katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

vendredi, mars 27, 2009

processus d'identification








Ils allaient pêcher dans les îles Kerkennah, alors quand ils revenaient au bled, à Teboulba, on avait pris l’habitude de les appeler les Kerkeni.


Ils, les Megdich. Puis l’administration, la recension s’est généralisée, il a fallu « officialiser » le nom, le « sanctifier » par un papier. Ce n’est pas vieux, même pour Bourguiba, père de l’Indépendance, il y a un flou artistique quant à sa date de naissance.


Ils ont opté pour Kerkeni, pourquoi pas, après tout, c’est sympa Kerkeni.


C’est l’ambassade suisse qui est venue glisser un « a » dans cette histoire, puisque c’est ainsi que se prononce la première voyelle.


Je ne connais pas la part de vérité, dans cette version de mon patronyme, je ne sais même plus qui me l’a racontée, d’ailleurs. Mais je la trouve « bonnard », alors j’aime bien en faire part.


Du côté helvète, c’est tout aussi romanesque, voire davantage, mais nettement moins convivial.


Il y a une personne qui perd la vie par l’intermédiaire d’un couteau, dans les années 30, celui qui portait, et de ce fait aurait donné, le nom ; et une qui termine en prison. Comme on ne laisse pas un enfant grandir avec sa maman, si elle se trouve derrière les barreaux, celui qui allait devenir mon grand-papa est adopté.


Donc changement d’appellation d’origine.


Répondant au nouveau nom qui entre alors dans la danse, Gudit, je ne connais guère que ma maman, ma grand- maman, mes deux oncles, leurs épouses, et leurs enfants.


Je sais qu’il est marqué sur beaucoup de tombes, dans un cimetière assez petit pour être caché par un arbre, à Arrissoules (oui, ce village existe).


Dans cette histoire non plus, pas la moindre idée de ce qui est affabulation. Un temps, on m’avait dit que mon arrière grand-père travaillait à la SDN, cela s’est depuis avéré inexact, seule rectification apportée à ce jour.


Je pensais à cela, dans mon lit, hier soir, je me demandais, suite à un échange avant d’aller me coucher, si je ne m’étais pas plus « réalisé », ou en tout cas exprimé, en tant que Katch, que ce soit balle aux pieds, ou mots et amour des livres en bandoulière, qu’en tant que Karim.


Que représente mon nom ?


Quand je me penche sur cela, le cerveau tordu que j’ai ne peut s’empêcher de faire affleurer à la surface des propos entendus, sur la transmission du nom, qui m’indisposent grandement.


Lors de discussions où l’homosexualité entrait en question, même des personnes très « ouvertes », m’ont expliqué qu’elles auraient de la peine à l’accepter, de la part de leur fils, si elles n’en avaient qu’un.


Parce que tu vois, la famille ne continue pas vraiment.


Non, je ne vois pas, je dois dire, la lignée, la descendance, cela m’horripile au plus haut point.


On ne parle plus tellement d’identité, ou alors on a conscience qu’il faudrait de préférence ajouter un « s » à la fin, pour indiquer combien il s’agit là de quelque chose qui est, peut être, pluriel. On utilise plutôt le concept de « processus d’identification ».


Cela insiste sur le fait qu’il s’agit d’une représentation, de soi, des autres, qui est en évolution permanente. L’existence, à soi, aux autres, comme élément dynamique, pas figé.


Je ne comprends pas vraiment dans quelle mesure les termes de « crise » ou de « récession » opèrent, au quotidien, en dehors de la peur permanente sur quoi le socle de notre société semble construite ; mais j’ai l’impression qu’en se penchant davantage sur sa personne, sur son être au monde, malgré toutes les questions qui restent à jamais en suspens, on accepte mieux son insignifiance, et, si enfant il y a, on ne le considère pas comme le prolongement de sa vie, plutôt comme une pelote de rêves que l’on aidera à démêler, si le petiot en a envie ; en refusant absolument la position de celui sait, et donc dicte.


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jeudi, mars 26, 2009

Certitude, Georges Castera

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Souhait, Georges Castera

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mercredi, mars 25, 2009

l'écorce des mots







"Les barques crient sur les eaux.

Je respire à fond de cales.

Je traverse l'amour, respirant.

Comme si la pensée se brisait sur les étoiles

rudes. J'appuie le visage à la douceur des barques.

Barques massives qui gémissent

sous les élancements de l'eau.

Je m'appuie à l'âpreté commune.

A la souffrance, à l'idée commune des barques.

J'appuie le visage pour la traversée de l'amour.

Je fais tout comme celui qui désirerait chanter,

logé dans les mots.

Respirant l'écorce des mots.

Leur sillage heurté.

Le visage en l'air dans les gouttes, les étoiles.

Logé dans le grincement plaintif des rames,

des gouvernails des mots."


Herberto Helder, Le poème continu

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mardi, mars 24, 2009

L'encre est ma demeure



Hier matin, bonheur intense sur la terrasse du café qui se trouve dans la parc tout proche.


J’ouvrais les deux paquets reçus, un d’Allemagne, « Das Buch von Blanche und Marie » de Per Olov Enquist à l’intérieur, mais aussi plein de sourires ; et un de Paris, avec beaucoup d’amour et un livre, « La colline des Anges », dédicacé par monsieur Depardon himself.


Sourires. Plénitude. Confirmation.


A nouveau le soir, en arrivant, c’était alors Vivette, alias la flèche, qui me saluait par boîte aux lettres interposée.


Me faire un thé, sortir les feuillets de l’enveloppe, me laisser imprégner.


Pendant l’après-midi de cette journée qui, comme souvent depuis que j’ai déraillé, a été composée d’heures mille fois plus enrichissante que celles qui s’empilaient (s’empaillaient ?) pendant tous mes semestres universitaires, je suis allé faire une nouvelle parade amoureuse à la bibliothèque de l’IFP.


A la clef, je tiens à ce « f » désuet, une découverte qui s’est instantanément infusée dans ma colonne vertébrale : Georges Castera.


C’est le titre de son anthologie, préfacée par Lyonel Trouillot, qui me l’a mis entre les mains : « L’encre est ma demeure ».


Dussiez vous n’avoir qu’un livre de poésie, dans votre bibliothèque, hormis ceux qu’il vous reste des cours lénifiants dispensés « en temps et en heure », prenez vos dispositions pour que ce soit celui-ci.


Demoiselle Besson, si vous me lisez, trouvez-lui je vous prie une place dans le petit coin adéquat de ma librairie chérie, je vous enverrai une lettre avec un petit cœur à déposer dessus.


Je répète : Georges (le prénom de mon grand-papa, yatata) Castera (Katchera, yatatatata), « L’encre est ma demeure ».


Merci.



« [..]


Je t’écris pour t’apprendre

que j’ai longtemps parlé avec les poings serrés

pour ne pas crier avec

l’horizon qui fait naufrage. »


La lettre sous la langue


« […]


J’ai remis vois-tu

Mon vêtement de marginalité

Je vais encore dans le sens des miroirs

Le temps que j’habite n’a pas de portes. »


La lettre du sixième sens


« […]


le poème devient un instrument

de percussion du quotidien

un instrument de répercussion

des jours sans festin ni destin

la pièce à conviction

des procès à venir »


Litige




Je vous les copie, et j’en frissonne à nouveau.


Bien que flirtant depuis longtemps avec la poésie, je n’avais pas encore trouvé la plume « identitaire ».


Des parents, des frères et sœurs, des amis, mais pas mon Gary versifié.


Eh bien voilà.


« vous qui dormez avec la nuit

dans votre poche

le soleil est devant vous

peine capitale

vous ne saurez pas la violence

de ses yeux dans ma vie


j’ai gardé dans ma folie

dissidence d’oiseaux

pour les jours qui ouvrent aux jours

la seule issue poussiéreuse du temps


l’horizon a piétiné nos bornes délirantes


il y a des jours de désespoir

où la mer remue ses cendres

dans le cœur des papillons


il y a des jours de rage

où il te faudra revenir au poème

ta seule part d’absolu. »


Vous qui dormez…


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managers de la diversité

Je les devine, au milieu des décombres, ou non, plutôt au-dessus des ruines et de ceux qui s’y débattent, déblatérant en toute tranquillité sur la profondeur de ce qui vient d’être énoncé.


Un brillant intellectuel aurait lu de beaux vers d’un type dont tout le monde connaîtrait le nom, vaguement, puisque même au niveau de la culture, c’est le contenant qui importe, pas le contenu.


Connaître les épithètes accolées aux containers de ces blettes bien habillées.


Ils seraient pile poil dans le tableau de ce que, la semaine dernière, j’ai eu besoin de dénoncer.


Satanées assemblées policées.


Les « managers de la diversité », s’étant hissé de différents milieux, ethniques ou sociaux, mais qui, se faisant, n’en font pas moins la nique à ces terme en cours d’évanescence : éthique et authentique.


Yazid Sabeg s’appelle celui qui leur dicte ses détestables volontés, en France.


Il faut faire face au « krach des compétences », donner la pitance à ceux qui peuvent se hisser au niveau des élus de souche.


Rendre plus visible les minorités pour mieux donner un fouet à ceux qui s’assimilent le mieux.


Freysinger a des amis musulmans, des Libanais qui boivent du vin, mangent du porc et crachent sur leur pays d’origine. Belle définition de l’intégration et de la tolérance.


Rafistoler de manière bien rance, surtout.


Nous sommes dans une société qui est en train de se fractionner, comme ils le répètent à raison, alors marquons mieux la cassure pour mettre du bon côté les valeurs sûres.


Les talents qui permettront à la France de former non pas 28'000 malheureux ingénieurs par année, mais 80'000 comme elle en aura besoin.


C’est ce qu’il faut pour construire au plus vite les ponts et les murs du futur, ceux qui protègeront les élus de tous bords, ceux qui auront sacrifié leur conscience sur l’hôtel des compétences.


Science sans conscience. Disait Rabelais.


Peut-être faut-il le rabâcher pour éloigner les bâches qu’on met sur ce qui fait tache.


N’est que ruine de l’âme.

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lundi, mars 23, 2009

corps et voix railleurs






Ils tournent, ils plastronnent, ne cessant d’entonner ce lamento qui profondément résonne.


Majestueux déblayeurs qui donnent corps et voix railleurs à l’ailleurs.


« Tu écris comme les oiseaux se jettent dans le ciel, mon cher Karim. »


Ce fragment d’un message enveloppé autour du cœur, je regardais les goélands, ceux qui s’acharnaient à décharner le peu qui traînait, et ceux qui sereinement trônaient.


J’étais arrivé la veille, Porto m’avait d’emblée charmé ; j’avais retrouvé Felix, footballeur de génie à l’esprit « funky » que je n’avais pas vu depuis longtemps. Il m’a fait découvrir « sa » ville.


Je pensais le croiser à nouveau le soir, mais le papy, en moi, a eu le dessus, je m’endormais donc bien vite, juste après avoir terminé « La ballade de l’impossible » d’Haruki Murakami. Un de ses premiers livres, on y sent tout de suite son écriture jazzy, cette ambiance entraînante, mais sans réel envol. Bien, donc, mais pas fabuleux.


« Tu écris comme les oiseaux se jettent dans le ciel, mon cher Karim. »


Levé tôt, j’en avais profité pour m’aventurer dans la ville avant que trop d’animation n’occupe ces lieux inconnus.


La lumière, cela s’est vite imposé, c’est effectivement la lumière qui confère à Lisbonne cette atmosphère si particulière. Ici, trop imprégné que j’étais de la ville de Pessoa, avec mon appareil photo, j’avais l’impression d’écrire de la main gauche.


J’essayais, mais non, rien de valable ne daignait se figer.


Un petit chien est alors apparu, cela devait être un cousin éloigné de celui, un caprice de la nature avait déposé son scrotum au niveau des pattes de devant, qui m’avait attaqué quand Alex était encore à mes côtés. Il avait essayé, sans résultat, de s’en prendre à la partie la plus sexy de mon anatomie (c’est pour cela, les shorts, madame framboise, les pingouins ne peuvent rien répliquer devant des mollets aussi appétissants. Même les lapins de ma colocataire tentent d’y goûter.).


Le cabot commença alors à me parler de Fritzl, combien c’était dégueulasse, est-ce que je me rendais bien compte ?!?


Voyant mon passeport dépasser de ma poche, il enchaîna en me jaugeant sur la paternité de Federer.


De Rodgeur, excusez-moi, j’avais oublié qu’il était de la famille.


Un peu dépité, je lui demandais s’il me parlait de cela parce qu’il avait lu le papier de Foglia, celui où un coyote vient hurler, puis rire, sur le compte de l’humanité, dans son jardin ?!?


Mais non, c’était un chien tout ce qu’il y a de plus humain, il ne lisait pas ce qui excède un paragraphe, sans point virgule ni mot difficile de préférence, il aimait mieux regarder les photos illustrées dans la presse gratuite, et s’affaler devant des émissions de deux heures, à la télé, qui parlent en long et en large d’un type qui a séquestré des enfants pendant des années, ou qui dissèquent les conséquences, bénéfiques ou non, du fait d’être bientôt papa pour un sportif de haut niveau.


N’y aura-t-il pas quelque chose de très « pervers pépère », l’équivalent d’un détestable étalement de viscères, dans la désinformation gluante de notre millénaire ?!?


« La fragilité me mord à la gorge. »


Ces mots étaient un peu plus bas, dans le même message que celui cité précédemment.


Ils scintillaient péniblement à la surface du Douro; les goélands continuaient leur sarabande fluviale.


Mes yeux imploraient un peu moins de tristes apparences, un peu plus de transparence.


Mes cris, muets, déploraient le morcellement des espérances.


Le chien a agrippé ma chaussette, fais pas la tête, qu’il a dit, j’ai une proposition bien plus chouette.


Du museau, avec une précision diabolique, il m’a envoyé un ballon.


Allez, montre-moi ce que tu sais faire.


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jeudi, mars 19, 2009

une autre manière de faire de la menuiserie






Ils m’ont accordé combien ? trois minutes ? quelque chose comme ça.


Alors je me suis levé, me suis dirigé devant l’auditoire, ai pris le micro. La dame qui organisait la discussion avait dit qu’elle savait qu’il était difficile de parler après des écrivains (ah ouais ? mais est-ce qu’on peut toucher ? ils crient ? ils se désintègrent ?), mais qu’il fallait oser, au moins risquer des questions.


Je vais paraître prétentieux, après ce que vous avez dit, ai-je hasardé pour commencer, mais je n’ai pas de question, ou trop pour les poser en quelques minutes avant le tant attendu Porto de l’amitié. Ce que j’aimerais, c’est amener une voix non pas discordante, mais « bousculante ».


Avec toute la prétention de la place que les livres ont dans mon existence.


J’avais envie de répondre à un des interlocuteurs présents qui avait laissé entendre que les poètes se mouraient, qui avait dit qu’il fallait davantage de dérision. Il avait affirmé cela engoncé dans son costard, tiraillé par sa cravate, il avait dit cela après avoir présenté les personnes présentes d’une manière tellement empruntée et soporifique que c’en était une insulte au terme de « dérision ».


Vingt minutes que j’étais assis, mon carnet baillait cela:


On souhaiterait du soyeux

du joyeux

des mots qui rendent curieux


On se retrouve avec du pompeux

du laborieux

seulement de quoi détourner les yeux


La mission d’élagage la plus impérieuse

débarrasser la culture de sa patine sirupeuse


Si j’ai eu envie de prendre la parole, c’est qu’après cela, après ces balbutiements protocolaires, après qu’un nouveau pingouin s’est levé (un de ceux qui étaient dans les deux premiers rangs indiqués « réservés », seules les fesses des happy few viendront sur ces coussinets) pour répondre, ou plutôt en répondant à son portable, après avoir fait un effort pour ne pas le tacler quand claquaient ces mocassins bien cirés, après cela, une fois que ce sont les livres qui ont occupé l’espace, il y a eu des frissons, il y a eu embrasement des mots et des esprits.


La flamme de ma seule légitimité, de ma seule crédibilité revendiquée, à savoir la brûlure occasionnée par bien des textes, s’en est trouvée avivée. Et ainsi de mon dépit.


Alors je me suis levé, constatant quelques haussements de sourcils devant l’audace de ce type, de nouveau dans un short surmontant d’inqualifiables chaussures de marche, affublé d’un T-shirt vert du plus mauvais goût, arborant un slogan discutable : « Defend Skate » ; que va-t-il dire dans cette marre de gens tiraillés à quatre (seulement ?) épingles ?


J’ai souri puisque, une fois de plus, c’est ce que je fais de mieux, merci maman, merci papa, et je leur ai dit que je trouvais remarquable et louable cette volonté d’échanges entre cultures, que les poètes n’étaient pas mort, ils venaient de l’illustrer à merveille, mais qu’il me semblait nécessaire de casser d’autres barrières, surtout une qui oscille entre fossé générationnel et réalité socio-économiques.


Je leur ai dit que j’aurais voulu que mon petit frère soit avec moi, parce que le texte lu par Norbert Schlechter lui aurait arraché des larmes, assurément.


Il aurait pris aller/retour la baffe de son affirmation que l’écriture se fait pour


dégueuler le sirop bigot des curés


taper dans la poisse des rhétoriques


vivre une autre manière de faire de la menuiserie


se mimer fœtus



Il aurait, triste conditionnel, parce qu’il ne serait pas entré dans la salle en voyant l’auditoire et ses occupants, vernis indiquant qu’ici n’était pas sa place ; l’aurais-je persuadé d’entrer, il serait parti avant qu’il se passe quelque chose, soupirant pendant les mondanités d’usage qui cassent tout, ou presque.


Alors je leur ai dit que « dérision » peut-être, sans doute, mais que je ne l’avais pas sentie, ici.


Il vous incombe, en tant que représentant d’une certaine Culture avec un « c » majuscule à raboter d’urgence, de vous draper aussi de légèreté et d’humour, plutôt que de montrer vos épaulettes ; tendez la main aux lecteurs qui ont besoin de vous, pas à ceux qui ont besoin de dire qu’ils y étaient.


Incarnez vos textes, cela seul compte, pas les millimètres ou les centimètres de vos CV respectifs.


Happy few. Place to be. Lounge bar.


Go and F… yoursef.


Allez dans ces rues qu’on affuble des épithètes les plus douteux, remettez en cause chapelles et institutions, répondez vraiment aux blessures que peut apaiser le poétique, ailleurs que confortablement installés, avec petite écharpe et cigare pour le style.


C’est ce que j’ai en partie slammé, pas trop vite, pensant à Meri qui n’a encore pas pu m’offrir de cours de diction, c’est ce que je leur ai amené, en substance, en écho à certains besoins de subsistance.


J’ai essayé de ne pas trop m’enflammer, demandez aux petchons ce que cela donne quand je me lâche pour une théorie d’avant-match, parce qu’autrement j’y serais encore.


Quand je suis allé m’asseoir, sous des applaudissements dont je ne sais encore pas s’ils signifiaient qu’on m’avait entendu ou qu’on avait hâte de passer à autre chose, le fameux Porto de l’amitié, foutaises entre quatre murs, quand je suis allé m’asseoir, un des ambassadeurs m’a pris par le bras pour me dire que « s’il pouvait, il se passerait bien de la cravate ».


Ce n’est pas « yes we can » le nouveau leitmotiv pour poudrer les yeux et faire frémir les babines ?!?


Tu peux, mec, oui, tu peux.



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mardi, mars 17, 2009

l'enfance, remède contre la suffisance distinguée








J’ai ouvert les yeux avec encore le salé des larmes qui hésitait entre veille et sommeil.


Ma tête s’est penchée légèrement vers la gauche. Il était 2h52.


J’ai laissé ma main se nourrir quelques secondes du mince espoir que la femme que j’aime était à mes côtés, mon bras a caressé les contours du vide, puis, résignée, ma mimine s’est contentée de me frotter les yeux.


Pas de sourires à glisser dans ses oreilles, ni de câlins pour amener de l’eau au moulin de la tendresse.


Il n’était pas 3h, mais je savais déjà que le sommeil n’allait pas revenir. Alors je suis sorti de mon lit.


Face contre terre, j’ai fait des séries de pompes, me marrant tout seul, le regard humide.


Repensant au rêve qui m’avait réveillé.


Hier après-midi, je suis allé aimer les livres à la bibliothèque de l’Insititut franco-portugais, un endroit où me scrutent Pascal Quignard, Nancy Huston, Jean Echenoz, quelques autres aussi.


Je suis allé aimer les livres ; j’en sors un, je l’ouvre au hasard, si cela me plait, je lis la première page, si je suis toujours convaincu, je le glisse sous mon bras ; et je reprends ma parade amoureuse.


Celui qui m’a aimé en retour, hier, s’intitule « Poèmes périssables », il est d’Abdellatif Laâbi.


Ma première curiosité m’avait murmuré cela :


« Plutôt que sens

donner consistance

à la vie »


Mais ce n’est pas de ceci que j’ai rêvé, non.


Comme j’étais à l’IFP, je me suis attardé sur le programme de la semaine de la francophonie qui débutait hier. J’ai vu que, à 19h, il y avait une projection de « Quand la mer monte », un film de Gilles Porte et Yolande Moreau que j’avais envie de voir depuis sa sortie.


Cela tombe bien, me suis-je dit.


Juste avant, il y avait l’apéritif de lancement des festivités, j’y ai laissé traîner ma silhouette une poignée de secondes, cela tombe bien bas, me suis-je empêché de dire, allant me réfugier dans un corridor vide.


Puis le film. Je n’ai pas été bouleversé, cela étant rendu d’autant plus difficile que devant le jeune en short, à la dégaine étrange, armé d’un sac apparemment greffé en alternance sur le dos ou sur les genoux, vous m’aurez reconnu, se tenait un monsieur bien comme il faut, avec costard de circonstances pour le mousseux, un sombre connard qui a réussi l’exploit de parler dans son téléphone portable pendant les cinq premières minutes du film.


Excusez-moi cet écart de langage, je m’enflamme facilement devant la suffisance distinguée.


Je n’ai pas été bouleversé, mais touché, oui, au plus juste, par plusieurs scènes.


Ce n’est pas de cela que j’ai rêvé non plus, il est vrai.


Dimanche, j’ai écrit plusieurs lettres qui me tenaient à cœur, une, surtout, consécutive à mon dépit devant l’affligeant débat télévisé où un des trublions de l’UDC affichait tout ce qui me débecte dans une certaine humanité dite civilisée.


Je ne sais pas comment elle sera accueillie, mais elle m’a d’ores et déjà réconcilié, avec moi.


C’est aussi pour cela que je me suis mis hors circuit, pour dessiner à certains les mots que, prononcés, ils sont incapables d’entendre.


J’ai été aidé, en ce sens, par la lecture du passionnant Cahier de l’Herne consacré à René Char, une merveille dénichée ici même, au marché aux puces, pour un petit Euro rarement aussi bien investi.


L’essai d’introduction de Dominique Fourcade et les vers que Saint-John Perse dédient au poète avaient rempli mon après-midi, je débordais, alors besoin d’aller courir, très fort.


Dans mon rêve ? Ce n’était pas cela, non.


Mais un peu de tout ce que je viens de vous dire.


Vous savez, il y a cette affirmation d’Annie Leclerc qui est nichée dans chacune de mes paroles et de mes actions, « je vais à l’enfance non pour fuir l’adulte qui est en moi, mais pour en parler la voix la plus juste. »


Dans mon rêve, j’étais au bord du terrain de foot, à Champagne, puis à Grandson, puis à Bonvillars, mais il n’y avait personne.


A un moment, alors que je cherchais désespérément un ballon, il y a Olic qui est arrivé, il m’a dit qu’on avait tous arrêté, il y a longtemps. Que contrairement à ce que l’on avait pensé, cela n’avait pas été difficile.


Alors je levais la tête, dégoulinant, ne pouvant que lui avouer que oui, pour moi, ces heures à jouer avec mes potes, cela avait été le meilleur ; donc le plus dur à effacer.


Je n’ai pas 30 ans, mais c’est il y a déjà quelques années, quand bon nombre de mes copains ont commencé à préférer regarder la télé le dimanche après-midi, quand, après une vingtaine de coups de téléphone passés, l’on se retrouvait à 2 ou 3, souvent avec Lolo et Jacques, que j’ai commencé à vieillir.


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dimanche, mars 15, 2009

insolente amabilité






Après avoir extirpé les mots de mon cahier pour les déverser avec virulence sur l’écran, vendredi, j’avais envie de marcher un peu. Je suis descendu en direction de l’avenue de la liberté où se déroulait une manifestation. Des travailleurs que ne se sentent pas respectés, dont les droits sont piétinés. Délocalisation, cela s’appelle, entre autres termes aussi suintants.


J’ai traversé le flot, proposé quelques sourires que l’on m’a rendus à grand renfort de clins d’œil et de mains sur l’épaule. Mais rien à faire, dès qu’il y a foule, je me sens aspiré ailleurs, à l’écart.


La place de la joie n’était pas très loin, cela tombait bien, je les aime les deux, la place et la joie.


Je me suis déroulé sur un banc, j’ai pris quelques photos, offert quelques miettes à des pigeons, j’ai fait quelques passes avec un gamin ; puis je me suis assoupi.


Au réveil, j’ai sorti « La désobéissance de l’architecte », une série d’entretiens avec Renzo Piano, de mon sac.


« - Regarder dans le noir comme Marguerite Yourcenar invitait à le faire ?


- Bien sûr. Et il faut le faire avec désobéissance, ce qui ne gâte rien. Ce sont des choses très importantes, et qui n’ont pas de frontières. Dans beaucoup de nos travaux, reconnaissons-le, nous devons sans cesse brouiller nos cartes et oublier les limites de notre métier. Il faut de l’optimisme et de l’étourderie pour chercher les formes dans le noir. »


Après ma stimulante lecture du journal du matin, ces pages, merveilleux condensé d’intelligence, venaient rejoindre l’orage qui grondait dans ma caboche.


L’obscurité m’a empêché de le terminer sous les branches qui, aidées par le vent naissant, s’étaient mises à me composer une entraînante symphonie. Je suis donc allé le finir dans ma deuxième maison : la casa do Alentejo.


« Ne pas faire de compromis, pour moi, signifie poursuivre obstinément la réalisation d’une idée, d’un projet, d’un espace dont tu as rêvé. Peut-être est-ce ma nature têtue et désobéissante qui me pousse à poursuivre avec une « insolente amabilité » la réalisation de l’espace dont j’ai rêvé. »


Je pouvais aller me coucher, apaisé.


Hier matin, ayant déposé le premier frémissement de mes cils sur le rebord de la fenêtre, il a humé l’air et imposé son verdict : le jour allait encore être au bleu arrimé.


Balade, donc.


J’ai sautillé discrètement aux pieds des fenêtres, y grappillant ce qui luisait dans ces scénettes offertes.


Je me suis retrouvé dans le jardin qui fait face à la basilique Estrella, j’ai extirpé, il était en train de conter fleurette avec une pomme et ma bouteille d’eau : « Un homme qui vivait sur un banc », de Maurice Chappaz, petit texte accompagné d’autres écrits.


C’est Alex qui a eu la bonne idée de me l’amener.


« Certains disaient que j’avais la folie ambulatoire. L’ancien bonheur poétique et comme universel ne pouvait tenir. Je me promenais avec une goutte de rosée sur un fil de fer. »


Comme toujours lorsque je lis Gary, cette fois grâce à cet impétueux Valaisan, fou magnifique qui se repose depuis peu, je me suis senti exprimé, au plus juste ; miracle sans prix.


"Il s'agit de comprendre. Et d'autant plus si je suis l'un de ceux qui font en ne faisant rien, selon la claire formule de Ramuz. A chacun selon sa servitude. Les incidences matérielles je les juge, en général, moins contraignantes que le terrible enchaînement de causes et d'effets qui date des trop lourdes enfances. La culture de Saint-Maurice m'a pétri pour une première réponse. Tel que j'étais, tel qu'était le monde, pour continuer il me fallait une nouvelle ouverture de la conscience."


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