, clin d’œil au Saïan, elle me semble représentative d’une envie de m’encrer pleinement dans une certaine « actualité » tout en restant fidèle et en mettant en valeur tout ce qui m’enchante dans ce qui n’est pas « tendance »).

J’abonde tout à fait dans le sens de mon tortueux anonyme (j’ai ma petite idée à ce propos), je ne veux pas d’une plume qui tombe à plat, du « joli » qui en reste là, mais je ne veux pas non plus donner dans une sorte d’intellectualisme de salon.

Bien sûr que je ne recherche pas la même chose lorsque je lis Tabucchi, Lobo Antunes, Reza ou Millet que lorsque je me laisse bercer par Bobin, Philippe Claudel, voire même Gaudé, mais je ne renie pas le plaisir que je prends dans les deux cas.

Baricco, désolé, mais à mon sens c’est bien autre chose, au point de vue de l’imagination, de la maîtrise narrative et de la qualité d’écriture, il a bien peu d’équivalent.

Ma seule certitude, c’est que ce qui me dérange dans le texte précédent sur Lulu et ma grand-maman, écrit il y a bientôt deux ans (qui ne se voulait d’ailleurs rien d’autre qu’un témoignage affectueux aux deux concernées. Lulu parle aujourd’hui très bien, soit dit en passant, elle est même en mesure de vous débiter un flot de propos des plus surprenants.), c’est qu’il est « confortable », et je ne veux, par dessus-tout, par faire dans le « confortable ».

J’ai envie d’une littérature qui déroute, pas qui prélasse, malgré une volonté esthétique indéniable, ne serait-ce que par la sensation incomparable que me procure les œuvres de Desbordes ou de Quignard.

Mon maître absolu, pour une quantité de raisons que je ne vais pas vous résumer ici, c’est Gary, cela va sans dire, mais c’est aussi pour ça qu’à ce niveau-là je dois plutôt essayer de me désintoxiquer

Voilà, c’était Katch straight from the Fri-blox, qui en profite pour vous souhaiter un excellent week-end, au Zelig (Benoît, si tu tapes Zelig sur internet, tu tombes directement sur le site qui t’expliques tout sur tout, en résumé, un type que j’adore, et qui répond au doux nom de Pablo, dirait que ça veut dire « fatigué » en suisse allemand) ou ailleurs !

Bien à vous.

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jeudi, octobre 05, 2006

Lulu et grand-maman


« Au matin de ta vie sur la planète,
Ebloui par le dieu Soleil,
A l'infini, tu t'éveilles aux merveilles
De la Terre qui t'attend et t'appelle. »

Sur l’écran, les animaux se bousculent, ils vont tous voir l’enfant venu au monde. Le lion a eu un fils et tout le monde s’en réjouit. Le singe, vieux sage ami du papa, est chargé de présenter le petit au reste du royaume, qui s’incline alors au moment de découvrir cette petite frimousse.

« Simba » murmure Lucie.

« Tu auras tant de choses à voir
Pour franchir la frontière du savoir,
Recueillir l'héritage
Qui vient du fond des âges,
Dans l'harmonie d'une chaîne d'amour ! »

Les dessins, devant nos yeux, continuent de s’animer. Le chant nous berce. Lulu, un petit bol d’air pur, tente, émerveillée, d’habiller les personnages avec les noms qu’elle connaît et qu’elle répète maladroitement, inventant des mots brillants de malice. A côté de cette flamme vive, de cette source de bonheur magique, un corps, caché derrière un tablier, porte le poids des deux générations, presque trois, qui les séparent.

« C'est l'histoire de la vie,
Le cycle éternel
Qu'un enfant béni
Rend immortel. »

Grand-maman est debout à l’entrée du salon, elle appuie son épaule contre le cadre de la porte, s’imprègne de ce moment à la saveur si particulière. Une ébauche de larme se laisse deviner. Elle s’assied alors doucement, profitant autant que possible de cet instant privilégié.

« La ronde infinie
De ce cycle éternel,
C'est l'histoire,
L'Histoire de la Vie ! »


Septante années ont passé entre leurs venues au monde. Les livres d’histoire n’évoquent qu’une infime partie de ce qui a eu lieu, drames et bonheurs, pendant ce temps. « Tout juste la durée d’une minuscule averse au mois d’août » pourrait dire grand-maman.

Mais peu importe les jours et les années entre ces deux roses rouges. Elles sont, l’une pour l’autre, le plus beau cadeau qui soit. Lulu ne s’en rend pas encore compte, mais elle saura, un jour, à quel point les heures passées avec sa grand-maman, des heures à apprendre comment regarder un arbre ou un oiseau, des heures à découvrir les mots qui décrivent ce monde immense qui l’entoure, étaient précieuses. Grand-maman s’en rend compte, alors elle donne tout l’Amour qui brûle encore en elle, elle peint une dernière fois, avec les plus belles couleurs de sa boîte, la toile où elle n’a jamais cessé de se promener.

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mardi, octobre 03, 2006

Fribourg









Vous avez dit apocalyptique?!?

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Fribourg

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Fribourg, ville aimée depuis des années, depuis la première ballade qui m'avait amené jusqu'à la magie défiant le temps qui se repose en Basse ville, jusqu'au café du Belvédère et sa terrasse sans pareille.

Fribourg voit maintenant mes jours et mes nuits se confondre avec les siens.

Il me reste à courir le long de la Sarine pour que son énergie puisse inonder les pages blanches qui m'accompagnent.

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dimanche, octobre 01, 2006

Assis à la table de la cuisine, adossé au mur, les yeux peinant à s’ouvrir complètement, il contemplait cette carte qu’il aimait tant, on y voyait un homme, mal rasé, buvant un café dans une salle vide exceptés une chaise et une table ; suspendu au-dessus de sa tête, un énorme caillou ne tenait au plafond que par l’entremise d’une ficelle et d’un billet de banque.

Cette image lui faisait penser à Camus, mais aussi à ces vers de Wallace Stevens : « Cela revient de vivre en un pays tragique/ Que de vivre en un temps tragique ». Depuis une autre paroi, Einstein lui faisait un clin d’œil : « Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine, mais pour l’univers, je n’en suis pas tout à fait sûr. »

Il vivait, chaque matin, un de ces moments où l’homme cherche où il peut un minimum de soutien et de compréhension. Depuis longtemps, cette aide ne venait plus, pour lui, que des morceaux de vie qu’il avait collés sur tout ce qui l’entourait.

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