processus d'identification
Ils allaient pêcher dans les îles Kerkennah, alors quand ils revenaient au bled, à Teboulba, on avait pris l’habitude de les appeler les Kerkeni.
Ils, les Megdich. Puis l’administration, la recension s’est généralisée, il a fallu « officialiser » le nom, le « sanctifier » par un papier. Ce n’est pas vieux, même pour Bourguiba, père de l’Indépendance, il y a un flou artistique quant à sa date de naissance.
Ils ont opté pour Kerkeni, pourquoi pas, après tout, c’est sympa Kerkeni.
C’est l’ambassade suisse qui est venue glisser un « a » dans cette histoire, puisque c’est ainsi que se prononce la première voyelle.
Je ne connais pas la part de vérité, dans cette version de mon patronyme, je ne sais même plus qui me l’a racontée, d’ailleurs. Mais je la trouve « bonnard », alors j’aime bien en faire part.
Du côté helvète, c’est tout aussi romanesque, voire davantage, mais nettement moins convivial.
Il y a une personne qui perd la vie par l’intermédiaire d’un couteau, dans les années 30, celui qui portait, et de ce fait aurait donné, le nom ; et une qui termine en prison. Comme on ne laisse pas un enfant grandir avec sa maman, si elle se trouve derrière les barreaux, celui qui allait devenir mon grand-papa est adopté.
Donc changement d’appellation d’origine.
Répondant au nouveau nom qui entre alors dans la danse, Gudit, je ne connais guère que ma maman, ma grand- maman, mes deux oncles, leurs épouses, et leurs enfants.
Je sais qu’il est marqué sur beaucoup de tombes, dans un cimetière assez petit pour être caché par un arbre, à Arrissoules (oui, ce village existe).
Dans cette histoire non plus, pas la moindre idée de ce qui est affabulation. Un temps, on m’avait dit que mon arrière grand-père travaillait à
Je pensais à cela, dans mon lit, hier soir, je me demandais, suite à un échange avant d’aller me coucher, si je ne m’étais pas plus « réalisé », ou en tout cas exprimé, en tant que Katch, que ce soit balle aux pieds, ou mots et amour des livres en bandoulière, qu’en tant que Karim.
Que représente mon nom ?
Quand je me penche sur cela, le cerveau tordu que j’ai ne peut s’empêcher de faire affleurer à la surface des propos entendus, sur la transmission du nom, qui m’indisposent grandement.
Lors de discussions où l’homosexualité entrait en question, même des personnes très « ouvertes », m’ont expliqué qu’elles auraient de la peine à l’accepter, de la part de leur fils, si elles n’en avaient qu’un.
Parce que tu vois, la famille ne continue pas vraiment.
Non, je ne vois pas, je dois dire, la lignée, la descendance, cela m’horripile au plus haut point.
On ne parle plus tellement d’identité, ou alors on a conscience qu’il faudrait de préférence ajouter un « s » à la fin, pour indiquer combien il s’agit là de quelque chose qui est, peut être, pluriel. On utilise plutôt le concept de « processus d’identification ».
Cela insiste sur le fait qu’il s’agit d’une représentation, de soi, des autres, qui est en évolution permanente. L’existence, à soi, aux autres, comme élément dynamique, pas figé.
Je ne comprends pas vraiment dans quelle mesure les termes de « crise » ou de « récession » opèrent, au quotidien, en dehors de la peur permanente sur quoi le socle de notre société semble construite ; mais j’ai l’impression qu’en se penchant davantage sur sa personne, sur son être au monde, malgré toutes les questions qui restent à jamais en suspens, on accepte mieux son insignifiance, et, si enfant il y a, on ne le considère pas comme le prolongement de sa vie, plutôt comme une pelote de rêves que l’on aidera à démêler, si le petiot en a envie ; en refusant absolument la position de celui sait, et donc dicte.
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