katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, décembre 23, 2010

mettre en suspension la phrase de notre vie









Au bout du couloir se trouvait un type qui buvait une bière en me regardant de travers, c'en était d'autant plus troublant qu'il semblait vêtu d'un maillot d'arbitre; à côté de moi, deux filles qui avaient eu mille péripéties aéroportuaires avant de s'en remettre au rail; sur mes genoux, un petit bouquin d'Unamuno.


Le train était arrêté pour un incident technique, ça allait prendre près de deux heures.


A la gare, j'avais aperçu un distributeur de bouquins; une manière d'encourager à lire? Non, non, bien mieux, un appel à la diversité, un chant d'amour à la curiosité! Les livres qui sont déjà chez tout le monde encore plus à portée de main; je battais les miennes d'allégresse.


Carton jaune.


Verdict du gars à l'oeil sombre, il en avait soupé de mes sarcasmes.


Le livre que je lisais avait été en partie écrit en 1927, à Hendaye, notre terminus. Temps et espace s'apostrophaient, presque se télescopaient; j'étais content, content comme copain.


Pardon?!?


Non, non, laissez, il m'arrive de divaguer.


Dans les pages en question, s'esquissait un personnage pris dans un terrible tourment; il lit un livre dans lequel on lui apprend qu'il va mourir une fois la dernière page tournée.


Alors continuer de lire, ou pas? Cacher cet objet inquiétant et tout capitaliser sur une retraite hypothétique, sur un gain à la loterie; ou tourner des pages frémissantes et donner de l'ampleur à sa vie, aussi courte puisse-t-elle être?


Goncalo M. Tavares dit que la lecture lui semble un moyen d'acquérir des grammes de lucidité, en ayant l'espoir impossible de peser un jour son propre poids de lucidité. Il s'empresse d'ajouter qu'être lucide, ce n'est pas comprendre plus clairement le monde, c'est même précisément le contraire.


Ben mon vieux, y a des tordus.


J'ai bien peur d'en être.


Complètement «de bizingue», les gaillards; mais bon, être de « traviole », ça fait valser la vie.


Un baron de mes amis dirait « j'sais pas comment te l'dire autrement qu'en te l'disant. »


On y est, je ne sais pas comment vous l'écrire autrement qu'en l'écrivant.


Alors je le répète:


Être de traviole, ça fait valser la vie.


Et ça vous invite des raviolis sur la page, parce que c'est ce que me propose mon correcteur orthographique; c'est-y pas mirifique?!?




« La Grange à Fleurs ». L'enseigne était pour le moins défraîchie, mais bien lancé dans mes déambulations paloises, c'est ce genre d'endroits « de bizingue » (là l'ordi me sert « bilingue »; moins funky), on y revient, que je cherchais. Je vais voir derrière. Pas vraiment un squat, mais apparemment certains doivent profiter des lieux pour passer la nuit sous un toit, parfois.


Sur une table, « Le bruit et la fureur » de Faulkner. Comme l'impression que c'est un livre qui ne sera jamais dans aucun distributeur.


Mais chez Chilperic bouquiniste, oui. Un endroit sensationnel, des bouquins partout; « j'essaye d'en mettre pour tous les goûts » m'a dit le monsieur grâce à qui existe encore ce genre de parenthèse.


Une parenthèse, absolument, qui s'ouvre pour permettre de préciser ce qui vient d'être énoncé, une mise en suspension de la phrase de notre vie; parfois il faut relire ce qui se situe avant la parenthèse, pour comprendre, ou pour reprendre; les parenthèses, c'est se rappeler qu'il convient toujours d'interroger notre relation à l'espace et au temps.


« A cinquante ans, je tente de revenir à Stendhal dont le lycée m'avait dégoûté; là je viens de me faire tout Aristophane; mais bon, il y aura toujours plus de choses que l'on n'a pas lues que l'inverse. Tant mieux. »


Yeah my man.


Yeah my man.


J'ai pensé la même chose quand j'ai serré la pogne de Manouche, qui nous faisait visiter la communauté Emmaüs Lescar-Pau. Un de ces gars qu'on peut juste écouter et regarder; il a une bonne partie de sa vie marquée sur le visage. Une gueule ravagée, mais qui montre que la dignité, les combats pour son affirmation, ça se passe loin des crèmes anti-rides. Manouche, un mec qui en a bavé, grave, puis que l'abbé Pierre a sauvé; on ne peut pas le dire autrement.


Abstinent depuis 13 ans, mais toujours alcoolique, « parce qu'on le reste toute sa vie, c'est moi qui vous le dis. » Il a de grosses opérations qui l'attendent, au début de l'année prochaine, parce qu'il s'est joliment flingué pendant des années. S'il en sort sur des deux pieds, il va monter une association pour parler haut et fort des ravages de l'alcool, « ce business qu'on questionne seulement à mi-voix, vu qu'il rapporte aux caisses de l'état ».


Bon, le mot de la fin à Unamuno, dans ce « Comment se fait un roman » qu'Allia ressort de judicieuse manière:


« Et quand je dis que je suis ici pour m'éclairer, avec cette première personne, je ne veux pas me référer, lecteur, à mon seul moi, mais aussi à ton moi, à nos moi-s. Car nous et moi-s, ce n'est pas la même chose. »




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vendredi, décembre 17, 2010

en toutes commodités








Il m'avait intrigué pendant les trois mois où je vivais tout près de lui; ao pé de, au pied de, on dit, en portugais. Il était à une cinquantaine de mètres, mais encore s'agissait-il de se le mettre ailleurs, le pied, pour se secouer. D'autant plus que je ne savais pas qu'on pouvait le visiter, et qu'il y a encore des barrières helvétiques qui se dressent souvent devant mes audaces. Je savais que Lobo Antunes y avait travaillé; qu'il continuait d'y aller, parfois, pour écrire.


Dans une journée imaginaire, souvent fantasmée, je croise successivement, lors de mes déambulations lisboètes: Tabucchi, Lobo Antunes, puis Peixoto. Ce que je leur dis? Vous savez où sont les toilettes?!? C'est que j'ai la vessie d'une toute petite souris.


Là, pas besoin de les rêver, Léïla et Aude étaient motivées pour qu'on s'invite dans cet endroit, qui est désormais, je l'ai appris il y a peu, un des lieux internationalement reconnus au niveau de l'art brut. Presque personne n'y va. Il est ouvert une dizaine d'heures dans la semaine.


A peine étions-nous arrivés que le directeur, en costume bien trop soigné à mon goût, nous sautait dessus pour nous montrer les pièces d'exception. Elles se résument en fait à pas grand chose, à savoir deux gribouillis, considérés comme précurseurs de l' "expressionnisme abstrait", et à deux photos de malades, prises en 1914; elles sont « pré-surréalistes », nous a-t-il dit, la langue pendante.


Ah ?!? Merci beaucoup. Vous savez où sont les toilettes?!?


Dans l'hôpital Miguel Bombarda, il y a aussi eu un des premiers exemples de lieu carcéral construit sur le modèle panoptique, c'était à la moitié du XIXème siècle; il est question d'une tour centrale permettant à la personne qui s'y trouve d'observer les cellules individuelles situées autour de lui. Foucault a repris ce modèle pour ses écrits sur la folie, dans les années 70, puis différents philosophes ont parlé de ce qui pourrait découler d'un tel procédé, à une plus large échelle.


Aujourd'hui, il y a une échelle dans les toilettes de Rubens et Maria; et surtout il y a Facebook, un endroit où tout le monde peut vous indiquer les toilettes, et vous regarder quand vous vous y soulagez.


Dans la cour du pavillon de sécurité de l'hôpital Miguel Bombarda, la tour n'a été fonctionnelle que quelques années; précisément parce qu'elle ne l'était pas tant que ça, fonctionnelle. Alors que sur Fesse/book, on se tend du papier de tous les côtés. La solidarité des WC, ça s'appelle.


Vous avez combien d'amis de PQ?!?


Vous m'avez eu connu plus poétique, je vous l'accorde. Je crois que ce sont les dernières pages de « La bascule du souffle » qui me rendent encore plus acerbe avec la sociabilité du tout et surtout du n'importe quoi. En le lisant, j'avais cet indispensable vieux con qu'est Foglia, en tête, presque tout le temps. C'est sans doute pour ça que je suis un peu sur le même tempo que lui, aujourd'hui.


Je sais qu'il arrive que des personnes lisent la dernière page d'un livre, avant de l'acheter; je me garderai de qualifier cette pratique, mais je vous en sers volontiers le dernier paragraphe, et je vous invite prestement à offrir Herta Müller, ce Noël. Cela rendra le sapin un chouilla moins benêt.


« Un jour, sous ma table en formica blanc, j'ai vu un raisin sec poussiéreux, et j'ai dansé avec, puis je l'ai mangé. Et en moi il y a eu comme un lointain. »


Ce roman ne demande pas où sont les toilettes, il montre les toilettes en chacun de nous; avec une écriture d'une incandescente beauté.


Hier, alors que nous allions aux Tapadas das Necessidades, nous avons croisé une camionnette décapante. C'est la cas de le dire, puisque son crédo est le combat contre les graffitis; leur effacement, donc, mais ils font aussi dans la prévention. Il semblerait qu'ils aient un enduit spécial pour protéger les murs.


Cette entreprise, ayant comme but le confort de certains citoyens et la transformation de Lisbonne en ville « carte postale », m'a fait penser à une caricature de Barrigue sur laquelle on voyait Poutine et Bush fils, côte à côte.


Le texte? L'un disait: « Nous allons chasser les terroristes jusque dans les chiottes. » L'autre répondait, tout guilleret: « Nous partageons les mêmes valeurs. »


Me vient aussi à l'esprit un slogan des fausses manifestations de droite, organisée en France lorsque le gouvernement a décidé que la vie d'intermittents du spectacle était vraiment trop facile:


« On veut des banques, pas des saltimbanques. »


Sur sa cuvette, avec force lavettes, sans faire de miettes, on aurait vraiment une vie super chouette.


Bon, je vais aller manger des châtaignes, une façon pas comme une autre d'aimer la musaraigne. Marie m'a envoyé la définition qu'elle a trouvée, sur le net, pour cette bêbête déguisée en colinette:


Une énervée inoffensive, dont le cœur bat à 2 000 à l'heure.


Aujourd'hui, c'est moi qui l'dit qui l'est.


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mercredi, décembre 15, 2010

des pensées qui tremblent





Il y en a de toutes sortes, certains extrêmement soignés, d'autres qui semblent plutôt avoir été crachés, juste quelques traits sur un mur pour laisser sa marque quelque part.


Il y en a qui hurlent, d'autres qui sifflotent.


J'ai entendu un enfant demander à son père, qui lui avait expliqué qu'il s'agissait de graffitis, s'ils étaient dessinés par des artistes.


Euh. Eh ben c'est à dire. Euh.


Sa difficulté à répondre s'est perdue dans les pas qui nous éloignaient.


Artistes, oui; « artiviste » se revendique JR, roi pour magnifier de grandes façades de manière éphémère.


Loin des galeries, refusant de s'acoquiner avec ceux qui sont juge et partie, il y a, dans ces dessins rythmant le décor urbain, une fraîcheur qui ravigote, un besoin de donner à voir la petite popote née parfois d'un défi entre potes.


Je pourrais écrire cela, au coin d'une rue:


« Je ne cherche que des pensées qui tremblent. Il y a une rougeur qui appartient à l'intérieur de l'âme.


Je l'ai piqué, du bout des doigt, dans « Les ombres errantes » de Pascal Quignard; elles étaient tranquillement étendues sur le sol, elles m'invitaient.


« La main qui écrit est comme la main qui affole la tempête. Il faut jeter la cargaison à la mer quand la barque coule. »


J'y suis retourné voir quelques minutes, me replongeant dans certains passages, au hasard de la cadence de mes doigts sur les pages.


Le Goncourt a été délivré à ce livre fascinant, en 2002. Une année remarquable qui avait non seulement permis au Brésil de brandir à nouveau la coupe du Monde, clôturant une édition qui avait vu la Turquie et la Corée apporter une touche de folie aux joutes footballistiques; mais une année qui avait surtout permis à l'œuvre d'Imre Kertész d'avoir le retentissement qu'elle mérite.


J'y pense ce matin après que le discours de Vargas Losa a fini par choir dans mon bol, dépité que j'étais. Je n'ai pas réussi à en lire la moitié.


Ce n'est pas, comme le prétend le titre, un éloge de la lecture et de la fiction, mais bien une apologie du libéralisme et de sa propre personne.


Cela ne passe pas de lire un texte comme ça alors qu'il y a un mois je terminais « L'impunité des bourreaux » de Carlos Liscano.


Pour faire plaisir au nouveau Prix Nobel, à ce grand amoureux de la démocratie quand elle rime avec vigueur de l'économie, je vais le mettre dans la poubelle de Max. Comme le sac est deux fois trop grand, on dirait qu'elle a mis une burqa. Entre personnes qui ont des œillères, ils devraient s'entendre.


2002: Quignard et Kertész.


2010: Houelle-beurtch et Vargas Glosa.


Heureusement que l'Espagne a été sacrée sur un but d'Iniesta, ceci rattrape en partie cela.


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jeudi, décembre 09, 2010

le temps se mord les yeux





Empêtré. Sept lettres. Pas mieux.


Peut-être même « empêché ».


Sept lettres aussi.


C'est assez perturbant, cette sensation que l'atmosphère vous enserre entre ses griffes, que les nuages complotent contre votre glotte. Parce que c'est vraiment ça, la sensation que la lourdeur ambiante, petit à petit, se glisse dans votre gorge; imprègne votre corps et vos jambes.


J'étais dans cet état, enfin plutôt dans cet étau, quand je suis allé courir, lundi.


Longtemps que je n'avais pas ressenti aussi clairement ce que Brel veut dire quand il parle d'un « ciel si gris qu'un canal s'est pendu. » Là c'était carrément l'embouchure d'un fleuve qui semblait sur le point de se passer une corde autour du cou; et par la même occasion de mes chevilles, histoire qu'on trépasse entre vieux potes.


Il faisait lourd, ça sentait l'orage; c'était l'écriture qui permettrait de prendre le large.


Ou la lecture.




C'est fascinant quand le temps se mord les yeux.


Je m'explique.


Ce matin, j'ai écrit les lignes qui précèdent, puis j'ai éteint mon ordinateur, je suis sorti un moment. En rentrant, j'ai grignoté et bu beaucoup de café, assis avec le dernier livre traduit d'Herta Müller.


Après quelques pages, c'était le grondement de l'orage du début de semaine qui m'engloutissait à nouveau:


« J'ai des lourdeurs d'estomac qui me remontent jusqu'au palais. La bascule du souffle est chamboulée, je suis hors d'haleine. »


Ces lignes, me traversant, c'était le temps qui se mordait les yeux.


Une de mes petites sœurs est arrivée à Lisbonne, il y a deux jours. Ça la grattouillait de partout, elle se demandait si elle n'avait pas des poux.


Ce matin, Herta Müller m'a présenté le verbe « épouiller », qui n'avait pas encore eu la bonne idée de s'inscrire dans mon vocabulaire.


De « dépouiller » à « épouiller », il y a un « d » qui tombe, ainsi que, si l'on a le peigne adéquat, des petites bestioles désagréables.


J'ai pensé à la musaraigne, à son rire quand je lui avais suggéré d'énucléer les olives. C'est vrai que j'aime bien emberlificoté la parole, lui mettre des habits trop grands pour elle, voir à quoi elle ressemble si on lui propose un nœud papillon.


Le temps qui se mord les yeux, et en profite du coup pour vous souffler dans les oreilles, c'est souvent ce qui arrive quand humer des pages n'est pas de l'ordre de la distraction, mais de l'inévitable attraction.


Parfois des lignes, venues d'un autre siècle, vous sauvent; parfois certaines phrases, que vous peinez à fixer, révèleront leurs secrets plus tard.


Ces derniers temps, j'ai beaucoup écouté Brad Mehldau et Joshua Redman, deux musiciens que Rubens adore.


A présent, j'écoute le « Köln Konzert » de Keith Jarrett, et je me dis que j'aimerais que mon écriture ressemble à ça. Un instrument déroulant des notes qui s'appellent, se répondent; qui s'apaisent et s'affolent; puis, parfois, la voix de celui qui joue s'invite dans la transe, ronronnant l'intensité en train de se déployer.





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samedi, décembre 04, 2010

devenir sanglot silencieux






« « Mais qui es-tu, toi? » demanda-t-elle.


Question simple. Cinq mots enchaînés et nus, proférés sur un ton candide. Cinq mots. »


De la poussière de neige scintillante, virevoltante, accueillait la frimousse du soleil; l'air, dans ce lieu étrange où des bus et des gens se prêtaient à une chorégraphie maladroite et fatiguée, me remémorait les paillettes que Céline, mercredi, avait dispersées sur ses fossettes.


Elle a animé une belle rencontre avec Martin Page, ce dernier ayant démontré, fidèle à un des aspects qui me plaît dans ses livres, une remarquable envie de faire découvrir les œuvres de personnes qui comptent pour lui, de remercier les êtres qui cheminent à ses côtés.


Un texte qui me chavire particulièrement, ici.


J'ai aimé aussi son emportement lorsqu'il est question de comportements dans lesquels s'impose un rapport de force. La hiérarchie n'a pas les faveurs de sa cote. C'est aussi pour cela que, ainsi que Romain Gary dont il a été beaucoup question, il se tient loin de toute coterie.


« « Mais qui es-tu, toi? » demanda-t-elle.


Question simple. Cinq mots enchaînés et nus, proférés sur un ton candide. Cinq mots. »


Sur la route, j'ai lu « et maintenant dansez » d'Andrès Barba. Quand je suis tombé sur cette "question simple", les émissions à propos de Gary, visionnées le soir précédent, me sont revenues avec force.


Quand on le voit, il est la plupart du temps caché vulgairement derrière son cigare. Les images nous le montrent en train de s'accrocher au déguisement lui permettant de jouer les rôles qui lui collaient à la peau; ceux choisis par sa maman et ceux déterminés par les personnes qui, sans le lire, n'ont eu de cesse de le démolir.


Même quand il rit, c'est une détresse, terrible, qui surgit.


Jean Seberg, resplendissante, dit que pour ce qui est de son mari, elle trouve qu'elle a bien choisi; elle n'en revient pas de l'enfant qui est sans cesse en lui; à ses côtés, elle se sent plus vieille.


Dans « Chien blanc », Gary écrit exactement le contraire.


Les deux affirmations son exactes; sa vie, ses vies, se résument à cette oscillation permanente.


L'imagination longtemps le sauvant des attaques à mains armées d'une lucidité désespérée.


Profondément dépressif, il a écrit « Pour Sganarelle », une « recherche d'un personnage et d'un roman » qui est une ode à la création et à la jouissance.


Jean Seberg, encore:


« Toujours, en lui, ce questionnement: Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? »


Quand Paul Pavlovitch intervient, mon regard se brouille, je deviens sanglot silencieux.


Pourquoi?


Pourquoi?


Pourquoi?


« « Mais qui es-tu, toi? » demanda-t-elle.


Question simple. Cinq mots enchaînés et nus, proférés sur un ton candide. Cinq mots. »


A Salamanque, j'ai commandé un café et un ice-tea.


Le serveur m'a apporté un café et un whisky.


Gary, c'est un peu ça sa vie.

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mercredi, décembre 01, 2010

une dégaine impayable


Les arbres esseulés m'en ont toujours imposé, alors en plus avec les Pyrénées pour les chapeauter. J'aime particulièrement quand ils sont effeuillés. C'est le cas parfois même hors saison, il y en a qui ne s'habillent pas de l'année; comme un pied de nez aux bonnes manières.


Un pied de nez. Le Barça en a fait tout une série aux hommes de Mourinho. Une telle démonstration de foot, quand on a l'occasion de la voir, on sait assez vite qu'on assiste à un petit moment d'Histoire. La minute qui précède le second goal n'est pas digne d'un manuel, elle est un manuel. Il y a tout, dans ce(s) mouvement(s).


Après un tel festival, en sortant du pub avec Thomas, malgré la nuit, on voyait l'imposante chaîne de montagne, au loin; c'était la pleine lune et un défilé d'étoiles filantes dans nos yeux de gosses.


Je savais que d'autres potes avaient vibré dans le même temps, je sentais leurs mains sur mes épaules.


J'aime quand ce jeu sait être beaucoup plus qu'un jeu, quand ce n'est plus l'argent qui se compte par millions, mais les exclamations béates.


« Vous allez être déçu, c'est tellement triste Pau. »


J'avais pourtant été accueilli ainsi, dans l'après-midi, par un bistrotier complètement désabusé qui se demandait quelle idée j'avais de venir ici. Deux vitrines plus loin, « Pau se meurt » inscrit chez un commerçant qui doit sans doute boire l'apéro avec mon ami déconfit. Il y en a d'autres, de ces annotations sombrement péremptoires.


En face, un grand parc, avec un panneau immense et lugubre à l'entrée. La première phrase de cette mise en garde: Il est interdit de toucher aux arbres.


Ben mon vieux, ça rigole par ici.



Il en fallait plus que cette entame laborieuse pour me décourager, je suis donc allé du château – où j'ai constaté une nouvelle fois qu'il y a une chose qui m'énerve autant que de ne pas réussir à décrypter ce qu'une personne lit: ne pas reconnaître un maillot de foot. J'ai de ces faiblesses. - au gave de Pau, rien de tel qu'un cours d'eau pour me redonner le sourire. En fait si: l'imprimerie papèterie de la Monnaie. J'y suis entré pour humer l'odeur et entendre les machines, le type qui bossait me l'a dit, être moribond, c'est un état d'esprit; donc le refuser aussi.


(Je ne crois pas vous avoir dit que la doyenne de Fontbelle, à qui je n'avais pas été en mesure d'écrire depuis bien longtemps puisque j'avais oublié son adresse chez Maud et Pablo, a répondu chez Max à la missive envoyée dès que j'ai pu; elle m'a dit qu'elle se souvenait très bien du « vaillant marcheur ». A plus de cent ans, elle envisage gentiment d'entrer en maison de retraite si cela s'avère vraiment nécessaire.


Respect. Robustesse.)


D'autres instantanées palois ont équilibré la balance de mon entrée vacillante: La Tor de Borrèu -malheureusement fermée quand je suis passé -; la tête qu'un chien avait posée sur l'épaule de son maître pour faire la sieste; un type à vélo avec une dégaine impayable; la patronne d'un bistrot dotée d'une énergie commutative.


Aussi la citation de François Augiéras, qui est en exergue du texte que Joël Vernet lui consacre (« L'ermite et le vagabnd » »). Elle me semble un parfait point final à ce déblogage.


« Ma plus belle œuvre d'art, serait-ce ma vie? Ce que j'ai vécu, voilà surtout ce qui m'importe. C'est aussi la meilleure manière de s'élever contre les hommes. Pouvoir leur dire un jour: Je me suis emparé d'une puissante part de la réalité, de la façon que je voulais, pour moi seul, sans vous demander votre avis, ni votre permission, loin de vous, malgré vous, sans vous, pas en rêve, pas en art, mais au cœur même du réel; voilà ce qui, peut-être, à la fin de ce siècle, quand on fera le bilan, pèsera le plus lourd. »







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