katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

lundi, novembre 30, 2009

comme on dit par ici

« T’as vu, on n’est pas les seuls à pas trop aimer les minarets ?!? »


J’anticipe.


J’anticipe ce que je vais entendre à midi.


Je côtoie quelques personnes qui ne sont pas exactement la définition de l’ouverture d’esprit, il y a quelque chose de rocailleux dans la tête de certains Suisses.


Du coup, avec le temps, on apprend à « faire avec », comme on dit par ici.


On aperçoit une brèche, parfois, on se dit qu’il y aura peut-être une discussion possible, on s’y glisse ; puis on fait une « puissante lugée », comme on dit par ici.


On ne peut s’en prendre qu’à soi, a-t-on idée de prétendre se dresser face à l’inertie d’un rocher qui dévale une pente raide, un « béquet », comme on dit par ici.


Peut-être est-ce cela, écrire, ausculter l’impossibilité de l’équilibre.


J’ai noté ceci, petit billet déposé sur la couverture du dernier livre de Mauvignier, dans la librairie « à l’étage », un de ces endroits qui parviennent à me réconcilier.


Avec quoi ?!?


Vois trouvez vraiment que ce sont les raisons qui manquent ?!?


« Il ne faut pas surinterpréter le oui », c’est un politologue qui a pondu cette petite merveille à l’attention d’un journaliste du « Temps ».


C’est une formule qui me fait marrer, elle est dans le même ordre d’idée que les sondages qui donnaient une autre issue au scrutin : "complètement à côté de la plaque", comme on dit par ici.


En tout cas, personnellement, je n’ai pas eu besoin de « surinterpréter », je n’ai eu qu’à discuter, tendre l’oreille et m’en remettre à ce que je sais du populisme ambiant, c’était affligeant tel quel.


Ça suintait le « Oui » à plein nez.


L’exportation des armes, même combat, il ne faut pas toucher à l’économie; peu importe quoi et comment, il faut produire.


L’éthique, bien des gens qui pensent que c’est le bruit que fait une pièce quand elle tombe par terre.


Le toc serait alors cette masse inerte dans la boîte crânienne, ou alors à gauche de la cage thoracique.


Tic, toc.


Tic, toc.


J’entends souvent des aiguilles désagréables résonner dans ma tête, elles égrènent, au pays de l’horlogerie - celui où « tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait », comme dit mon oncle -, les secondes inexistantes qui nous mèneraient à des résultats qui me "décevraient en bien".


Comme on dit par ici.

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mardi, novembre 24, 2009

comment reconnaître le temps











Paris – Genève en TGV ; mes regards, avec une voilure d’onze mois de vadrouille, interrogeaient le paysage ; des senteurs de retour picoraient mes yeux, quelques battements de cils battaient la mesure ferroviaire.

Quand je cours, généralement, si je fais une boucle, je la fais dans le sens inverse des aiguilles d’une montre ; instinctivement. La cohabitation parfois difficile entre l’espace et le temps est inscrite en moi ; j’ai, naturellement, une foulée de coureur de fond peu enivré par la vitesse, je déroule mes pas dans les angles discrets d’un monde stressé.

Un journal sur les genoux, ma contemplation était bien mal arrimée, mes esprits étaient habités par une houle passagère : Allais-je de l’avant ? Faisais-je marche arrière ?

Maintiendrai-je mon cap insensé, celui fait d’encens incertains, balancé entre histoires à vivre et écrire et souvenirs sur lesquels construire ?

Fausse question, une réponse négative ne saurait avoir voix au chapitre.

Cap maintenu, donc ; simple retour au port pour y envisager les prochaines étapes.

J’ai passé la frontière sans devoir m’y arrêter, peut-être mon bâton corrézien me conférait-il une aura de personne respectable.

En fait, pour être honnête, je n’ai jamais eu de problèmes aux douanes. Enfin si, une fois, en Tunisie, mais je l’avais bien cherché : j’avais cinq pièces d’identité, pas une où je me ressemblais.

J’avais demandé aux deux personnes qui ne voulaient pas me laisser passer si elle connaissait cette formulation de Gary : Je me suis toujours été un autre.

Réponse négative.

Un de mes oncles, qui m’attendait sagement, avait été prié par haut-parleur de venir me reconnaître.

A chaque fois que je dis « c’est moi », au téléphone, je ne peux réprimer un rire ; c’est fou qu’une formule qui est le sommet du ridicule soit si couramment utilisée.

C’était pourtant bien moi.

Sans blagues.

Maintenant que je vais devoir hasarder mon CV de ci de là, j’aurai peut-être la grande chance de devoir lister mes qualités et mes défauts, il faut savoir se vendre de nos jours.

Tu parles Charles, ils auront le droit à mon plus beau « c’est moi », si ça ne leur suffit pas, je sortirai mon ultime atout de ma manche, ce truc qu’on entend tous les jours quand les gens parlent fort un peu partout : « t’es où ? ».

Hier matin, chez Vivette, j’ai sorti un livre de Sullivan, j’ai cherché un passage souligné, je savais que ça me ferait du bien :

« C’est pourquoi existent tant de sociétés d’approbation mutuelle : elles permettent à beaucoup d’hommes qui n’existent que par le dehors de se tenir debout. »

Peut-être que je réciterai ça aussi.

Je me suis donc retrouvé dans la gare Cornavin en deux temps trois mouvements, je me suis dirigé vers le parc situé dans le quartier des Grottes, j’avais envie de manger mon pique-nique sur un banc. J’ai élu escale prés d’un hêtre débordant de jaune, j’ai profité pour m’en barbouiller un peu la frimousse.

Cette promenade est placée sous la sauvegarde des citoyens.

L’affiche posée à l’entrée m’avait confirmé que j’étais bien de retour en Suisse.

Cela m’a fait penser aux Rougets, ces petits gars qui sont devenus champions du monde au Nigeria ; au début de l’année, ils avaient signé, de leur propre initiative, une charte dans laquelle ceux qui peuvent jouer pour deux pays y promettent de toujours rester fidèle au drapeau à croix blanche.

Cette promenade est placée sous la sauvegarde des citoyens.

Chez nous, beaucoup de gens de tous horizons qui, à un moment donné, décident de changer leur nom pour se sentir mieux. Ou quand l’assimilation brille par la négation d’une partie de soi. Ecrire son identité sur une feuille blanche où figurent les « valeurs » suisses, sans que l’on sache s’il s’agit de celles foulées aux pieds dans la lamentable affaire lybienne, de celles qui font que l’exportation d’armes est défendue becs et ongles – il en va paraît-il de la survie de l’économie -, voire de celles étalées par la commission Bergier, qui a montré combien, pendant la deuxième guerre mondiale, neutralité rimait avec allégeance au troisième Reich.

La liste pourrait être encore très longue.

Il y a beaucoup de bons citoyens qui auront toujours mal au ventre quand Ben Khalifa et Seferovic marqueront pour le pays où ils ont grandi, pour le pays où ils ont leurs amis et leur famille, pour le pays où ils bâtissent leurs rêves et leurs souvenirs.

Peut-être qu’une promenade dans le XXI ème siècle devrait être placée sous le sauve-qui-peut de la notion de citoyens, on opterait alors pour un salut bienveillant et curieux à ses voisins de palier, tout simplement.

« Etre français, c'est avoir sa vie en France et rien de plus. »

Hamé, du groupe la Rumeur, dans un article important paru dans « Le Monde ».

Après une nuit chez Elena, j’ai pris mes cliques et mes claques pour aller surprendre Ariane et le baron du côté de Lausanne. J’ai marché jusqu’à Nyon, espérant que la vue du lac suffirait à m’abreuver, eh bien j’ai vite dû déchanter, cette vingtaine de kilomètres a été effectuée au bord de la route ; dans les pays de propriétaires, petit ou grand, il y a bien des accès au lac réservés aux « happy few ».

Sans doute d’excellents citoyens.

Dans la ville du Paléo, j’ai décidé de consacrer une partie de mon mince pécule pour acheter un billet me permettant de regagner au plus vite, et pas en pièces détachées, mon objectif du jour.

Je suis passé boire un café vers Daniel, on a discuté lecture et écriture, forcément ; il m’a dit que dans les pages sur Béatrice, à force de vouloir être trop « vrai », je n’en étais plus vraisemblable ; il a ajouté qu’il faudrait toujours écrire dans un « au-delà de soi ».

Je vais continuer de jardiner avec ceci en tête.

J’ai aimé la surprise sur le visage d’Ariane, quand elle est venue ouvrir, s’attendant à voir tout le monde sauf moi ; un étonnement qui a pris des modulations différentes, chez ma maman et ma grand-maman, chez Meri, Gandus, Béatrice, Luca et Raphu, mais qui s’est à chaque fois avéré enchanteur.

Puis, très vite, c’est l’évidence de la tendresse qui a repris ses droits ; l’éloignement n’a rien endommagé.

Je pensais me sentir décalé un moment, j’ai été rattrapé par l’éclat du familier ; dans mes envies d’aventure, je me suis toujours dit que je partais serein parce que je sais d’où je viens, que s’y trouvent bien des gens que j’aime ; ma curiosité est une volonté d’étoffer tout cela, pas une fuite, ni une quête désespérée.

Je me disais que j’avais confirmation de cela, hier matin, lorsque j’observais le lac de Neuchâtel pendant mon jogging ; j’avais tourné à gauche juste avant Fiez, en direction de chez Pierre, parcours déroulé tant de fois.

Je me récitais cette interrogation de Juarroz :

« Comment reconnaître le temps
Et trouver le fil inconnu
Qui coupe ses moments
Et le divise toujours
Justement au milieu ? »

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vendredi, novembre 13, 2009

la trace du désir













La semaine dernière, je suis allé assister à une rencontre littéraire et musicale dans la librairie Folie d’Encre, à Montreuil ; Lyonel Trouillot, écrivain haïtien, et Melissa Laveaux, jeune chanteuse d’origine haïtienne habitant à Otawa, étaient invités.


Au libraire qui lui demandait s’il y avait encore beaucoup d’Haïtiens qui quittaient l’île pour se rendre aux Etats-Unis, poussés par les sirènes du « rêve américain », Trouillot a répondu :


« Je trouve que c’est un bien joli mot pour quelque chose d’aussi vulgaire. »


Le rêve américain s’entend ; j’avais très envie de l’embrasser.


Un peu plus tard, il expliquait que quand il se rend dans une ville, il ne met jamais les pieds dans les musées, que ce n’est pas cela qui l’intéresse, qu’il ne lui semble pas que ce sont des lieux qui le renseignent ou l’ « enrichissent », il préfère se poser dans des cafés, regarder les gens passer, boire un verre avec qui se présente, discuter.


Là je me suis levé pour l’embrasser.


Dany Laferrière, un de ses potes, écrit dans « Je suis fatigué » qu’il a appris le métier d’écrivain étant enfant, auprès de sa grand-maman ; écrire, c’est observer ; il ajoute ceci :


« [...] Fatigué surtout de me faire traiter de tous les noms : écrivain carïbéen, écrivain ethnique, écrivain de l’exil. Jamais écrivain tout court. »


En me faufilant hors de la rue du Gabon, avant-hier, je ressassais ceci et me demandais s’il y avait vraiment des gens qui allaient, de leur plein gré, se rendre autour de l’Arc de Triomphe pour admirer Nico et Angela « fêter » l’armistice. Après plusieurs semaines à lire et entendre le Mur de Berlin mijoté à toutes les sauces, la place de l’Histoire, la représentation des villes, dans nos vies, m’interpellaient ; pourquoi tout est-il réduit, même le temps, même l’absence, même les questionnements, même l’espace, à de l’évènementiel bidon ?!?


Tout à coup, il s’agit de commémorer, alors on vous sert de l’information jusqu’à indigestion, pour combler les lacunes des plus jeunes, pour que les autres, nous tous, n’oubliions pas.


Bien scolaire, tout ça ; on fait un questions-réponses dans un mois voir ce que nos cerveaux ont imprimé ?!?


Foglia relit ces temps les atroces inepties proférées sur les juifs par des gens considérés comme intelligents, dans les années 30 ; il se penche aussi sur les louanges dressées aux communistes par poètes et autres intellectuels, après la guerre ; on se demande comment cela était possible, comment cela pouvait « passer » ?!?


Il nous invite, pour répondre à cette question, à lire ce qui s’écrit sur les musulmans, aujourd’hui ; des propos où la Bêtise s’étouffe toute seule, c’est moi qui ajoute.


Quand je vais rentrer en Suisse, la première votation populaire aura pour objet l’interdiction de construire des minarets, ce qui signifierait modifier la Constitution contre une religion, pour prévenir une « islamisation latente » ; chapeau bas les artistes ; voir les affiches qui invitent à voter « oui » me donnent une telle nausée que je ne sais pas comment je vais gérer la confrontation quotidienne.


On ne sait pas bien de quels musulmans il est question, des Bosniaques ? des Maghrébins ? des Irakiens ? des Pakistanais ? des Indonésiens ? des Suisses convertis ? de mon papa ?


On ne sait pas bien, peu importe, ils font tous peur.


En me faufilant hors de la rue du Gabon, hier, je ressassais bien des choses en me rendant au 104 pour retrouver Héloïse.


Le 104 est l’aboutissement d’un projet de réhabilitations de pompes funèbres, ancien lieu de mort qui devait devenir un lieu de vie et de passage pour les gens de ce quartier situé dans le XIXème arrondissement ; c’est au final une curiosité que des gens qui n’ont jamais mis les pieds dans le coin viennent voir, ils peuvent y constater qu’on a parqué des artistes « tendances », que des discussions sur Deleuze sont organisées, sans doute pour les gosses qui tapent le ballon un peu plus loin, histoire de se changer les idées entre deux parties de foot.


Héloïse est une fille à la beauté troublante, une demoiselle qui a été mise au monde par des parents aux reflets d’Arménie et de Liban, entre autres ; Héloïse est une fille à l’intelligence saisissante, une excessive présence au monde qui se marque par une fêlure dans les yeux, une intimidante entaille dans le regard ; Héloïse est un vrombissement sourd hanté par l’Histoire.


Côtoyer une personne comme elle aménage - voire « déménage » - davantage l’esprit que n’importe quelle émission.


Avec Héloïse, partant du 104, nous avions envie de trouver une brèche pour déambuler sur l’ancienne ceinture ferroviaire. Deux types qui ont investi il y a peu le deuxième étage d’une gare désaffectée, porte de la Villette, nous en ont donné la possibilité. Nous nous sommes alors mis à marcher en direction des Buttes Chaumont, habités par une étonnante ivresse, impression d’être deux minuscules locomotives voyageant dans un présent au passé simple.


Ainsi longtemps nous déambulâmes, nous croisâmes des rats aussi gros que le plus gros chat de l’Alfama, nous traversâmes un tunnel sans trop savoir comment orienter nos regards, puis fûmes accueillis à la sortie par un pied de porc surréaliste.


Un peu de gymnastique fût nécessaire pour quitter les rails, observés par trois gosses pantois.


« Y a quelque chose de spécial sur les rails, m’sieur ?!? »


« Ouais, un pied de porc tombé du ciel. »


« Ah… »


« Bonne journée les gars ! »


De nouveau dans la réalité, nous sommes rentrés boire un thé chez Héloïse, rapidement rejoint par Antoine, un type que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam.


Elle existe encore, cette expression ?!?


Euh…


Après avoir eu le soin d’éviter les politesses de mésusage, nous nous sommes retrouvés devant l’écran pour qu’il nous présente son projet de fin d’étude ; il est aussi architecte en puissance, depuis que je connais Manel, j’ai l’impression qu’il en pousse un peu partout.


Comment rendre vivable l’ancien camp de Drancy, aujourd’hui utilisé comme logement social ?!?


Est-il possible que devienne agréable un lieu depuis lequel 67’000 personnes ont été déportées ?!?


Sans doute pas en déposant, comme c’est le cas aujourd’hui, un wagon à bestiaux devant le nez de tous les habitants, au milieu de la cour ; vous prendrez bien encore une louche de mémoire de plomb au quotidien ?!?


Je l’écoutais, frissonnant, emmêler ses réflexions et ses doutes ; mes ressassements du matin s’incarnaient dans le travail, dans la préoccupation permanente de ce jeune homme qui, après avoir passé des journées entières sur ce sujet qui lui est cher, ne veut plus faire de l’architecture, mais un travail documentaire.


Au lieu d’enterrer les interrogations qui nous poursuivent, en faire le matériau d’un travail permanent, sur soi et sur ce qui déborde, sur ce qu’on perçoit et sur ce qui se dérobe ; proposer ses batailles intérieures à d’autres, pour voir si cela peut faire écho.


Jean-Louis Comolli dans son livre « Cinéma contre spectacle » :


« Les médias sont bègues. […]. La pratique documentaire est une sorte d’ascèse où l’on accepte d’être contraint par la résistance des faits, des choses, des corps, des situations, des femmes et des hommes qui ne sont pas à notre service, à notre main, qui ne sont pas mobilisables ni modulables à volonté : ceux qui entrent dans nos films ne seront pas floutés. »


Écrivant cela, je repense au sentier que l’on distinguait sur son plan, un sentier qui n’ « existait » pas, mais qui a vu le jour grâce aux pas des habitants, comme la douceur d’une pierre polie par l’eau.


On parle de « trace du désir » m’a dit Antoine.


C’était bien agréable de mettre un nom sur ce qui me porte depuis que je coupe à travers champ, défiant les projections : la trace du désir.


Je dessine au fusain ma propre trace du désir.


J’ai rencontré tellement souvent des personnes ayant étudié qui regrettent de ne pas posséder un savoir artisanal, ou occupant des places à responsabilités, enviées, alors qu’au fond d’eux-mêmes ils avouent qu’ils seraient plus heureux dans une barque de pêcheur.


Régulièrement je me demande si une partie du désastre que nous faisons du monde ne vient pas de l’impression que prendre notre vie en main serait possible uniquement en gagnant au Lotto, ce sommet de vulgarité.


Pourquoi ne pas faire le pari de s'en remettre à la trace de son désir, plutôt qu’aux rêves américains que la société fait pour nous.


Après thé, café et biscuits, nous sommes allés écouter Julien et Adrien, deux musiciens rencontrés dans un restaurant indien bondé, il y a deux semaines ; une heure après les premiers échanges de sourires, nous étions, Manel et moi, invités au milieu d’une cour magnifique, repère d’artistes précaires mais fervents.


Adrien à la gratte, Julien à la voix, ils nous avaient offert « Nantes » de Beirut.


Il y a deux jours ils se produisaient dans un petit café de la rue de Bagnolet.


C’était rudement chouette.

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mardi, novembre 03, 2009

rue aux quatre ruelles





Un bref coup d'œil à la carte, histoire de voir où dérouler mes pas de course dans les parages, puis je m'élançais pour m'appliquer de pleine lampée de la bruine qui saupoudrait Montreuil; direction le parc de Beaumonts.

Peu avant la première entrée, un nom de rue m'interpellait: Rue des quatre ruelles.

Tiens, tiens.

L'espace naturel où je trottinais culmine à 110 mètres d'altitude, sur ses "hauteurs", on aperçoit quelques uns des symboles parisiens, mais c'est un drapeau français, flottant au sommet d'un bâtiment tout proche, qui a retenu mon attention. L'identité nationale, il est beaucoup question de ceci, ces temps, par ici. L'identité nationale.

Tiens, tiens.

De nombreuses personnes ont découvert ces dernières heures qu'une femme, à la beauté rayonnante, nous parle de nous, de ce qui nous entoure, de ce qui nous étouffe, de la grande esbroufe moderne, ceci en maniant la langue française, "sa" langue, avec une exquise maîtrise; Marie N'Diaye s'appelle cette dame à la prose puissante.

Son frère, Pap, est Maître de conférence à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, il a publié un ouvrage intitulé "La condition noire, essai sur une minorité française".

Tiens, tiens.

J'ai lu dans "Libérations", il y a peu, un article sur un parachutiste français d'origine sénégalaise, comme les N'diaye, qui était sur le point de perdre sa nationalité parce que le dossier de son père a été étudié plus attentivement, certains éléments y semblent erronnés. Le jeune homme est revenu d'Afghanistan pour comparaître devant la justice.

Comparaître, ouais, ils sont plusieurs à "cons paraître", dans cette histoire aux détestables relents.

L'identité nationale.

Dans le parc, il y a une plaque en hommage à 27 hommes fusillés par des allemands, en 41, des représailles pour sanctionner la mort d'un officier; dans le groupe, un montreuillois de 19 ans, sans doute une "racaille" pour quelques responsables français de l'époque.

Aujourd'hui, des travailleurs sans papier bossent dans des conditions lamentables, sans couverture sociale, pour refaire les quais de métro, la nuit; pendant ce temps, de fiers représentants de la fameuse identité en suspens défilent devant la barre, pour y "cons paraître", également, messieurs Pasqua, Chirac et autres anciens hauts dignitaires de l'état sont chatouillés par la justice, dépouillés de leur imunité, les pauvres.

"Hauts dignitaires", on pourrait peut-être réfléchir sur la dignité nationale, en passant.

Dans le parc, il y a une peinture en mémoire à Jean Moulin.

"Le savoir est une arme" est inscrit dessus.

Tiens, tiens.

Dans le parc, il y a des musaraignes et plein d'oiseaux, je ne les ai pas vus, il y a des places de jeu pour quand il fait beau, aussi; affiché à l'entrée de l'une d'elle, ceci : "Pour les enfants de 2 à 10 ans".

C'est un peu ça, l'identité nationale, écrire "pour les enfants de 2 à 10 ans" devant une place de jeu.

Tiens, tiens.

Tintin?!?

Non, Tintin, au moins, c'est de 7 à 77 ans.

Finalement, j'aime bien l'idée d'une "Rue aux quatre ruelles".

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