katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mardi, septembre 30, 2008

Là vois la vie


herbstsonne


nicht neu die sonne
nichts neues unter der sonne
frühherbst noch
spätherbst bald
ein wespentanz rund
um kamillen
das obst
fällt vom baum
nichts neues -
aber die sonne


soleil d'automne

pas nouveau le soleil
rien de nouveau sous le soleil
jeune automne encore
vieil automne bientôt
un ballet de guêpes
autour des camomilles
les pommes
tombent de l'arbre
rien de nouveau -
mais le soleil




Kurt Marti, da geht dasein

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lundi, septembre 29, 2008

La décence ordinaire

Mes pensées, plutôt mes « gribouillées », ont envie de divaguer depuis la Finlande, où « le mal-être se situe au niveau de tout le pays » dixit un ami pour qui cet endroit a une grande importance, une ami pas étonné le moins du monde par le coup d’éclat de la semaine dernière, il pense même que cela risque de se reproduire très vite.

Partis de ce condensé de bonheur, on pourrait faire un crochet par les chiffres indiquant le pourcentage de dépressifs chez les étudiants français, prolongeant la douceur avec les forums qui permettent à des suicidaires ne voulant pas faire le pas tout seul de trouver l’âme (noir-) soeur. Les autorités prennent les choses en main, interdisant les sites, s’attaquer plus en amont serait trop compliqué, il faudrait alors bien un jour accepter qu’on fait fausse route depuis longtemps, ce qui n’est pas envisageable.

On met son costard et on récite son cahier des charges, même si on se débat tous dans la même décharge.

Mais bon, vous devez avoir l’impression, à juste titre, que je vous serre toujours la même soupe. Change de disque mon petit. Désolé, c’est plus fort que moi. La famine, la guerre, je n’ai pas la prétention de comprendre, c’est à des années lumière du cadre de mes palpitations, mais ça, le règne du gris, je baigne dedans, je peux le constater tous les jours.

C’est hurlant de partout, mais puisque tant peuvent continuer de se frotter les mains, on fait comme si. On médicamente la hausse des cris (Romain n’est jamais loin, besoin de respirer oblige), on ferme les yeux sur l’appel d’air de la faiblesse. Soyez, soyons forts. Tête levée. Cœur lessivé.

Orwell parlait de « décence ordinaire », c’est exactement cela, pour moi, refuser de prendre le wagon de ceux qui survolent et regardent de haut, de la décence ordinaire.

On parle,

On radote,

Sur le prix de l’essence.


Juste à côté,


Elle plie,

Elle prie,

La décence.

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vendredi, septembre 26, 2008

le seul lieu

Il y avait un duvet de nuages tiré sur une moitié du lac, l'autre n'en respirait que plus amplement.

Je les distinguais depuis le train qui arrivait en gare de Neuchâtel, une nouvelle fois abasourdi par ce que cette couche d'eau remue en moi d'essentiel.

J'avais une trentaine de minutes pour aller le saluer, sachant pertinemment que je n'aurais ensuite plus qu'une envie, rester à ses côtés, un livre en mains et une apaisante impression d'être entendu dessinée sur le visage.

J'étais encore un peu triste du marathon avorté de dimanche dernier, cette plongée en moi, esquissée à Yverdon, qui aurait dû me mener jusqu'ici.

Aventure d'autant plus stimulante que, pour de nombreuses raisons, écriture et course à pied se donnent la main dans mes regards.

Ce tracé, trait d'union entre les deux pôles de mon enfance, ajoutait à cette "première" une avalanche brumeuse de souvenirs que j'avais à coeur de passer au tamis de mes ailes enfin déployées.

Mais une blessure en avait décidé autrement.

Qu'à cela ne tienne, un grèbe huppé égaré m'a murmuré que c'était parce que j'avais été beaucoup trop sérieux pour préparer cette course, que cela ne me ressemblait pas, que ce petit accroc était simplement une invitation à accepter de voler vraiment sans filet, le plus loin possible du manège des compétiteurs en tous genres.

Les mots d'une poétesse suisse qui a publié l'année dernière son premier ouvrage, des pages qui résonnent dans ma poitrine, s'imposaient alors en écho aux vagues qui me martelaient les pieds:


"(...), on recule jusqu'au seuil de soi-même, au plus loin de la voix qui a glissé dans la gorge; (...), là personne ne sait où on est, c'est très loin, une ampoule vissée au bout du temps, avec dans les manches une odeur de bois fumé - le seul lieu."

Mary-Laure Zoss, Le noir du ciel

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mercredi, septembre 24, 2008

démarche hésitante


"Je n'accepte aucune croisade, parce que je n'accepte aucune foi et que je ne connais pas de certitude et que le droit de douter, le droit de continuer ma démarche hésitante aux confins de la vérité et de l'erreur est le seul bien que je défends. Je ne partirai jamais en croisade, mais je partirai toujours pour refuser d'être converti."


Romain Gary, Les couleurs du jour

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dimanche, septembre 21, 2008

à la dérobée


"Les lieux m'inspirent lorsqu'ils sont vus d'une route ou d'un train par exemple. [...]. Certains événements, certains êtres sont comme les paysages. On ne peut les saisir (ou s'en souvenir) qu'en passant, à la dérobée. Ils exercent pourtant une influence radicale sur tout ce qui est formulé, ils sont la matière même de l'écriture. "

Yasmina Reza, Nulle part

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mardi, septembre 16, 2008

un surcroît de jour


Parfois, des phrases s’accrochent à moi, durablement. Il y a un peu plus de deux ans, peu avant que je commence à (me) dessiner sur ce blog, des mots de Joë Bousquet, que je ne connaissais pas et qui a depuis lors rejoint mon nid d’auteurs aimés, ne voulaient pas me lâcher :

« Comme une ruine magnifique que l’esprit rebâtit à la lumière du jour et ne peut s’empêcher de relier à toute la campagne qui l’environne. »

Je les trouve toujours aussi éclatants.

Depuis quelque temps, c’est un air de Philippe Jaccottet qui rôde dans ms regards :

« Je crois qu’il n’y aura pas d’autre remède que, tous liens arrachés, quelque chose de pareil à un surcroît de jour. »

J’ai eu l’impression de les voir se matérialiser, hier soir, ces airs familiers, en regardant « Nomad’s land » de Gaël Metroz.

Nonante minutes pour montrer combien il est important d’avoir des admirations, et à quel point il est salutaire de s’en éloigner.

Remonte alors à la surface cette exhortation de Gide au début des « Nourritures terrestres » :

« Que mon livre t'enseigne à t'intéresser plus à toi qu'à lui-même, puis à tout le reste plus qu'à toi. »

Continuer d’élargir son horizon en s’habillant des autres, parfois, mais en s’autorisant, souvent, son plus simple appareil.

lundi, septembre 15, 2008

un incomparable éclat


"Je ne sais plus si je parle d'hier ou d'aujourd'hui. Je ne vois plus bien la différence, ni le temps qui sépare. C'est peut-être encore le ciel, la lumière tout autour, cette façon qu'a le jour de glisser, de sourdre doucement, instant après instant jusqu'au soir."

[...]

"Entre l'exactitude et le rêve, on choisissait le rêve, et le beau quoiqu'il arrive. Ça bouleversait le monde tout autour, et lui donnait un incomparable éclat, mais ça rallongeait le chemin. Plus, bien plus sans doute qu'on aurait pensé."

Michèle Desbordes, L'emprise

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samedi, septembre 13, 2008

Je ne sais plus où j'étais allé


"Il n'y a plus que mes carnets, fragiles et pareils à des radeaux: ils prendront l'eau bien sûr, mais en attendant je flotte avec eux, et le courant m'entraîne. Je suis bien obligé de leur faire confiance - parce que je ne sais pas où je vais.

Je ne sais plus où j'étais allé."


Laurent Nunez, Les récidivistes

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jeudi, septembre 11, 2008

Ceux qui jamais ne s'effacent


"Tu sais,
Ce n'est pas que tu sois parti
Qui m'importe.
D'ailleurs, tu n'es jamais parti.
Ce n'est pas que tu ne chantes plus
Qui m'importe.
D'ailleurs, pour moi, tu chantes encore,
Mais penser qu'un jour,
Les vents que tu aimais
Te devenaient contraire,
Penser
Que plus jamais
Tu ne navigueras
Ni le ciel ni la mer,

Plus jamais, en avril,
Toucher le lilas blanc,
Plus jamais voir le ciel
Au-dessus du canal.
Mais qui peut dire ?
Moi qui te connais bien,
Je suis sûre qu'aujourd'hui
Tu caresses les seins
Des femmes de Gauguin
Et qu'il peint Amsterdam.
Vous regardez ensemble
Se lever le soleil
Au-dessus des lagunes
Où galopent des chevaux blancs
Et ton rire me parvient,
En cascade, en torrent
Et traverse la mer
Et le ciel et les vents
Et ta voix chante encore.
Il a dû s'étonner, Gauguin,
Quand ses femmes aux yeux de velours
Ont pleuré des larmes de pluie
Qui venaient de la mer du Nord.
Il a dû s'étonner, Gauguin.


Souvent, je pense à toi
Qui a longé les dunes
Et traversé le Nord
Pour aller dormir au soleil,
Là-bas, sous un ciel de corail.
C'était ta volonté.
Sois bien.
Dors bien.
Souvent, je pense à toi.

Je signe Léonie.
Toi, tu sais qui je suis,
Dors bien.



Barbara,
Gauguin (Lettre à Jacques Brel)

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mercredi, septembre 03, 2008

Cette faveur accordée à nous

La nuit respire calmement dans l’écho de bruine qui plane. Je décolle tranquillement, à la lueur d’une faible lumière, les images éparses qui font danser mes murs. Petites lucarnes sur des mondes lointains, sur des souvenirs ; l’éclat de gens et de lieux que j’aime, pour beaucoup.

Des refrains qui m’accompagnent, qui dessinent une fidélité à ces moi qui me poussent toujours vers des émois nouveaux.

C’est la dernière fois que je vois, de l’autre côté de la rue, mon voisin, torse nu, s’adonner à notre valse préférée. Il semble aussi vivre de livres et de papier.

Une année, malgré mes sourires timides, n’aura pas suffi pour entendre le son de sa voix.

A jamais figés dans nos fenêtres de silences, bercés par les pages.



Dès demain, je m’ensommeillerai à quelques pas d’ici, provisoirement. Le temps de laisser cette année, avec son cortège de lumière, me souffler vers l’ailleurs, m’entraîner le plus loin possible des habitudes.

Continuer de n’être que naissance ; naître, incessamment ; essence de l’émerveillement.

En Toscane, au début de chaque chapitre du livre qu’il parcourait, Thomas se déplaçait. Prérequis de l’auteur pour que son lecteur vive pleinement la nécessité du changement de perspective, le plus souvent possible.

Souhait que mes lignes soient un appel à faire sienne cette belle idée, cette indispensable volonté de voir les autres. De voir en/depuis/autour.

Vision qui commence avec l’oreille tendue et l’offrande d’un sourire.




J’ai relu, ce matin, suite à des propos élogieux de Benoît, « Nulle part » de Yasmina Reza. De belles anecdotes sur ses enfants, anecdotes qui sont bien plus que cela, regards de la mère qui a pris des « photos écrites » de ses enfants, instantanés où gronde une tendre mélancolie.

Puis, pour finir, un texte sur son immense sentiment d’inappartenance. Lorsqu’elle a lu des lignes de Kertesz dans lesquelles il se compare au vilain petit canard, elle s’est sentie frissonner dans chacun de ces mots. Elle est, ils sont, de nulle part.




On m'a dit, dernièrement, que je suis un excellent ambassadeur de la Suisse. Comme je suis très imprégné de ce pays, j'ai pris cela comme un compliment, d'autant plus que, portant un nom de famille qui vient d'une île tunisienne inconnue parce que dépourvue de charme, et un prénom qui est un des 99 d'Allah, il y a quelque chose de très drôle là-dedans.


Comme un appel à faire de la mythologie helvétique quelque chose de dynamique plutôt qu'une massue que des conservateurs aigris brandissent à la première occasion.

Dans la biographie d’Annemarie Scwarzenbach que Béatrice m’a offert, j'ai découvert ceci qu'elle a écrit à Ella Maillart alors qu'elle rentrait de Lisbonne, quelque chose de très simple, quelque chose dans quoi je frémis d’évidence :

« C’est enchantant de retrouver la Suisse, ce pays heureux, et je prie pour que nous, les Suisses, comprenions que cette faveur accordée à nous n’est pas la suite d’un mérite, mais une grande responsabilité. »


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