katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, juillet 31, 2008

Mauvais Casting, mauvaise caste bling-bling

« C’est un film d’horreur, ou de peur ?!? »

Après être allé, habitude qui est un fruit de mon côté un tantinet masochiste, faire mon pas de course quotidien à midi sonnante, imaginant Pitch, un de mes compagnons d’infortune militaire, me regarder, suite à un exercice pour le moins astreignant, et me dire, une lueur dans les yeux oscillant entre amusement et énervement : « T’es content là ?!? On n’en peut plus, t’es bien, ça te plaît ! Cinglé, va ! » ; mon jogging fini, donc, je sautillais d’une ombre à l’autre dans l’enchevêtrement merveilleux des ruelles arlésiennes, quand me parvint à l’oreille cette question, posée par une petite fille d’une douzaine d’années à une camarade du même âge.

« C’est un film d’horreur, ou de peur ?!? »

Elle s’imposa à moi alors que me trottaient dans le crâne différentes contrariétés consécutives à mes lectures de journaux, rien que du très habituel en somme. Ces petits grésillements dans mes rouages (dé)cérébraux étaient constitués par les propos d’un éminent neurologue, spécialiste de la maladie d’Alzheimer, Aloïs de son prénom, qui aimerait que les gens vivent jusqu’à 150 ans, non, excusez-moi, qu’ils vivent bien jusqu’à 150 ans. Il a le sentiment, ainsi, de combattre la déshumanisation. C’est fou comme j’ai exactement l’impression du contraire.

Il y avait donc cela, vieille guéguerre entre moi et la Recherche, celle avec un grand R comme pour requins, mais aussi l’écho de Sarko, impatient de faire de la France un pays de propriétaires. Possessions. Pouvoir. Progrès. Les Poings en avant pour que l’être humain continue à faire « Plouf dans l’eau du Pot ».

Il y aussi l’échec des négociations de l’OMC, brave Doris ne comprend pas, la Suisse avait pourtant accepté de continuer à pousser ses agriculteurs dans la fosse commune qui récolte déjà cinq domaines par jour, et voilà que d’autres pays ne veulent plus jouer à qui perd perd. Satanés pépères !

Bon, évidemment, il y a de bonnes nouvelles qui arrivent de Chine, où Internet et tout ce qui s’approche un tant soit peu d’une certaine liberté d’expressions sont allègrement piétinés. Il est plaisant de savoir qu’il y a encore des nouvelles qui s’inscrivent dans une certaine logique, des informations qui n’étonnent personne, des points de repères rassurants. Vivement que la flamme olympique nous illumine tous de sa soif d’idéal.

Alors, c’est un film d’horreur, ou de peur ?!?

Libellés : ,

vendredi, juillet 25, 2008

De véritables autruches décapitées


Ainsi donc, selon ce qui est d’usage entre bonnes gens s’essuyant le coin de la bouche avec de l’argent, quelques diplomates helvétiques sont allés, délicatement chaussés de leurs petits souliers, cirer ceux de Khadafi. Qu’ils ne se sentent pas obligés de revenir.

Par souci d’objectivité, je tiens tout de même à préciser que le gouvernement suisse peut aussi se montrer plein de bon sens. Il a autorisé une exportation d’armes vers le Pakistan, mais seulement pour un montant de 67 millions de francs, pour plus, il aurait eu l’impression de participer aux réjouissances de l’endroit. Là, cela reste modéré, juste de quoi faire un ou deux morts des suites de balles perdues, pas davantage.

En fait quand je lis ce genre de choses, et bien d’autres du même triste acabit, me reviennent les paroles de patriotes enflammés qui s’insurgent que la Suisse naturalise à tour de bras. Ce qui, soit écrit en passant, est rigoureusement faux.

Mériter d’être Suisse, d’ailleurs mériter une nationalité tout court, ça veut dire quoi ?!?

Travailler pour Nestlé et infiltrer les membres d’ATTAC ?!?

Ne pas dormir pendant une semaine quand Rodgeur, ce type si simple et si merveilleux, ce gendre idéal, a perdu ?!?

Avoir comme rêve absolu une villa avec des volets Alinghi ?!?

Penser que liberté est un terme qui doit rimer avec économique?!?

Je lis, écumant, « La stratégie du choc » de Naomi Klein, c’est vraiment à pleurer le cliquetis de nos crânes depuis que nous les avons transformés en machines à sous, même plus besoin de nous torturer, comme cela a été de mise un peu partout pour introduire le suintant néolibéralisme, pressions, projections et frustrations ont fait que nous sommes devenus à nous-mêmes nos propres bourreaux.

C’est pratique, cela constitue une belle suppression d’emploi à même la tête, euh pardon, la bête, si vous me passez l’expression.

Libellés : ,

dimanche, juillet 20, 2008

Par un dimanche mitigé un ami du tango

Il y a peu, la pluie martelait le bord de la fenêtre avec tellement de conviction que, comme elle était ouverte, je sentais des éclaboussures étoiler ma peau. A présent, c’est un rayon de soleil qui m’épingle l’épaule.

Le jazz suisse est à l’honneur pour dessiner l’ambiance musicale de mon dimanche après-midi : Thierry Lang, Colin Vallon, Erick Truffaz et Format à trois.

Je suis assis dans celui de mes nombreux fauteuils récupérés que je préfère. Il est d’un vert complètement délavé, sa partie boisée est tellement usée qu’on pourrait croire que je l’ai volontairement rabotée ; mais, une fois qu’on y a déposé son humble fessier, il est tout simplement impossible d’envisager se lever dans l’heure qui suit.

C’est donc dans ces bras accueillants que j’ai terminé un roman que Benoît m’avait conseillé : Garder la flamme de Jeanette Winterson.

« Je n’ai pas de père. Ce n’est pas si rare, même les enfants qui ont un père sont parfois surpris de le voir. Le mien est sorti de la mer et s’en est allé par le même chemin. Il était équipier sur un bateau de pêche retenu chez nous une nuit de vagues de verre sombre et fracassé. La coque brisée du navire lui a laissé assez de temps de terre pour jeter l’ancre en ma mère.

Des bébés frétillants se sont disputés la vie.

C’est moi qui ai gagné. »

J’avais à peine eu le temps de me rendre compte que le livre était ouvert que déjà les histoires s’embrasaient, et moi avec, emporté par les lumières projetées par le phare. Le gardien m’avait lancé dans l’eau, m’enjoignant de m’accrocher à mon imagination et à mes souvenirs, de moduler les deux à ma guise, de les déposer dans le rucher qu’on devine derrière mes yeux.

Puis de confectionner du miel afin de tartiner les rêves de tous ces gens que je croise et qui se sont « engrisés ».

Sur le contour argenté de la théière qui me toise, j’aperçois la lumière de la rue. Juste devant, je devine ma silhouette un peu floue. Gédéon malicieux. Fantôme. Courant d’air.

Toujours là, jamais là.

« Pew, raconte-moi une histoire.

Quel genre d’histoire, petite?

Une histoire qui finit bien.

Ça n’existe pas.

Quoi, les fins heureuses ?

Les fins. »

Libellés :

vendredi, juillet 18, 2008

Chanson

"Apporte au crépuscule

Quelques herbes d'ici.

Quand le soleil bascule

Dis-lui, dis-lui merci.



Tends-lui la renoncule

Et le brin de persil.

Les choses minuscules

Il les connaît aussi."



Guillevic, Sphère

Libellés :

lundi, juillet 14, 2008

L'infinie chorégraphie

Un premier vol, d’abord présenté par un pilote peu sympathique comme impossible, pour nous mener dans la bâtisse de pierre qui nous ouvrait ses bras ; puis un second, un peu en catastrophe du fait d’une météo capricieuse, pour regagner la vallée.

Des émotions nues, débarrassées de tout l’apparat de conventions qui, souvent, « en société », raturent les cœurs bien plus qu’elles ne les dessinent, étouffent les rêves alors qu’il serait tellement plus enivrant, devant le petit tas de bois maladroitement empilé, de se mettre malicieusement à genoux, puis de souffler avec son regard d’enfant afin d’aviver le brasier des songes.

Pendant quelques heures, j’ai eu le privilège de regarder Béatrice feuilleter l’album de souvenirs qui se déroulait devant ses yeux.

Des images sans âge se superposaient avec celles qui dansaient tout autour de nous.

Il était une fois un jeune violoniste qui, admirant les prouesses d’une timide patineuse, perdait connaissance.

Il est une fois une femme en chaise roulante, pour qui se retrouver à près de trois mille mètres d’altitude est la chose la plus naturelle du monde, et qui n’attend qu’une chose : recommencer.

Avant ou après le prochain saut en parachute ?!?

Tellement de choses à écrire, tellement de brindilles à extraire de ce condensé de sensations folles vécues depuis que je suis aux côtés de cette hirondelle magnifique, fol oiseau qui n’arrête jamais de patiner sur la glace éternelle de ses passions.

Libellés :

dimanche, juillet 13, 2008



"Ce que je veux de toi, Rainer? Rien. Tout. Que tu m'accordes à chaque instant de ma vie de lever les yeux vers toi - comme vers une montagne qui me protège (un ange gardien en pierre!). Tant que je ne te connaissais pas, pas de problème, à présent que je te connais - il faut une autorisation.
Car mon âme est bien élevée."

Marina Tsvétaïeva à Rainer Maria Rilke

Libellés :

jeudi, juillet 03, 2008

Libres d'être bernés?!?

Un paradis de poussières

La Connaissance du Soir

Les draps du peintre

Je ne sais par où commencer pour éviscérer le cadavre d’images qui imprègne mon cerveau de toute sa nauséabonde omniprésence, alors je dissémine les titres des livres qui sont à mes côtés, comme une manière de m’assurer sur cette paroi visqueuse.

Hier soir, moments de douceur enveloppés dans l’ombre d’une toujours bienvenue soirée lecture, puis, comme je ramenais Béatrice, et alors que je me demande parfois si je sais encore ce qu’est une télévision, j’ai vu l’allocution (envie de noter allo-cul-cul-tion) de monseigneur Sarkozy.

Et là, malgré moi, je n’arrivais pas à voir ce qu’il FALLAIT voir, ce que cette douteuse mise en scène prétendait représenter, quelque chose comme une « grande victoire de la liberté », je n’étais pas capable de cautionner ce cirque, est-ce :

a) du cynisme ?

b) une volonté de « toujours avoir quelque chose à redire » ?

c) les livres qui me rongent le cerveau et le coeur ?

d) de la connerie ?

toujours est-il que je ne voyais que le comble du ridicule de ce perpétuel présent médiatique dont on nous gave.

« Mais le principal c’est qu’ils soient libres, non ?!? », c’est ce que m’a dit Raphu, ce matin, lorsque j’ai laissé filtrer mon scepticisme. Même confronté à cette question toute simple, à quoi j’aimerais pouvoir répondre : « Oui bien sûr », j’ai séché, parce qu’il me semble qu’il y a vraiment autre chose qui est en jeu, et que cette manière cavalière de régler les problèmes en titillant l’opinion publique pour qu’il y ait des solidarités ciblées relève davantage du problème que de la solution.

J’avais comme un chat zimbabwéen/chinois/malgache/palestinien (je continue ?!?) dans la gorge.

Puisque nous sommes encore imprégnés d’une atmosphère euro-footballistque, je vais me permettre d’hasarder un parallèle.

La saison qui vient de s’écouler a vu un joueur prendre une dimension phénoménale : Christiano Ronaldo. Buts en cascades, passements de jambes « en veux-tu en voilà », belle gueule,… Mais, aussi, surtout, un individualisme forcené qui occasionne, dans le jeu, énormément de déchets, et qui, dans les journaux, le met au centre d’un différent entre son club et le Real Madrid qui propose un montant que je préfère ne pas qualifier.

Pendant l’Euro, niet, on ne l’a pas vu, ou bien si, juste quand il pleurait parce qu’il se rendait compte que son équipe allait passer à la trappe.

Dans un autre club qui sort d’une saison en demi-teinte, il y a un catalan pure souche qui répond au doux nom de Xavi. Un type qui ne jouera jamais pour un autre club que le Barça et qui va orchestrer le collectif espagnol encore longtemps. Quand il avait six ans, que tous ses copains couraient devant pour aller marquer des buts, il restait sagement au milieu de terrain malgré les exhortations de son père et de son entraîneur. « Il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour défendre si on perd le ballon », leur répondait-il calmement.

Aujourd’hui, il est « au four et au moulin », comme on dit, il organise le jeu de son équipe sans jamais se mettre en avant, placement irréprochable, vision du jeu phénoménale, abnégation de chaque instant. Il court énormément, jamais pour rien, lorsque ce n’est pas pour récupérer un ballon ou pour le donner, c’est pour offrir une possibilité de passe à ses coéquipiers.

Ronaldo « provoque » ses adversaires pour creuser des brèches où il n’y en a pas, parfois ça passe, souvent ça casse.

Xavi joue avec l’espace. Il le crée lorsque son équipe a le ballon, il le réduit à zéro, dans sa zone, en phase défensive. Il est une sorte d’incarnation de la notion de solidarité. Il sait que tout le monde ne peut pas voir et sentir le jeu comme lui, alors il se met entièrement au service de son équipe.

Xavi rime avec poésie.

Il sait qu’une vie ne se résume pas à un coup d’éclat, mais qu’elle se dessine chaque minute devant son miroir intérieur.

On a le droit de penser que ceci n'a rien à voir avec cela, mais, quoiqu'il en soit, le meilleur joueur de l’Euro, c’était lui.




« Evidemment le mot rien dès qu’on le dit

Se heurte à tout ce qui reste vivant,

Ce par quoi justement je touche (avec et sans précautions)

A ta parole à ta main, autant

Qu’à ton silence ou ton retrait.

Le mot rien dans le mot vivant ? »



James Sacré, Un paradis de poussières

Libellés :