Un paradis de poussières
La Connaissance du Soir
Les draps du peintre
Je ne sais par où commencer pour éviscérer le cadavre d’images qui imprègne mon cerveau de toute sa nauséabonde omniprésence, alors je dissémine les titres des livres qui sont à mes côtés, comme une manière de m’assurer sur cette paroi visqueuse.
Hier soir, moments de douceur enveloppés dans l’ombre d’une toujours bienvenue soirée lecture, puis, comme je ramenais Béatrice, et alors que je me demande parfois si je sais encore ce qu’est une télévision, j’ai vu l’allocution (envie de noter allo-cul-cul-tion) de monseigneur Sarkozy.
Et là, malgré moi, je n’arrivais pas à voir ce qu’il FALLAIT voir, ce que cette douteuse mise en scène prétendait représenter, quelque chose comme une « grande victoire de la liberté », je n’étais pas capable de cautionner ce cirque, est-ce :
a) du cynisme ?
b) une volonté de « toujours avoir quelque chose à redire » ?
c) les livres qui me rongent le cerveau et le coeur ?
d) de la connerie ?
toujours est-il que je ne voyais que le comble du ridicule de ce perpétuel présent médiatique dont on nous gave.
« Mais le principal c’est qu’ils soient libres, non ?!? », c’est ce que m’a dit Raphu, ce matin, lorsque j’ai laissé filtrer mon scepticisme. Même confronté à cette question toute simple, à quoi j’aimerais pouvoir répondre : « Oui bien sûr », j’ai séché, parce qu’il me semble qu’il y a vraiment autre chose qui est en jeu, et que cette manière cavalière de régler les problèmes en titillant l’opinion publique pour qu’il y ait des solidarités ciblées relève davantage du problème que de la solution.
J’avais comme un chat zimbabwéen/chinois/malgache/palestinien (je continue ?!?) dans la gorge.
Puisque nous sommes encore imprégnés d’une atmosphère euro-footballistque, je vais me permettre d’hasarder un parallèle.
La saison qui vient de s’écouler a vu un joueur prendre une dimension phénoménale : Christiano Ronaldo. Buts en cascades, passements de jambes « en veux-tu en voilà », belle gueule,… Mais, aussi, surtout, un individualisme forcené qui occasionne, dans le jeu, énormément de déchets, et qui, dans les journaux, le met au centre d’un différent entre son club et le Real Madrid qui propose un montant que je préfère ne pas qualifier.
Pendant l’Euro, niet, on ne l’a pas vu, ou bien si, juste quand il pleurait parce qu’il se rendait compte que son équipe allait passer à la trappe.
Dans un autre club qui sort d’une saison en demi-teinte, il y a un catalan pure souche qui répond au doux nom de Xavi. Un type qui ne jouera jamais pour un autre club que le Barça et qui va orchestrer le collectif espagnol encore longtemps. Quand il avait six ans, que tous ses copains couraient devant pour aller marquer des buts, il restait sagement au milieu de terrain malgré les exhortations de son père et de son entraîneur. « Il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour défendre si on perd le ballon », leur répondait-il calmement.
Aujourd’hui, il est « au four et au moulin », comme on dit, il organise le jeu de son équipe sans jamais se mettre en avant, placement irréprochable, vision du jeu phénoménale, abnégation de chaque instant. Il court énormément, jamais pour rien, lorsque ce n’est pas pour récupérer un ballon ou pour le donner, c’est pour offrir une possibilité de passe à ses coéquipiers.
Ronaldo « provoque » ses adversaires pour creuser des brèches où il n’y en a pas, parfois ça passe, souvent ça casse.
Xavi joue avec l’espace. Il le crée lorsque son équipe a le ballon, il le réduit à zéro, dans sa zone, en phase défensive. Il est une sorte d’incarnation de la notion de solidarité. Il sait que tout le monde ne peut pas voir et sentir le jeu comme lui, alors il se met entièrement au service de son équipe.
Xavi rime avec poésie.
Il sait qu’une vie ne se résume pas à un coup d’éclat, mais qu’elle se dessine chaque minute devant son miroir intérieur.
On a le droit de penser que ceci n'a rien à voir avec cela, mais, quoiqu'il en soit, le meilleur joueur de l’Euro, c’était lui.
« Evidemment le mot rien dès qu’on le dit
Se heurte à tout ce qui reste vivant,
Ce par quoi justement je touche (avec et sans précautions)
A ta parole à ta main, autant
Qu’à ton silence ou ton retrait.
Le mot rien dans le mot vivant ? »
James Sacré, Un paradis de poussières
Libellés : Pensées vagabondes