katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

lundi, août 24, 2009

tip-top à mon goût









Cela a démarré en fanfare, en quintet pour être exact ; sous une tempête d’éphémères venus tirer leur révérence sur scène, conférant à icelle une atmosphère bien particulière.


A Villeneuve-sur-Lot c’était, tout à fait, dans une région se dandinant sous l’appellation Lot-et-Garonne; pas un des potes de Pablo, qui vient de là-bas, ne connaît la fabuleuse chanson où ce sacré gaillard qu’est Michel Sardou y fait allusion. Ils se sont même bien foutus de moi quand je leur ai posé la question.


Qu’est-ce que vous voulez, mon entourage n’écoutait pas que Brel, d’autres flèches d’interférences puissamment nuisibles ont été décochées dans mes oreilles, des refrains qui s’y traînent sans que je puisse faire quoique ce soit pour m’en débarrasser.


Même que, pour tout vous dire, ma grande sœur a eu une période Claude François, juré craché ; Béatrice a mis du temps pour me croire, puis elle s’est tellement marrée qu’elle a failli tomber de sa chaise ; comme quoi l’homme aux Claudettes et dangereux même sans qu’on l’écoute.


Pour continuer dans les confidences, ma maman et ma grand-mamans sont des inconditionnelles de Johnny ; yep, rien pu faire contre ceci, j’ai même assisté à des prestations du bonhomme.


Comment ? Je ne m’en sors pas si mal, au final ? Merci, merci beaucoup.


Mais non, mamimourette, je rigole ; ce n’est pas si terrible que ça, pas besoin d’écrire un commentaire enflammé ; tu sais qu’il t’aime ton doudou.


Je prends mes aises en famille, dans ce début de déblogage, c’est que j’ai envie de faire écho à un message magnifique que Leila, ma soeurette qui écoutait « Alexandrie Alexandra » avec délectation, m’a écrit.


Elle m’y dit qu’elle rêve toujours de vivre au royaume de Peter Pan, elle me demande « Que sont devenues nos tendres années? », laissant entendre qu’elles semblent s’être « noyées dans l'océan de l'âge adulte, l'âge raisonnable, l'âge triste... ».


Ah ben non alors, si tu veux de nouveau écouter les « New Kids On The Block », faut pas compter sur moi pour te soutenir ; mon empathie a des limites que ma tendresse ne comble pas toujours, désolé !


Tu me manques aussi ma belle ; je me promène souvent dans « cet autre monde » où notre enfance efface le reste, je continue d’y décapiter ton Ken (pas de raison qu’il ait seul le droit de goûter aux bien trop longues jambes de Barbie), j’y suis bien.


J’ai aimé à la folie un autre message qui m’attendait bien sagement, son auteur se reconnaîtra :


« […] et puis Karim, tu sais, tu as un regard qui dérange.
Ce n'est pas péjoratif, non, tu as ce regard vrai et ce sourire aussi lumineux que les premières étoiles qui pointent leur nez au crépuscule. Je crois qu'il suffit de poser notre regard sur le tien pour comprendre et être sûr que tu es une personne vraiment sincère. J'admire cette sagesse là. »


Lire ça, je vous le dis comme je le ressens, c’est carrément planter une bicyclette dans la toile en finale de coupe du monde ; après ça on peut tirer sa révérence.


Ou tout commencer ; comme je ne suis ni footballeur pro, ni écrivaillon (écrivaillant ?) reconnu, je n’ai pas le choix, je dois confirmer sur le terrain du quotidien.


Ben mon gars, va falloir t’accrocher pour être à la hauteur !


C’est bon, pas besoin d’en rajouter, vous croyez que je ne sais pas lire ?!?


Ma petite Clo-Clo (rien, mais alors rien du tout à voir avec le pantin dont je parlais au début) est aussi passée faire un saut dans ma boîte électronique, elle m’a envoyé cette « petite phrase recopiée de je ne sais plus d'où », qu’elle trouve "tip top à [son] goût" :


"Entendez ce que les gens ne disent pas".



Comment ? Que donne une maxime comme celle-ci appliquée à quelqu’un comme Johny ? Là je dois avouer que c’est un problème qui dépasse largement ma capacité de projection.


Par contre, c’est une sagesse qui était à mes côtés lorsque je me suis laissé inviter pour un café chez un retraité Danois rencontré sur ma route.


Je n’étais pas encore assis pour récupérer de mes premières heures de marche qu’il me demandait déjà si je parlais anglais, si je désirais boire un café chez lui.


Je l’ai regardé, je n’ai pu m’empêcher de me dire qu’il ressemblait trait pour trait à mon ancien patron, quand je bossais aux « Thés du voyage ».


Je suis allé chez lui, il m’a bien gentiment offert à boire, ainsi que deux tartines ; il m’a expliqué qu’il écrivait un pamphlet contre les militantes féministes.


Qu’est-ce que j’entendais mais qu’il ne disait pas ? Exactement la même chose que mon boss, à l’époque ( je l’avais alors appris par ma collègue, quand j’étais sur le point de partir. Il lui avait dit de trouver un garçon avec le même profil que moi. La suite après la parenthèse.) :


Que j’étais « baisable ».


J’espère que cela vous arrache une larme.


En tout cas, hier soir, lorsque je suis arrivé de mes « à peu près » trois marathons de randonnée en trois jours, on pouvait lire, dans le contour ourlé de mes cloques majestueuses, celles que j’avais refusé de verser sur la route. De larmes, pour ceux qui décrochent vite.


Périple commencé par une bonne blague ; j’étais parti depuis peu, je longeais une départementale, j’ai alors croisé deux policiers rivés derrière leur radar :


« J’espère que je ne l’ai pas fait exploser ! »


« Non, non, vous vous êtes contenté d’un petit 90. Bon courage ! »


Périple commencé par une esquisse de complicité avec la maréchaussée, donc, terminé sur les rotules en demandant à des « sans abri » s’ils n’avaient pas un endroit plus sympa que le bord de la rocade pour poser leurs tentes.


On dit qu’on peut rire de tout mais pas avec tout le monde ; j’ai tenté quand même.


« T’es un marrant, toi ; tu veux une bière ? »


J’ai décliné, j’avais trop envie de voir Pablo et sa maman ; j’ai eu raison, c’était trop bon de se laisser dorloter, de lire mon courrier et de découvrir de forts beaux commentaires.


Le mot de la fin à Ricardo Piglia, par l’intermédiaire de Villa-Mattas, par l’intermédiaire de Benoît (Ecris « intermédiaire » encore une fois, juste pour voir.) :


« Nous nous racontons tous l'histoire de notre propre vie dans l'illusion de continuer à être nous-mêmes: nous vivons dans l'idée que nous ne pouvons pas nous connaître mais que nous pouvons nous raconter. »


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lundi, août 17, 2009

de manière délicieusement décalée







« Vous faites quoi ici ? »


Nous étions assis avec Maud, cafés sur le point d’être avalés ; son vélo, ainsi que celui que Pablo m’avait bien gentiment mis à disposition, se devinaient au coin de la rue ; deux bicyclettes à la dégaine magnifiquement anachroniques.


« Vous faites quoi ici ? »


Quel âge pouvait-elle avoir ? Sept, huit, neuf ans ?


« Moi je suis en vacances ! Cet après-midi, je vais à la piscine avec quelqu’un. »


Maud a une bouille de loutre, moi on ne sait pas très bien, mais un « on ne sait pas trop bien » plutôt souriant, alors ces rencontres spontanées, quand nous sommes les deux, ne sont pas rares. Ce qui me ravit.


Nous avons papoté un moment, de manière délicieusement décalée, puis elle s’en est allée vers sa maman.


Elle est revenue avant de partir pour de bon.


« Toi, tu t’appelles Katchi ! », m’a-t-elle dit, malicieuse, « Salut Katchi ! ».


Estomaqué j’étais ; je le suis d’ailleurs à nouveau au moment où je vous écris ce petit rien qui scintille.


J’y ai repensé hier pendant que je terminais un livre somptueux, un livre que j’avais hésité d’acheter, la veille. Il y avait un petit moment que je voulais lire un ouvrage de cette femme dont l’émission « Carnets nomades », sur France Culture, est un vrai régal : Colette Fellous.


« Je dois rejoindre cette respiration qui court sous mes mots, cette matière qui n’est ni du langage, ni des couleurs, ni des odeurs, ni des paysages, non, autre chose qui traverse le regard, qui donne l’élan. C’est cela la matière du tableau où j’habitais. »


Il s’intitule « Avenue de France » ; Tunis et Paris y voltigent, passé et présent aussi. Il m’a suffi de lire le premier paragraphe pour que le charme opère ; je n’ai ensuite eu d’autre possibilité que de le humer d’une traite, heureux d’avoir cédé à la tentation.


Je ne suis jamais très raisonnable quand il est question de bouquins. Je n’ai pas l’impression de faire un achat, j’ai le sentiment d’améliorer la qualité de ma respiration ; avec qui plus est la possibilité, une fois la dernière page goûtée, de faire tourner cette bombonne d’air frais.


Celle-ci, je vais l’envelopper joliment, puis l’envoyer à Manel, sans hésitation ; je suis certain qu’elle y grappillera de petits bouts de moi.


Je vous disais que je repensais à la petite fille qui avait deviné comment je m’appelle, enfin non , encore plus fort, comment mes amis m’appellent, j’y repensais sur une terrasse dans la rue de Ste-Colombe, charmé par l’endroit autant que par ce nom qui me donnait l’impression d’être en compagnie de Pascal Quignard, cet écrivain de ma famille dont « Tous les matins du monde » avait constitué nos présentations.


« Enchanté », avais-je bafouillé après quelques pages.


Jamais eu de réponse, mais je ne suis pas le genre à me formaliser pour un détail aussi insignifiant.


Le nouveau fragment de son « Deniers royaume » m’attend chez Céline, à Chatou ; il y a été déposé par Céline, d’Yverdon.


Valse à mille temps possible grâce aux livres ; ma courte vie est déjà un ballet de pages folles ; oh yeah.


Je repensais au talent divinatoire de cette petite fille bien peu farouche quand une femme d’une beauté à même de consumer les rétines les plus sensibles s’est assise en face de moi, ou à peu près.


Je baissais les yeux, c’est que je tiens à mes pupilles, j’imaginais que j’allais à un moment donné entendre cette œuvre d’art me glisser au creux de l’oreille:


« Toi, tu t’appelles Katchi ! ».


Quand je suis sorti de mes rêveries, quelques minutes plus tard, un sourire d’une effarante niaiserie scotché au visage, ce fragment de ciel aux courbes hautement inflammables avait disparu ; je guettais un billet, je demandais à la serveuse si elle n’avait pas quelque chose à me dire.


Nada, niet, rien.


Peut-être à la piscine ?


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dimanche, août 09, 2009

même le vide alors se fait aimant








Je suis attaché à cette joie douce qui consiste à tisser quelques brindilles, celles picorées aux tendres contours que bien des journées façonnent pour nous ; laisser courir son oreille pour capter d’imprécis échos ; accompagner son regard pour ne pas se perdre, même au sein de l’égarement vagabond.


Feuilletant une revue, l’éclat d’une formulation m’est apparu dans l’ombre de propos sur une traduction : il convient d’inventer la meilleure part de soi-même.


Évidemment.


Et même le vide alors se fait aimant.




« Avant, je n’existais pas », nous a appris le neveu de Max, du haut d’une sagesse de quelques minuscules années ; un jeune âge qui ne l’a pas empêché de me montrer comment il faut arroser un citronnier ; mon petit pote a aussi eu la présence d’esprit de libérer un lézard, pris au dépourvu par un saut inopportun dans un seau, « autrement il va mourir de faim », s’est-il empressé de m’informer.


Me sont revenues ces paroles de Lulu la magnifique, alors que nous étions à la place de jeu, il y a quelques années; les nuages avaient pris possession d’un ciel tout d’abord débordant de bleu ; nous nous dirigions vers la balançoire, entourés de pépiements provenant des arbres avoisinants ; elle m’avait alors murmuré : « Tu as vu, les oiseaux ont mangé le soleil. »


Devant mon étonnement, elle m’expliquait de suite le pourquoi du comment : « Parce qu’ils avaient faim ! ».


Évidemment.


Inventer la meilleure part de soi-même.


Et même le vide alors se fait aimant.




A Lulu, la semaine dernière, lors d’une balade en bord de mer pour rejoindre son amie Clara, avec qui elle papote pendant des heures, j’ai expliqué la théorie de la relativité ; cela s’imposait puisque, comme tout enfant qui se respecte, elle a l’impression que dès qu’elle s’amuse, il est l’heure de rentrer ; l’imagination bouscule le temps, remue l’espace ; je ne lui l’ai pas dit comme cela, mais elle a compris ; et elle a eu confirmation qu’il est tout de même bizarre ce Yaya.




« Impasse de l’égalité », inscrit sur une plaque, à Auch ; impasse de l’égalité, formule malheureusement heureuse en ce qu’elle image une pertinente vérité ; impasse de l’égalité chaque jour en pleine face lorsque l’on se laisse dériver dans l’actualité ; impasse de l’égalité qui devrait remettre plus souvent sur le tapis une autre notion fondamentale : la dignité ; impasse de l’égalité qui fait trépasser la fraternité.


Mais l’imagination ; mais s’évertuer à inventer la meilleure part de soi-même.


Pour que. Même le vide alors. Vous suivez bien, c’est bien.




Lors de mon passage à Leucate, j’ai souri en entendant mon oncle dire que ce qu’il n’aime pas, chez les écologistes, c’est les extrémistes ; alors qu’il leur reproche, dans le même temps, de ne pas l’être ; puisqu’il ne connaît personne qui est « complètement écolo ».


Je ne sais pas ce que devient cette contradiction quand il regarde les images de la fuite de l’oléoduc, dans les Bouches-du-Rhône ; 4000 mètres cube de pétrole brut dans une réserve naturelle.


Moi ça me fait frémir.


« L’économisme est l’idiotie de l’abondance. », phrase copiée dans « A demain de Gaulle de Régis Debray.




« A partir de maintenant, la baignade ne se fait plus sous surveillance, bonne soirée ! ».


Une plage à Marseille, début de soirée ; je me suis dit que c’est un peu ce qui a été proclamé dans un haut-parleur néolibéral, à propos de notre économie de marché ; écho de momies qui aiment démarcher, qui n’ont de cesse sur la tête de se marcher.




Hier soir, avant de faire dodo, j’ai lu l’introduction de « Navigateur solitaire », de Jean Merrien ; j’y ai lu ce beau mot : gréement.


Cela miroite comme agréments, carrément.


Cela rime avec avènement, vraiment.


Gréement : tout ce qui sert à régler, manœuvrer et établir la voilure.


On met les voiles ?


Pour inventer la meilleure part de soi-même, ça faisait longtemps ; pour aller de l’avant, embaumé par le vent.



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