katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, août 16, 2007

Son niveau commence gentiment à diminuer, mais le lac est encore haut, certaines de ses rives qui peuvent parfois paraître trop artificiellement aménagées sont noyées, l’eau a effacé tous les contours.

Toujours pas réussi à remettre la main sur mon appareil, alors je ne peux pas illustrer mon propos, mais forte impression d’être perdu dans un plat pays provisoire dans lequel, au loin, lorsque l’on se trouve où un bras de bleu s’étire plus qu’ailleurs, les gens marchent sur l’eau.

Cheminant ferroviairement, j’aperçois quantité de champs inondés, d’arbres faisant leur possible, avec plus ou moins de réussite, pour apprendre à nager.

Les rails entre Fribourg et Berne, sont, des suites d’un glissement de terrain, terme technique dont j’aime particulièrement la légèreté, je le lis dans le journal, cela fait écho à des patineurs, à un skieur élégant, bref, les rails entre chez-moi et la fosse aux ours, donc, sont inutilisables pour une durée encore indéterminée.

La Nature, lorsqu’elle se déchaîne, n’humilie pas mais rend humble, remettant à leur place les petites fourmis assoiffées de maîtrise perpétuelle que nous tentons d’être.

Au lieu de nous débattre, abattus, remettons-nous en à plus d’amoureux ébats, hébétés.

« Un effort physique, et en plus utile, m’aidera à remettre un peu de clarté dans les remous qui me touillent. La phrase de Jean a déclenché en moi une série d’appels dont les échos se mélangent. Il y a eu mon retour aux Burnettes, dans lequel je voyais les moyens de repeindre aux couleurs d’origine les pans lumineux des jours anciens. Puis j’ai eu peur de la pluie, peur qu’elle délave les images bleues et rouges. Ce n’était que m’ébrouer pour mieux replonger. Et, depuis, je navigue sur deux lacs en même temps, celui d’aujourd’hui, impraticable, et celui des bateaux à vapeur dont le sillage s’est refermé. Cependant des envies m’agitent : il y a d’autres paysages qui veulent prendre place en moi. Ma nostalgie n’est pas accomplie. »

Oui, Denise, toutes les citations venaient de « La Bataillère », celle ci-dessus aussi, tu t’en seras doutée, je voulais te le déposer sur le bureau de Raoul, aujourd’hui, puisque je pars demain nuit en Toscane pour deux semaines, mais je l'ai oublié...

Le blog, qui est à deux touches de fêter son premier anniversaire, ne sera donc pas, hormis exceptionnel crochet par internet café, mis à jour pendant ce temps, j’espère que mes quelques fidèles, que je profite de remercier, ne m’en tiendront pas rigueur.

Je vous souhaite tout de bon, d’ici là, et vous laisse avec un extrait de la vie de Katherine Mansfield par Michèle Desbordes.

« On comprend que d’un rien elle pouvait se blesser. D’un silence, un mot de trop. A quel point il lui était difficile de ne pas se meurtrir du regard qui se dérobe, d’un commencement de départ. D’une indifférence. Qu’elle vécut une vie de solitude. Que peut-être rien jamais ne la satisfit vraiment, si ce n’est d’avoir écrit certaines pages ou sentir combien l’écriture, comme la passion amoureuse, vous portait dans le monde. »

dimanche, août 12, 2007

Batelier, écrivain, mêmes rivières

Un petite vibration sur la table à portée de regard, j’oeillette distraitement le message qui vient de m’être envoyé, enfile mes chaussures, épaule un pull qui risque de se montrer utile avec l’avancée de la soirée puis m’en vais rejoindre Raphaël et sa douce compagne britannique.

Moments agréables où mon anglais se hasarde, me contraignant à tarir mon flot habituel, trop rapide et peu audible (voilà bon nombre d’années que la maman de Sergio se propose de m’offrir des cours de diction. Je ris et j’esquive.), là je n’ai pas le choix, je dois réfléchir puis essayer de parler distinctement. Exercice périlleux mais résultats encourageants.

Après avoir trempé mes lèvres dans un agréable verre de Muscat, dégusté une petite salade accoudé à la Sarine et brièvement discuté musique, les deux amoureux me quittent pour aller admirer Fribourg de nuit depuis la chapelle de la Lorette, point de vue capable de dévaster le regard le plus aigri.

De mon côté, je remonte, léger, Stalden, rue qui m’a fait m’éprendre de cette ville il y a bien des années.

Avant de m’allonger, j’ai envie de lire encore quelques lignes de « La Bataillière » de Pierre-Laurent Ellenberger, alors que je me crois seul, voilà que naissent, au milieu d’une page, les mots que tant de personnes tentent de me lancer au nez et à la barbe depuis des années.

« Elle m’a parlé longtemps. Au début, je n’ai rien compris, chevroté par le froid ambiant. Puis gentiment, docile, je suis entré en pédagogie. J’ai cheminé lentement vers une clarté nouvelle, en ce qui me concernait. J’ai appris que j’étais tordu, que je courai sur deux vagues qui se plissaient en s’écartant et que je serais noyé si je ne choisissais pas entre l’eau filante ou l’eau de rebat ; que de toute manière, ce choix n’était pas le mien. Je n’appartenais ni à l’une ni à l’autre. Ma seule navigation ne pouvait que se faire en moi, dans ma « sale tête de bois » où rien n’avait de crédit que le fait d’aller là où tous les autres ne vont pas. »

Comme souvent lorsque j’ai l’impression de me voir gesticuler sur le papier, je suis tiraillé entre différentes impressions.

Dans le cas présent, cela balance entre la joie d’être désormais accepté comme « fantomatique/énigmatique » par la majorité de mes connaissances qui se contentent de demander de mes nouvelles à Raoul et Loïc, seuls à avoir signe de vie régulièrement, et le petit pincement au cœur lorsque j’ai vent d’événements où « tout le monde » est invité, sauf moi, puisque je me suis volontairement chassé de leur quotidien.

Non pas que ma présence serait malvenue, mais on se dit, souvent à raison, que même si je répondais positivement, je serais, au dernier moment, rattrapé par mes habitudes solitaires d’homme qui aime se vivre entre parenthèses.

« Mon éloignement de Cully relevant de l’amputation, je me faisais toujours l’obligation d’y revenir entre deux voyages. D’abord parce que je n’habitais nulle part et, mammifère errant, je retournais au gîte. Ensuite, je voulais voir le lac, cette grande respiration que je n’ai pas trouvée ailleurs, même au bord de la mer. Le lac et sa beauté, ses orages subits, les montagnes de France sur la rive d’en face, tous ces bleus qui se superposent en transparence sans jamais se mélanger et qui ne se résolvent que dans le gris de l’orage ou dans le noir de la nuit. »

Je n’ai pas pu m’endormir avant d’avoir terminé, accompagné par la curieuse sensation de découvrir des lignes qui voltigeaient déjà entre mes fines gouttes de silence et mes rivières d’absence.

Je vous avais déjà exposé mon émerveillement lorsque, par l’entremise de son superbe « Pour toi la guerre est finie », j’avais vagabondé avec cet auteur dans les rues de Lausanne, rejoignant Ouchy depuis la cathédrale en crochetant par la rue de Bourg, il en est allé de même cette fois, lors d’une ballade dans les villages du Lavaux, endroit paradisiaque pas encore frappé du sceau de l’Unesco mais terrassé par un déferlement de seaux d’eau venus des cieux, transformant le lac en fleuve.

Il y est question, lors des catastrophes, de la solidarité indispensable qui se mue en amitié incontournable, à moins que ce ne soit le contraire, ou alors peut-être que les deux ne sont que rêveries d’écrivain qui se voudrait moins torturé, attaché plus solidement à une terre qu’il sait sienne surtout lorsqu’il la quitte.

« Gentillesse. Cette énergie dont tout le monde a besoin mais que personne n’a en compte, qu’on vole à ceux qui en ont et qu’on paie en fausse monnaie, en grimaces et en paroles. Tiens, voilà que je me remets en indignation. Je tisonne mon foyer, j’ai la braise impérissable. Les inondations ne m’ont pas rafraîchi. »

Mais tout ceci est bien joli, il y a un moment où, si elles veulent continuer de rythmer la pêche aux étoiles, les paupières doivent se reposer.

« L’enfant ne veut pas descendre de son arbre irisé par le soleil horizontal qui vient du Jura, à huit heures du soir. Grand-père est déjà venu trois fois dire qu’il est temps d’aller souper ou d’aller dormir sans souper, gauchement, sans urgence dans la voix. Il sait que l’enfant descendra de l’arbre quand le soleil aura disparu et il sait aussi que la nuit sera belle, parfumée. Ce ralenti de vivre est un grand panier de bonheur. L’enfant, du haut de son arbre, contemple le monde. […]. Ensuite l’enfant peut aller se coucher. Le monde est bien à lui, il le tient dans ses bras comme l’oreiller qu’il étreint en dormant. »

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lundi, août 06, 2007

Brouillard et communication

Le quotidien danse parfois sur une regrettable valse d’incompréhensions, air entêtant et entraînant qui brise les murailles fissurées du royaume de la parole.

L’on se sent souvent le fou d’un roi absent, parti loin, longtemps et qui, lorsqu’il reviendra, ne se souviendra même pas de son propre nom.

Peut-être se rappellera-t-il tout juste qu’il est en droit de vous couper la tête.

Tout n’est toujours qu’une question de mots, de leur définition, de leur assimilation, de leur réception.

Là au milieu, beaucoup de chevaliers, épris de princesses fantômes, s’adonnant à des joutes perdues d’avance.

La Cour de la Communication, avec ou sans lettres de noblesse, se rit de guerres et révolutions puisque ce n’est toujours que l’absence de l’Homme qui se noie dans les désirs de grandeur.

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Brasseur-papillon

Ecrire à Benoît pour lui dire combien je suis d’accord avec lui, trop de théories, de prétendus schémas représentatifs qui ne sont que généralisations abusives de vérités ponctuelles.

Constatation de nombrilisme fréquent, érigé en système, qui à elle seule devrait suffire à remettre en discussion définition de l’intelligence et pertinence d’un certain enseignement autoritaire.

Préciser à Raphu mon aversion de la fierté et de ce que je considère comme ses dérivés directs : l’arrogance et, dans le cas d’une nationalité, la tendance à considérer comme un accomplissement personnel ce qui n’est qu’un heureux hasard du calendrier des naissances.

Soyons contents, conscients d’être privilégiés, plutôt que fiers, aveuglés par ce qui, nous constituant, nous échappe.

Expliquer, puisqu’on me l’a « reproché » plusieurs fois ces derniers temps, pourquoi oui, je le conçois et le concède, mes écrits s’apparentent parfois à de la masturbation intellectuelle, je suis désolé, c’est comme cela que ça « swingue » dans ma tête.

Je suis moins pénible en vrai que sur papier. Encore que.

Répondre à Anna, une jeune adolescente qui avait une chambre dans la même appartement que moi ces derniers mois, qui m’a écrit une superbe lettre où je suis un petit mouton qui se transforme en courant d’air.

Répéter à ma maman que je l’aime parce que, comme le dit cette formule de Gary que Jane apprécie tellement, on aime jamais trop.

Mais, encore pendant un moment, je vais plutôt jongler entre lac, pots de peinture et tentatives d’emménagement.

Ce serait bien d’avoir l’efficacité pour mot d’ordre mais je suis trop lucide pour me considérer autrement qu’en brasseur d’air.

Mais un brasseur-papillon.

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mercredi, août 01, 2007

Un jour aussi ridicule qu'un autre




Aujourd'hui fête nationale.

Des drapeaux dans les rues.

Un papier xénophobe dans toutes les boîtes aux lettres, grâce à généreux donateur.

Il y a des sous en Suisse, pour ceux qui ne sauraient pas, surtout pour ce genre d'inepties.

Des grillades dans les jardins, des enfants dans les piscines.

Superbe pays, certes.

Histoire palpitante et parfois exemplaire, soit.

Grâce à nous?

Ah bon...

Etre fier, très peu pour moi.