katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

samedi, septembre 30, 2006






« Il y a ces deux choses en nous : l’amour et la solitude. Elles sont entre elles comme deux chambres reliées par une porte étroite. Ecrivant, on va de l’une à l’autre, incessamment. On ramasse ce qui est sous le ciel, ce qui brûle dans le sang. »

Ch. Bobin

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jeudi, septembre 28, 2006

Comme un souffle bleu

Une faible respiration. Lente. Pratiquement inaudible, imperceptible dans un premier temps, puis le déploiement, ce léger souffle dans la nuque prend de l’ampleur, doucement, se colore. Le frémissement laisse place à une sensation particulière, jamais ressentie jusque là, un courant d’air, mais pas désagréable, plutôt une sorte de vent chaleureux qui vous étreint, vous enlace.

Puis du bleu, partout, ou presque, quelque fois un peu de gris, un gris délicat qui s’excuse d’être là, qui préfèrerait laisser toute la place au bleu.

La prose de Michèle Desbordes ressemblerait à ça, ressemblerait seulement, parce qu’il faudrait, la décrivant, réussir comme elle à en parler au passé, puis au futur, tout en faisant bien sentir que tout n’est qu’une question de présent, de présence au monde.

Il conviendrait d’envelopper l’ensemble à l’image de ce qu’elle parvenait si bien à tisser, avec une pudeur à fleur de peau, avec ce souci de parler de l’autre, cet autre qui lui était si cher, avec retenue, consciente qu’elle était que tout ce qu’elle pouvait nous découvrir devait rester comme couvert par sa voix, cette voix inimitable, interminable malgré son effacement.

On pourrait relire, inlassablement, les même pages, c’est d’ailleurs ce qui se produit, si l’on n’y prend pas garde, tant ses phrases sont d’une sereine beauté.

Il y a tout cela, dans son dernier livre, « L’emprise », mais il y a encore bien plus, parce que, choisissant pour une fois, elle dont on sait si peu, de dépeindre sa famille, sa vie, elle atteint un degré de maîtrise, une force d’évocation simplement exceptionnels, dans toute l’acceptation du terme.

Les dernières pages, bouleversantes, habitées par un souci de la mort et de l’écriture permanent, laissent songeur bien après la lecture achevée, encore plus lorsque l’on sait qu’elle nous a quitté quelques semaines après avoir mis le point final.

Ces quelques lignes, bien peu, en hommage respectueux.

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mercredi, septembre 27, 2006
















Les nuages nous éclaboussent de ciselures bleutées

Le ciel dépose la langueur sur nos âmes ruisselantes

La fenêtre nous regarde, cadre mouvant de tableaux incertains

L'encre s'interroge, couverture soyeuse des yeux égarés

L'écriture surgit, éclair nu dans cette éternité confuse.

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En attendant d'avoir un peu de temps pour écrire sur les livres magnifiques que j'ai lus ces derniers jours, je me permets de mettre en ligne ces quelques mots de Patrick Deville, leur justesse me bouleverse à chaque fois que je les relis:

« Je serais bien incapable de dire, aujourd’hui, ce que c’est, au fond, qu’être un écrivain. Mais je sais qu’il ne suffit pas pour cela d’écrire des livres (une part infime des livres étant écrit par des écrivains). Je sais qu’entreraient dans cette définition l’exil et la solitude volontaires ou subis, et aussi la volonté de n’adhérer à rien, ni à aucun lieu au monde (« Seuls les huîtres et les imbéciles adhèrent » écrivait Valéry, qui, lui, était un écrivain). Je sais que les écrivains sont des émigrants en quête de contrées lointaines où ne pas assouvir leurs rêves. Que la tâche immense d’écrire est pour dire que nous ne sommes pas ce que nous devrions être, que nous ne sommes pas sur la terre où nous devrions être, que manque au ciel ce grand œil triangulaire au milieu des nuages. Que tous les écrivains sont des navigateurs ahuris dans la brume. Que l’exil volontaire ou subi préserve de la bêtise du régionalisme, comme de la folie du nationalisme. Que les plus grands auront su faire de cet exil une étrange beauté, comme on compose un bouquet en agençant joliment ses faiblesses et ses terreurs. »

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Avec un livre magique au fond des poches ou dans un coin de ce qui nous sert, tant bien que mal, de tête, il nous restera toujours un champ d'espoir étoilé.

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vendredi, septembre 22, 2006

Votations

Ce week-end, en Suisse, certaines personnes vont aller voter.

On me sait prompt à prendre la plume une fois les résultats connus, cette fois je vais anticiper, pour deux raisons:

- L'issue me semble, à mon plus grand désarroi, courue d'avance, seule l'ampleur du "oui" pouvant laisser planer un doute.

- J'ai retrouvé, en fouillant dans mon disque dur, une ébauche de texte que j'avais commencé pendant mon service civil, pensant participer à un "concours" (mais, fidèle à moi-même, je n'étais pas dans les temps...), cet écrit me semble se prêter assez bien à la situation.

Désolé, c'est un peu long...

"Tellement de bruits qui circulent sur les requérants d'asile, sur ces personnes venues de mondes lointains, inconnus ou mal connus, ce qui est souvent encore pire, des personnes parties de contrées ou la souffrance était devenue la musique qui se jouait au creux de leurs oreilles, incessament.

Beaucoup de bruit, beaucoup trop de bruit naissant sur le dos de ces êtres meurtris dans leur chair et utilisés comme ferment de discours populistes peu enclins à la nuance. Leur image, faussée, terreaux de propos haineux, fruit d'un transfert de frustrations des plus désolants.

La réalité, fuyante, que nous habitons bien plus qu'elle ne nous habite, se voit biaisée par des démagogues amoureux de mythes de pacotille. D'aucun estime que ces prétendues vérités sont le fruit d'hommes courageux proférant tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Cela ressemble d'avantage à médire tout haut sur des gens qui ne peuvent que penser tout bas.

[...]

La nécessité de continuer, ne serait-ce qu'à son échelle, de dissiper ces bruits venus de contes éloignés du fabuleux qui leur sied pourtant si bien.

Si on doit se raconter des histoires, autant qu'elles soient belles et le plus possible éloignées de la culture de la peur que la désinformation qui nous abreuve met sur pieds depuis des années.

Il s'agit d'un pari sur soi et sur les autres, puisque nos vies ne sauraient être autre chose.

L'Homme, cette remarquable vue de l'esprit, verra le jour lorsque nos rêves auront enfin vaincu notre crainte de l'Autre, qui n'est qu'un triste déni de soi."

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"Au mieux, les mots d'une langue que nous prononçons ressemblent à des nuages qui vont et se déchirent plus ou moins lentement dans un ciel très bleu."

Richard Millet

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Il semble les surveiller, avec son semblant de képi, prêt à siffler si l'un d'entre eux tentait de se vêtir, mais il n'en est rien, comme tellement de personnes intimidantes et inquiétantes, il observe, simplement, comme un enfant, rêvant de pouvoir s'envoler aussi pour fuir le rôle pesant qui lui colle à la peau.

Et si, par la grâce d'un sourire, on lui prêtait nos ailes?!?

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jeudi, septembre 21, 2006





"Soyons seuls un moment
Dans un monde d'aveugles.
Milliards de paupières
Autour de nous fermées."


Jules Supervielle

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mardi, septembre 19, 2006

Méditations radiophoniques

Internet m’a permis de découvrir la radio.

Avant de pouvoir consulter comme il se doit les programmes susceptibles de m’intéresser, je n’écoutais la radio que d’une oreille, dans la voiture, au restaurant,… Je n’écoutais pas la radio, en somme, à la limite je l’entendais, elle faisait partie de ce bruit incessant dont parle Kundera avec justesse, mais elle n’enrichissait pas mon quotidien, loin s’en faut.

Les premières fois où j’ai un peu cherché pour trouver des émissions ou des documents sonores, je me suis rendu compte à quel point je n’avais jamais pris l’habitude de simplement écouter, de m’asseoir, de fermer les yeux, ou pas, et d’écouter. Je tournais un peu en rond, je trouvais toujours un truc à faire en même temps, résultat : je perdais plus de la moitié de ce qui se disait.

C’est terrible, même pour un « ennemi » de la télé comme moi, à quel point l’image s’impose. La nécessité de voir. Je me dis que rien que d’en avoir conscience, c’est un premier pas, et puis j’y « travaille », mais ce conditionnement, comme tous les conditionnements, m’énerve beaucoup.

Qu’à cela ne tienne, avant de rédiger ces quelques lignes, j’ai réussi à rester tranquille, sans lire, pendant une trentaine de minutes pour écouter Stéphane Audeguy parler de son dernier livre : « Fils unique », que j’ai lu la semaine dernière.

Il s’agit des confessions, ou des « anti-confessions », du frère de Jean-Jacques Rousseau. Résumé de cette manière, cela ne donne pas forcément envie de courir acheter l’ouvrage en question, j’en suis conscient, mais pourtant.

Stéphane Audeguy avait écrit, l’année dernière, un premier roman (« La théorie des nuages ») où se mêlait une imagination débordante et un savoir livresque impressionnant, mariage réussi que l’on retrouve aujourd’hui.

On traverse le XVIIIème siècle en riant beaucoup et en observant des événements fondamentaux (les automates, les révolutions, les revendications « féministes »,…) à travers l’œil d’acteurs que l’Histoire a considérés comme secondaires.

« Il y a toujours une bibliothèque dans mes livres, mais ce n’est pas pour y enfermer un type d’exactitudes qui ne m’intéressent pas. C’est le « dehors » de la littérature qui me parle, les puissances vitales qui s’expriment, je me situe donc à l’opposé d’une volonté d’enfermer le livre sur lui-même. »

L’auteur explique se sentir proche du picaresque par son attirance pour le caractère hétéroclite que peuvent connaître nos existences, il nous sert donc le récit des histoires hautes en couleurs des différents personnages croisés par François Rousseau.

L’émission radiophonique commençait par les dernières lignes du livre, je vais les reprendre aussi, mais pour clore ce billet :

« J’ai fait ce que j’ai pu pour ajouter, avec douceur, au désordre de ce monde. Rira bien qui rira le dernier. »

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lundi, septembre 18, 2006

Editorial


D'abord il y a des cris lorsque la faim, le froid, la peur s'immiscent en vous.

Puis viennent les mots, doucement, timidement, avec maladresse.

Des sourires alentours pour répondre à cette entrée en douceur dans l'univers de la parole.

Un jour, devant trop d'incompréhension, votre bouche se refuse.

C'est là qu'intervient l'écriture, pour que "sans voix" ne se mue pas en "sans voies".

Afin de pouvoir affronter le vide de cette interrogation à laquelle on vous confronte: "Qu'est-ce que vous voulez faire dans votre vie?"

Drôle de manière de formuler une question qui se situe précisément en dehors de la vie. Dans un ailleurs fait d'ambitions et de bassesse.

"Lire, aimer, chanter,..." serait la seule réponse possible. Mais cela ne se peut, cela ne saurait être... "Un peu de sérieux je vous prie".

Refus absolu, chasser ce mot du vocabulaire, et sourire.

Devant tant d'incompréhension, sourire.

Face à la nécessité de grandir, sourire.

Pour répondre à la jalousie, mère de toutes les frustrations, sourire.

Puisque tant de combats sont perdus d'avance, sourire.

Se donner la possibilité de vivre son existence de l'intérieur, avec le chant d'un oiseau dans le creux de son oreille, pour nous accompagner.

Une Vie qu'on dessinerait, calmement, avec un clignement de paupières.

Un instant les yeux ouverts, un instant les yeux fermés.

Comme si cette fraction de seconde où la nuit rejoint le jour résumait à elle seule notre insignifiance.

Un tableau qui prend forme pour mieux s'effacer.

Une peinture qui illuminerait une pièce au moment où elle disparaît.

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