katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, mai 29, 2008

Une photogénie démodée


"Je l'aimais profondément et je l'aimais pour tout ce que je détestais en lui, tout ce qui me l'a fait perdre. C'est un curieux paradoxe: aimer un homme pour tout ce qu'on voudrait changer en lui. Il avait une âme trop photogénique. C'est maintenant une photogénie démodée."

Romain Gary, Les clowns lyriques

lundi, mai 26, 2008

Errer dans une terre morte

Et la pluie arriva, on aurait pu penser à une petite averse de printemps, il n’en fût rien, ou plutôt : il en fût bien plus. Lourdes et chaudes gouttes sous quoi je m’empressai d’aller courir, toujours à l’affût de ces moments d’éternité où je me réconcilie entièrement avec l’enfance. Mieux, je lui offre des ailes, me permettant certaines choses qu’aucune adulte présence ne peut plus tancer de sa voix « responsable ».

Responsable ? Une expression un peu triviale me monte alors à la tête : pis mon cul c’est du poulet ?!?


A la question de savoir si j’ambitionne d’écrire pour être lu ou pour être compris, je ne saurai rien répondre d’autre que : je n’ai pas d’ambition. Situation, ou précisément absence de situation, qui m’a souvent valu quelques railleries. Par exemple lorsque l’on apprend l’assiduité avec quoi je pratique la course à pied, simplement pour moi, sans envie de me frotter aux troupeaux qui compétitionnent un peu partout.

Se dessaisir, une fois de plus, pour mieux s’asseoir sur les conventions, pour mieux dégager les opinions d’une certaine stagnation cérébrale. La pourriture des cerveaux a donné des champignons nauséabonds avec quoi il faut composer aujourd’hui, même s’ils rongent tant et tant d’âmes. J’essaye de vivre en poésie pour donner le change, marquant le refus du règne des nantis, qui flaire bien trop le ranci.


Samedi soir, nous sommes arrivés à Côme avec Béatrice, accompagnés par l’ambiance festive de la ville. Musique et parades. Renseignement pris, il s’agissait de manifester la joie de certains après que Berlusconi a fait accepter le projet visant à ce que figure dans les lois « le délit d’immigration clandestine ». C’était alors, malgré le cadre merveilleux, comme un goût de sang dans nos bouches. Nous ne voulions en aucun cas être assimilés à ceux qui ont pour seul horizon la cristallisation des peurs et des rancunes.

Nancy Huston, dans son dernier essai intitulé « L’espèce fabulatrice », donne cette définition de ce qu’elle appelle l’Arché-texte de l’espèce humaine : « Tu es des nôtres. Les autres, c’est l’ennemi. ». Elle mentionne alors combien le roman nous ouvre la porte d’une certaine « éthique de la nuance », nous rappelant qu’être dans sa peau peut/doit aussi vouloir dire être dans celle des autres. Elle aime beaucoup Romain Gary, faut-il le préciser ?!?


La question de la mendicité pointe le bout de son nez dans les journaux suisses parce que Genève a rendu cette pratique illégale. Nicolas Deiss, le préfet de la Sarine, rappelle que, à Fribourg, c’est le cas depuis longtemps. « L’interdiction a le mérite de la clarté » ajoute-t-il.

(In)sécurité et pouvoir d’achat, d’aucuns conseillent de tourner dix fois la langue dans la bouche avant de parler, je ne peux m’empêcher de cracher six fois par terre après avoir prononcé ces mots. Mais une certaine âcreté persiste, signe que l’indignation s’accroche ; les nôtres ne changent jamais l’eau de leur bain.


Mes propos, ce matin, sont décousus. Ainsi en va-t-il de mes pensées qui, prises dans un de ces grands filets de pêche qui gobent et ratissent tout sur leur passage, sont obligées de se faufiler comme elles peuvent entre les mailles. Quelques unes parviennent à s’en sortir, les autres gonflent un peu plus la masse des cadavres s'en allant orner les assiettes d’épouvantails peu scrupuleux.


Dans une terre saine, bien plus précieuse que les terres saintes, peuvent se mouvoir des tonnes de vers de terre. Aujourd’hui, dans bien des sols, en creusant longtemps, on trouve, si on de la chance, quelques lombrics perdus. Ils ont oublié de disparaître, probablement parce qu’ils ont un petit côté rêveur, ou révolutionnaire.

Quand j’étais petit, le premier métier que je voulais faire, bien avant footballeur ou journaliste, était « vétérinaire pour les vers de terre ». Peut-être avais-je déjà senti que, quelques années plus tard, écrire, vraiment vouloir écrire, avec le refus de l’insipide que cela signifie à mes yeux, ressemblerait à ça, errer dans une terre morte.

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samedi, mai 17, 2008

Et l'intime sera ma profession

« Je détournerai les événements dans les gouttes d’encre. Et leur sens changera. Et l’intime sera ma profession. »

J’entends malgré moi les rumeurs du monde, celles crachées sur le papier des quotidiens gratuits et des magazines à sensation, du papier sale qui semble n’avoir d’autre but que de boire jusqu’à la dernière goutte les flaques de questionnements salutaires où risquer ses pas sans bottes.

Des minuscules océans qui ondulent pourtant encore si l’on prend le temps d’y lancer un caillou de doutes, si l’on regarde s’y déposer une feuille frissonnant de nuances.

Me ferai-je un jour à l’importance que prend le grand Rien dans ce monde fascinant qui ne demande pourtant qu’à palpiter dans la paume ?!?

Ne pas craindre de déposer les coussinets qui se cachent dans nos mains sur le côté gauche des visages que nous croisons, nous muant ainsi en une fratrie de chats câlins, armée de tendresse, désarmante de faiblesse.

« Et l’étrange instant de vie si recherchée par les hommes de risque et d’aventure sera peut-être ma banalité quotidienne si je suis assez fort pour rester lucide. »

Je remontais chez moi alors que la nuit avait fait son entrée en scène depuis peu, j’offrais avec délectation ma tête à la légère pluie qui prétendait me faire presser le pas. Je jetais un œil inattentif à l’intérieur des cafés d’où montait un brouhaha fatigué.

Des lèvres de solitude dessinaient étoiles et points d’interrogation à la jonction de ma nuque et de mon épaule, celle qui mène aux doigts qui étreignent le stylo ; écrire pour atténuer la charge, pour atteler ce char qui, ne sachant où il va, ne se perd jamais.

D’où viennent ces pépiements, se détachant à l’aube, qui m’enjoignent de toujours sonder l’insondable ?

« Mais ce cristal et cette cendre ? des mots que l’on a pas prononcés gardent en nous un pouvoir absolu. »

Ma force ? Avoir la certitude que, lorsque le ruisseau d’encre de mes divagations indignées rejoint la rivière soyeuse de mes sourires aimants, les barrages oublient leur nom avant de s’effacer en s’excusant.

« Une petite écriture si vivante sortie du déluge et dont on retrouvera l’empreinte au bout de la nuit, avec une idée de la mer qui est dans l’homme. »

Les extraits qui jalonnent mon délire ont été grappillés dans « Le Garçon qui croyait au Paradis » de Maurice Chappaz.

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mercredi, mai 14, 2008

La profondeur


"Si tu me permets d'ouvrir une parenthèse, en mettant un instant de côté tous mes lieux de passages terrestres, que ce soit Hollywood ou la Bolivie, je voudrais te dire que pour moi toute la notion de "profondeur de l'homme" n'a de profond que sa prétention. La "profondeur" est un rapport tragique que l'homme a avec sa superficialité foncière, lorsqu'il en prend conscience."

Romain Gary, La nuit sera calme

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vendredi, mai 09, 2008

Vive le dahu!!!

Il y a des phrases peu amènes qui circulent dans mon petit cahier intérieur, celui qu’il est impossible de fermer, un curieux mélange d’actualités, une soupe froide où macèrent des événements d’un peu partout, d’Autriche où une histoire déplorable donne l’occasion à Elfriede Jelinek de dénoncer encore un peu mieux le culte de la façade qui sévit dans ce pays carte postale (les ressemblances avec un pays de fondue et de chocolat ne sont pas fortuites et sont même revendiquées par votre jardinier serviteur), d’Argentine où les derniers Indiens guaranis, après le suicide de deux jeunes, ont décidé de se mettre en quarantaine pour lutter contre le fléau de l’alcoolisme et tenter de renouer avec leurs traditions, d’un peu partout en Suisse où les membres de l’UDC affichent de plus en plus la rancune qui les rassemble, la crainte de l’ennemi commun, notre pays s’est construit sur cette belle fraternité, peut-être est-il illusoire de vouloir en sortir, malgré l’abondance, à cause de l’abondance.

Le dénuement porte plus à l’amour et à la générosité que la possession et le pouvoir, mais je ne suis même pas certain que ce(s) mot(s) existe(nt) encore dans le dictionnaire.

Ceci dit, plutôt que de laisser le précoce vieux con prendre le dessus, je préfère vous servir quelque chose de plus « frais », avec l’impression que c’est aussi en renouant avec une certaine « fraîcheur », devenant ainsi réceptif aux clins d’œil que nous fait la vie, que l’on peut s’extraire de la Mascarade des puissants :

Je suis resté un moment à le regarder, absorbé qu’il était par sa lecture. J’attendais discrètement qu’il lève la tête pour me dire : « Bonjour monsieur ! C’est pour « Le Monde » et « Libération » ? Je vous les ai délicatement mis de côté ! ». C’est un type d’une cinquantaine d’années, il a repris le kiosque de la petite dame qui croyait que j’étais violoniste, elle passe encore de temps en temps, pour lui donner des conseils, parce qu’elle n’arrive pas à se faire à l’idée qu’elle ne travaille plus, parce qu’elle sait quand je viens et qu’elle aime bien me parler de son mari.

Je l’observais donc, ce drôle de bonhomme, me réjouissant de voir ce qu’il lisait, espérant pouvoir engager la conversation.

Il a levé la tête, m’a salué, a enchaîné avec ses paroles habituelles.

Devant lui, soigneusement plié pour ne pas perdre sa page, « Le journal de Mickey » lui souriait.

J’ai eu très envie de l’embrasser, mais, avec mes deux journaux dans les mains, je me suis dit qu’il prendrait sans doute peur, alors je me suis éclipsé sur le pointe des pieds, le laissant en bien meilleure compagnie que la mienne.

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mercredi, mai 07, 2008

Une joie incroyable


"Une panique indicible balaie tout - comme dans ce tableau de Goya, au Prado, où l'on voit le monstre qui emplit la toile tandis que sous lui la tempête de peur emporte la foule: seul, au premier plan, un âne se tient immobile et paisible, - l'intuition fulgurante de la contingence, de l'inimportance de tout, une terreur sans nom, à moins que ce ne soit le pressentiment d'une joie incroyable."

Jean Sulivan, Mais il y a la mer

lundi, mai 05, 2008

Eveil printanier

Le bleu et le vert se prennent dans les bras.


Quelques fleurs osent une main sur leurs épaules.


D’autres jouent les parures somptueuses, baisers éblouissants glissant le long de la nuque, s’attardant sur les poignets.


Caresses. Paresse. Doux murmures d’ivresse.


Les hommes en gris ne voient pas tout ce que, prétendant bâtir, il démolissent.


Heureusement que les étreintes colorées n’entendent rien à cette folie.


Une somptueuse surdité menacée.


Alors lui offrir le refuge des mots, le réconfort du papier pour s’opposer à l’arrogance du confort bétonné.