katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mardi, mai 29, 2007

Hier, petite course d’école à Genève, ballade entre les serres du jardin botanique, crochet par les Pâquis, dégustation de falafels histoire de ne pas se sentir "pentecôtiste".

Puis café au Pessoa, petit endroit croulant sous les citations en tous genres, le monsieur qui servait pense que ce lieu, son emplacement, sa clientèle, ne rend pas hommage à cet écrivain qu’il adore.

Impossible de vous transcrire sa prononciation merveilleuse, le nom de l’auteur sonne alors comme un baiser qui vague sur la langue.

Yeux fermés, cœur étoilé.

La voix d’Amalia Rodriguez surgissant pour envoûtement complet.

Depuis un mur, Fernando me salue:

« Etre homme c’est ne pas se contenter ».

Libellés :

samedi, mai 26, 2007

Depuis quelques semaines, pour différentes raisons, j’ai parcouru des livres d’auteurs suisses (« La paix des ruches » d’Alice Rivaz, « L’homme que ma mère a aimé » d’Urs Widmer, « Le paysan du Danube » de Denis de Rougemont) qui m’ont tous enchanté.

Mercredi, j’avais un rendez-vous un peu particulier à Lausanne, avant de m’y rendre, je suis passé à la bibliothèque bien décidé à continuer mes flâneries en compagnie littéraire helvétique, j’ai donc emprunté « Pour toi la guerre est finie » de Pierre-Laurent Ellenberger.

A peine entré dans le train, une phrase de Günter Grass venait me faire un clin d’œil : « Errinern heisst auswählen » que je traduirai librement par « (Se) rappeler c’est choisir ».

Une volonté de sélectionner ses souvenirs qui allait, comme je m’en doutais, prendre pleinement son sens lors de mon entrevue à venir.

Je laisse libre cours à votre imagination galopante puisque là n’est pas mon propos.

« Je vais avec conviction vers une absence de but en prenant tous les détours pour arriver nulle part. »

Divagations dans le Lausanne des années 70, les pages d’Ellenberger oscillent entre humour et dépit par l’entremise d’une langue parfaite parsemée d’expressions « bien de chez nous » qui donnent au livre une saveur inimitable.

« Ceci jusqu’à me faire croire que le langage n’existe pas pour dire des choses à autrui mais pour que ceux qui en usent puissent exister ensemble, ne serait-ce que contre le silence et le doute. »

Stephan Eicher aime dire qu’il n’a pas de racines, mais beaucoup de terre sous les pieds, j’ai eu cette impression en lisant ce récit posthume dédié à un ami noctambule, sorte de fantôme promenant sa silhouette improbable dans la capitale vaudoise.

Une impression que j’aime nettement mieux que celle que je ressens en observant les discussions ridicules autour de notre fête nationale à venir, un (non-)événement qui réussit tout de même le remarquable exploit de mêler des propos détestables sur le « féminisme », les « nazillons », l’ « Histoire », le « socialisme » qui, pour l’occasion, se transforme en « nationalisme de gauche », …

La liste n’est pas exhaustive mais suffit largement pour donner mal à la tête.

Libellés :

lundi, mai 21, 2007


"Ce qu'on apprend dans les livres, c'est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement plus de temps pour s'atteindre. "

Christian Bobin






Libellés :

mardi, mai 15, 2007



"Nous autres Orientaux nous créons de la beauté en faisant naître des ombres dans des endroits par eux-mêmes insignifiants."

Junichirô Tanizaki

Libellés :

samedi, mai 12, 2007



L'ombre est arrivée

A peine

Garder les mains collées

Sans peine

Afin qu'une nouvelle ensoleillée

Ensemble l'on dépeigne

Libellés :

vendredi, mai 11, 2007

Vivre, vraiment?

Dans plusieurs des livres que je parcours ces temps, il est question de la modernité et de la toute-puissance de la bureaucratie. Le propos, en gros, peut être résumé de la manière suivante : on nous apprend de plus en plus à fonctionner, pas à vivre.

Ce qui est logique puisque le second ne s’apprend pas. Mais il est difficile d’accepter, dans un cadre où l’on voudrait effacer les facteurs aléatoires, que des choses ne peuvent pas être enseignées.

Cela est valable pour les coachs d’entreprise comme pour la sacralisation des diplômes.

Ou comment faire de la pensée positive non plus une manière d’être mais un impératif d’entreprise, ce qui est tout de même du génie. Du mauvais génie.

Pensons, et positivement je vous prie, encore que de manière très relative puisqu’il s’agit d’avantage de devenir une base de données que le nouveau Platon, avant de vivre.

Il suffit aussi d’évoquer la place des séries télévisuelles ou de personnages virtuels pouvant être endossés dans un programme comme « Second Life ».

On est tout de même bien loin, bêtement, de ce qu’une de mes enseignantes m’avait présenté, petit étudiant curieux, comme le symbole de la vie : l’eau.

Je nage dans une mare peu claire, vous avez raison, et pourtant.

En Suisse, Glaris vient d’accorder le droit de vote cantonal depuis 16 ans, il faut s’en réjouir, paraît-il.

Je vois, autour de moi, une quantité impressionnante d’adolescents complètement perdus.

Pas de repères, pas de critères pour réfléchir sur la manière de se situer dans la soupe froide qui les entoure. Rien de stimulant. D’authentiquement stimulant, rajoute le vieux con qui sommeille en moi.

Nous sommes dans la société du loisir, vous savez, ce cadre merveilleux qui permet à des jeunes d’avoir l’impression que la PS III, dont on leur vante les mérites tous les jours à coup de publicités toutes plus géniales les unes que les autres, est véritablement quelque chose de vital.

Vital. Je nage mais je pèse mes mots. Ils flottent, je vous assure.

Alors quand je vois le nombre de gamins qui ont envie de se donner la mort parce qu’ils trouvent que c’est peu engageant de se voir réduire à un citoyen/travailleur, à un potentiel de production et de pseudo-décisions, qu’en plus je suis complètement d’accord avec eux, je ferme les yeux et je pense à Gary, je vois alors des éléphants en train de courir, j’aperçois un équilibriste en train de jongler avec une infinité de balles, je m’en remets à la toute puissance de l’imagination et de la création.

Et je dis que non, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d’avancer l’âge où on fait d’un enfant, paumé ou pas, un super citoyen, une personne responsable, avec tous les dégâts collatéraux imputables à ce terme puant de culpabilisation implicite.

Qu’on arrête de nous demander, de plus en plus tôt, d’assumer les méfaits de la croissance et du développement, saupoudrés de durabilité ou pas.

Je refuserai toujours d’être réduit à un cahier des charges ou à un code-civil, il en va d’une idée de l’Homme chantée par des personnes que j’aime. Authentiquement.

Libellés :

mardi, mai 08, 2007

L'objectivité? Lorsque la domination se déguise en science

Celui qui devait arrimer arrima, le bateau hexagonal s’embarque donc en eaux sarkoziennes pour de bon, ou de mauvais, les semaines nous le diront.

J’aimerais juste revenir sur quelque chose qui m’a frappé cette semaine en écoutant différentes personnes ayant apparemment suivi ces présidentielles avec plus d’intérêt que moi.

Tout a commencé mercredi soir, loin de moi l’idée de regarder le tant attendu duel, et voilà qu’en plus il y avait un autre match, avec un ballon, qui s’annonçait autrement plus palpitant.

Je ne reviendrai pas sur la démonstration footballistique proposée par une des deux équipes sur le terrain, mais sur les propos rapportés un peu plus tard par une copine qui avait préféré assister au débat télévisé.

Selon elle, après la piètre prestation de Ségolène, à qui elle reprochait notamment d’avoir sans cesse coupé la parole à Sarkozy, les personnes qui hésitaient encore allaient sans doute opter pour le candidat UMP.

Le lendemain, la plupart des journaux que j’ai consultés estimaient quant à eux que Ségo avait, hormis quelques « bourdes », « remporté » les joutes orales.

Le soir du même jour, à l’entraînement, un de mes coéquipiers m’a dit qu’il a trouvé que Sarko avait joué juste lorsqu’il a dit à Ségo, après qu’elle ait exposé son point de vue sur un sujet dont il ne se rappelait plus : « Je n’ai rien compris à ce que vous avez dit ! ». D’après mon copain, Sarko avait magnifiquement résumé ce que devaient penser la plupart des téléspectateurs.

Hier soir, alors que je mangeais avec mon petit frère et ma petite sœur, leur maman, qui discutait avec ma grande sœur, a dit qu’elle était certaine que Ségo n’allait pas gagner et qu’elle n’était pas compétente, puisque c’était la première fois qu’elle comprenait un politicien, en l’occurrence une politicienne, lorsqu’elle parlait à la télé.

Je vous laisse conclure ce que vous voulez de ces contradictions, l’important, pour moi, c’est de les relever, cela plaide contre les poings tapés fort sur une table.

Je suis en train de rentrer de Lausanne, je suis allé voir Philippe Forrest, un moment, il a dit quelque chose qui m’a beaucoup plu : la littérature est morale et politique en ce qu’elle rend compte de la singularité de chaque être.

J’aime cette façon de considérer le pouvoir, le fait de gouverner, comme une attention qui devrait être portée à chacun individuellement.

C’est beau, juste et absolument impossible.

Libellés :

dimanche, mai 06, 2007

La lucidité, arme de déstructuration massive

Un monde insupportable. Il convient donc de vivre dans un monde insupportable où les gens meurent et ne sont pas heureux. Une vérité toute simple et toute claire, un peu bête même. Mais tellement difficile à découvrir et vous revêtant alors d’un poids insurmontable.

Voilà ce qu’assènent Charles Berling et Camus qui viennent d’entrer en scène.

Trois jours et trois nuits. Caligula s’en était allé, trois jours et trois nuits, il avait décidé de disparaître. Sa sœur, qu’il aimait à la folie, est morte. Lui pas, il se sent même, dans cette souffrance, plus vivant que jamais. A quoi cela rime-t-il ?

A rien, évidemment, comme tout. A tout, cela va de soi, comme de rien.

Il faut quelque chose qui se situe hors du monde pour continuer de respirer. La lune, le bonheur ou l’immortalité. Le bonheur ne mérite donc pas plus que ça, une petite place entre l’astre triste et la vie éternelle. Pas plus que ça ? Mais c’est déjà énorme ! Oui, mais c’est surtout ailleurs. Loin, très loin.

Encore Charles Berling et Camus, qui nous mettent la tête sous l’eau, en face de cette absurdité que nous essayons de voiler à grand recours de sécurité illusoire.

L’argent. La seule valeur communément admise, misérablement partagée, placée au sommet des préoccupations du pouvoir. Bien plus haut que la vie. Puisque tel est le cas, allons au bout de cette logique calfeutrée, avec fracas, calquons cette calamité sur nos bien minces certitudes.

Le seul être véritablement libre est le condamné mort, pour qui tout se vaut, tout se vautre. Caligula veut rendre leur liberté à tous ses sujets, il décide donc de faire d’eux des condamnés à mort en puissance, des êtres à la merci de critères totalement arbitraires. Des insectes dont la disparition aura au moins le mérite d’enrichir l’empereur.

On assiste comme cela, en apnée, pendant plus de deux heures, à la dissection de ce monde de cadavres.

Caligula espère la révolte jusqu’au bout, veut croire qu’une rébellion le consolant un peu va prendre place pour chasser la résignation, le libérant de ce poids de passé et d’avenir qui nous accompagne partout. Ne nous laissant jamais seul.

Charles Berling et Camus, à nouveau, pour un renouveau, pour que le théâtre soit habillé de ces plus beaux habits, ceux que l’on décide de brûler pour marquer son refus, ceux qui nous rappellent à quel point la vie, bien plus que par des hochements de tête dociles, se construit autour de refus.

Je me demande souvent ce qui permet d’actualiser une pensée, d’ouvrir vraiment les yeux sur les aberrations qui nous entourent, de prendre ces sentiers sinueux qui sont à une enjambée, une toute petite enjambée, qui sont marqués d’un NON bienvenu, d’un NON qui peut mettre hors cadre sans mettre hors jeu.

Qu’est-ce qui, malgré tout, nous donne la force de sourire, puisqu’il convient d’imaginer Sisyphe heureux ?

Cette pièce a tout pour être un début de réponse si elle n’est pas considérée comme une simple distraction du samedi soir portée par une critique favorable, mais que, en lieu et place de « l’endroit où il faut être », elle devient, véritablement, l’interprétation de « l’envers où il ne faut pas être ».

Libellés :

samedi, mai 05, 2007

Dans le train, les rares moments où je ne lis pas et où je ne regarde pas le paysage, je tente discrètement, pas toujours, de voir ce que les personnes qui m’entourent lisent.

« Pourquoi les chiens aboient-ils ? »

Je m’en allais pour un passage éclair au Salon du Livre, je voyageais avec Pierre, heureux hasard, la personne à côté de moi était plongée dans un magazine.

« Pourquoi les chiens aboient-ils ? »

C’était le titre de l’article par quoi elle semblait absorbée.

En avance sur l’ouverture des portes, je m’en suis allé boire un renversé au Pessoa, café littéraire fort sympathique situé à proximité de la gare. Ses murs sont couverts de citations dans différentes langues.

« Ignorer que nous vivons remplit assez notre vie »

Voilà qui, esprit tordu, me faisait penser au titre de cet article qui n’allait avoir de cesse de me poursuivre toute la journée.

Un peu plus tard, dans le bus, je m’en allais tranquillement à Palexpo. Comme deux jours plus tôt au Bar Tabac, je n’arrivais pas à lire, affligé par les inepties débitées le plus fort possible par la dame assise tout près. Monte alors une bonne sœur qui connaît la madame en question, cette dernière s’empresse de la présenter à sa voisine qui avait le privilège d’être la destinataire principale du flot d’âneries déversé allégrement :

« Voici sœur Claudia, qui m’a formée pendant trois mois. »

« Déformée » répond sœur Claudia, « Déformée ».

Je me lève, lui embrasse le front, puis sors gaiement.

« Pourquoi les chiens aboient-ils ? »

Je me dirige au stand du « Temps », parcours le journal, y apprends avec bonheur que, au Venezuela, existe « el sistema », un système (non ?!?) d’éducation musicale qui vise à intégrer les jeunes (90% sont issus de milieux défavorisés) dans des orchestres le plus tôt possible (125 sont ainsi nés de l’idée que la musique peut servir de ciment social).

J’espère que Sarko et Ségo ont lu le journal ce jour-là, eux dont les mentions de la culture sont aussi nombreuses que les roses dans le jardin de ma grand-mère en hiver.

J’y ai aussi appris que Philippe Forrest, dont j’avais adoré « Sarinagara », sera à Lausanne lundi à 19h, du coup moi aussi, pour parler de son dernier livre « Tous les enfants sauf un », un essai dans quoi il est question de « l’extraordinaire immobilité du chagrin » et de « l’effarement inaltéré devant la vérité ».

Deux formulations qui me donnent des frissons et me rappellent pourquoi j’aime tant sa plume.

« Pourquoi les chiens aboient-ils ? »

Je suis ensuite passé vers Pierre, qui tenait un stand, j’y ai acheté, sur ses conseils avisés, « Dissidence de la broussaille » de Rodolphe Christin, il y est question, notamment, de « risquer une réflexion buissonnière contre les calculs de l’époque ; esquisser une poétique de l’être au monde, en résistance ».

Vous aurez compris que je me suis tout de suite senti en bonne compagnie.

« Pourquoi les chiens aboient-ils ? »

Avant de rentrer, j’ai assisté, captivé, à une discussion sur le VIH.

Il paraît que certains africains « infectés » sont persuadés que d’avoir une relation sexuelle avec une vierge peut les guérir.

Je crois que je sais pourquoi les chiens aboient.

Libellés :